Rwanda
Le gouvernement rwandais est consterné. D’ici la fin de ce mois, l’un des artisans du génocide rwandais pourrait recouvrer la liberté. Un mauvais signal selon Kigali qui craint une promotion de l’impunité.
Hassan Ngeze, condamné pour des crimes liés au génocide de 1994 au Rwanda, fait partie d’une liste de détenus qui pourraient être libérés après avoir purgé les 2/3 de leur peine. Un verdict que devrait prononcer le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) courant juin.
Ancien rédacteur en chef du journal Kangura et correspondant de la radio de sinistre mémoire, Radio Télévision Libres des Mille Collines (RTLM), Hassan Ngeze est accusé d’avoir systématiquement déshumanisé les Tutsis et d’avoir appelé à la haine contre ce groupe ethnique. Il était également le fondateur d’un parti politique extrémiste hutu dont les dirigeants présidaient aux massacres, et l’auteur des tristements Dix commandements hutu.
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Vive protestation de Kigali
En 2003, il a été reconnu coupable par le TPIR de plusieurs chefs d’accusation dont complicité d’extermination et crimes contre l’humanité, puis condamné à la prison à perpétuité. Une peine commuée en 2007 à 35 ans de prison par une Chambre d’appel du TPIR que le détenu purge au Mali. Mais, en 2016, Ngeze a demandé une libération anticipée qui pourrait lui être accordée d’ici peu.
Une décision contre laquelle s’insurge le gouvernement rwandais qui dénonce un “processus secret” qui pourrait permettre à Hassan Ngeze d‘être libéré avec d’autres responsables du massacre de 800 000 Tutsis. Dès lors, Kigali exige une audience publique afin de permettre aux rescapés du génocide de faire entendre leurs témoignages.
D’ailleurs, les autorités rwandaises soulignent à souhait que rien dans le statut du TPIR n’exige la libération des prisonniers après avoir purgé les deux tiers de leur peine, pointant une “invention judiciaire”.
Il n’y a pas que le Rwanda que cette décision agace. Des procureurs de la Cour sont eux-aussi vent débout contre le juge Theodor Meron qui doit prononcer le verdict.
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Mauvais signal contre l’extrémisme violent
L’accusé “a été dûment reconnu coupable de crimes qui ont choqué la conscience de l’humanité”, a noté dans une lettre Simone Monasebian, l’un des procureurs internationaux du procès de Ngeze et d’autres personnes impliquées dans la propagande anti-Tutsi. “Leur journal et leur station de radio ont alimenté le génocide et étaient plus puissants et dangereux que les balles ou les machettes.”
Simone Monasebian, aujourd’hui employée de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime à New York, estime que la perspective de la libération des mis en cause est d’autant plus controversée qu’ils n’ont montré aucun signe de remords.
“A ce jour, ils refusent de reconnaître qu’il s’agissait d’un génocide contre les Tutsis. À ce jour, ils refusent d’accepter toute responsabilité pour leurs actions. Ce sont des extrémistes violents non repentis”, a-t-elle dit.
Un autre procureur met quant à lui en lumière un mauvais signal dans la lutte contre l’extrémisme violent. “Quel genre de message sera transmis non seulement aux victimes du génocide mais aussi au monde entier lorsqu’une personne considérée comme un extrémiste violent et qui a contribué à incendier le Rwanda en 1994 est libérée alors que les dégâts de ses actions extrémistes continuent de sévir”, s’est insurgé Charity Kagwi-Ndungu dans une lettre au juge Meron.
Outre Hassan Ngeze, deux hommes reconnus coupables de génocide pourraient également être libérés. Il s’agit d’Aloys Simba, un ancien lieutenant-colonel accusé de crime dans le sud du Rwanda ; et de Dominique Ntawukuriryayo, une autorité locale qui a promis aux Tutsis de les protéger avant de les livrer à la milice Interahamwe Hutu pour qu’elle les exécute.
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