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Au Soudan, la guerre a mis les transports à l'arrêt

Au Soudan, la guerre a mis les transports à l'arrêt
Un homme passe devant un camion garé avec d'autres véhicules le long de la route reliant Khartoum à Wad Madani dans l'État d'al-Jazirah, à Hasahisa, le 18 juillet 2023   -  
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Soudan

Avant la guerre, Mahanna Abderrahmane se rendait quatre fois par mois avec son camion dans les ports de la mer Rouge pour charger des cargaisons qu'il distribuait dans divers États régionaux du Soudan. Mais depuis que son pays est ravagé par le conflit, il est désœuvré.

Assis dans un café près de Wad Madani, à 200 km au sud de la capitale Khartoum, il enchaîne les narguilés en sirotant des cafés. Routier depuis 20 ans, il dit à l'AFP n'avoir "jamais vu ça". "Cela fait trois semaines que je n'ai pas fait un seul chargement", lâche-t-il.

Et il est loin d'être le seul. Alentour, des centaines de camions sont garés et leurs conducteurs tentent de tuer le temps. Certains jouent aux cartes, d'autres recommandent un thé ou un café aux tenancières des petits troquets installés en bord de route dans l'État d'al-Jazira, probablement celui qui a accueilli le plus de déplacés de guerre.

Depuis que Khartoum est sous les bombes, plus d'un million et demi d'habitants ont fui la capitale. La destination la plus simple pour la plupart d'entre eux a été plein sud, vers Wad Madani et ses vastes étendues fertiles coincées entre le Nil Bleu et le Nil Blanc.

Selon la Chambre des transports soudanaise, depuis que l'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo sont entrées en guerre le 15 avril, 90% du trafic de transport routier a disparu.

D'après l'Autorité des ports soudanais, l'ensemble des exportations depuis janvier plafonne à 282 millions de dollars, contre 2,5 milliards de dollars au premier semestre 2021. Mohammed al-Tijani, également chauffeur routier, a subi les effets conjugués de la guerre et de la flambée des prix.

Depuis le début du conflit, "nos trajets vers les ports ont été rallongés d'au moins 400 km", dit ce quinquagénaire, parce qu'il faut désormais contourner Khartoum sous le déluge de feu de l'artillerie et des avions de combat et les postes de contrôle des diverses forces déployées.

Et, dans le même temps, le prix de l'essence - quand il y en a à la pompe - a été multiplié par 20. Quant à l'approvisionnement de produits destinés à l'exportation, il est quasiment coupé : la plupart des usines, majoritairement implantées à Khartoum, ont été pilonnées et les silos de stockage ont été pillés.

Les cars de voyageurs ont, eux aussi, cesser de rallier la capitale. Or, raconte à l'AFP Hussein Abdelqader, conducteur, "70% des trajets allaient et venaient de Khartoum". "Aujourd'hui, on circule seulement entre les autres villes du pays, donc on a beaucoup moins de déplacements".

Moataz Omar a réussi à maintenir un certain niveau d'activité, lui qui effectuait avant la guerre les 1 000 km de trajet entre Khartoum et la frontière égyptienne. Pendant plusieurs semaines, il a acheminé des centaines de familles en fuite, préférant l'exil au piège des combats.

"Mais quand les affrontements sont devenus plus intenses à Khartoum, il est devenu impossible d'y entrer", affirme-t-il. Il a donc fallu contourner la capitale mais le réseau routier, fortement centralisé, rend les trajets entre États toujours plus longs.

"Maintenant, on parcourt 2 600 km (...). On doit passer par l’Est : l'État de la mer Rouge, puis ceux de Kassala, de Gedaref", dans le sud-est frontalier de l'Éthiopie, "puis d'al-Jazira" plus au nord, en formant une longue boucle, détaille M. Omar.

Les passagers se font donc rares : "parfois, j'attends deux jours avant d'avoir des gens qui veulent aller de Wad Madani à Kassala ou Gedaref ou encore à Damazine, dans l'État du Nil Bleu", frontalier de l'Éthiopie, poursuit-il. "On a vraiment peur de tout perdre", se lamente M. Tijani, "parce que nos compagnies ne nous payent pas si elles n'ont pas de rentrées d'argent".

Avant, il existait une alternative aux cars : le train. Mais le 15 avril, alors que les premiers tirs retentissaient à Khartoum, les trains venus d'Atbara, plus au nord, ou de Wad Madani, ont fait demi-tour. Depuis, ils ne sont plus sortis de leurs gares.

Quant aux wagons dédiés au fret, ils sont eux aussi à l'arrêt. Avant, tous convergeaient vers Khartoum et surtout sa banlieue industrielle, Khartoum-Nord, raconte un employé des chemins de fer.

Aujourd'hui, Khartoum-Nord est une ville fantôme sans eau ni électricité. Et la plupart de ses habitants se languissent d'elle. A Wad Madani ou en Égypte.

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