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Les cow-girls afro-américaines à l'assaut des clichés du rodéo

Morissa Hall, Ryan Jackson et Reagan Jackson discutent dans le ranch de la famille Jackson à Upper Marlboro, dans le Maryland, le 15 avril 2023.   -  
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BRENDAN SMIALOWSKI/AFP or licensors

Etats-Unis

Coiffée d'un chapeau de cow-girl, mine concentrée, Morissa Hall juchée sur sa jument Lena s'élance au galop dans l'arène et slalome avec dextérité entre trois tonneaux lors d'une compétition de rodéo organisée dans l'Etat américain du Maryland.

L'Afro-américaine de 16 ans est l'une des étoiles locales montantes de ce sport, symbole de l'Amérique par excellence mais dont l'image et la pratique restent très blanches et masculines.

Les spectateurs, qui observent par une froide journée d'avril emmitouflés dans des couvertures la soixantaine de cavalières s'affronter dans cette épreuve de "barrel racing" où la rapidité prime, sont ainsi majoritairement blancs, tout comme la plupart des participantes.

"Quand j'ai commencé, les gens me fixaient du regard parce que j'étais l'une des seules cow-girls de couleur. Cela me mettait mal à l'aise", raconte l'adolescente à l'AFP, arborant fièrement son écharpe de "reine du rodéo" de l'organisation lycéenne du Maryland.

Tempestt Martin, qui a grandi à Washington, a aussi été visée par ces coups d'oeil circonspects à ses débuts, lorsqu'elle se rendait avec sa tante à des compétitions de "barrel racing" dans la région.

"Quand on pense à un cow-boy tout court, on a le stéréotype d'un homme blanc à cheval", lance la jeune femme de 23 ans qui a créé, avec trois amies d'enfance, le collectif de cow-girls afro-américaines "Catch this smoke".

Pourtant, après la guerre de Sécession (1861-1865), un quart des cow-boys de l'Ouest américain chargés de conduire le bétail étaient noirs, selon l'historien Kenneth Wiggins Porter.

"Nous avons toujours été là"

"C'est un cliché que les femmes noires ne montent pas à cheval", fustige Brittaney Logan, piercing à l'arcade sourcilière et tee-shirt rose vif au logo de l'équipe de Tempestt qu'elle a récemment rejointe. "Nous sommes là. Nous avons toujours été là".

"On va au McDonald's sur nos chevaux! Je veux que des femmes noires voient que c'est là. C'est accessible", ajoute l'écuyère de 36 ans.

Les cinq femmes s'entraînent sous une pluie intermittente pour participer en septembre à l'épreuve de course de relais à cheval au Bill Pickett Invitational Rodeo, un rodéo itinérant destiné à la communauté afro-américaine qui attire chaque année des milliers de personnes.

Un événement auquel assisteront aussi Reagan et Ryan Jackson, des jumelles de 12 ans, championnes de plusieurs disciplines de rodéo dans les organisations lycéennes du Maryland et de la Virginie voisine.

Elles s'exercent régulièrement avec Morissa Hall dans la ferme familiale à Upper Marlboro, petite bourgade verdoyante du Maryland, à moins d'une heure au sud-est de la capitale des Etats-Unis.

Sur leur monture respective, elles s'évertuent à zigzaguer entre six poteaux ("pole-bending"), à capturer des veaux au lasso ("breakaway roping") ou encore à se jeter de leur cheval pour lier d'un coup sec trois pattes d'une chèvre ("goat-tying"). Le tout le plus vite possible et sous l'oeil acéré de leur coach, c'est-à-dire leur père.

50 000 dollars par an

"J'adorerais qu'elle devienne une professionnelle et qu'elle soit la première femme de couleur à la finale nationale de rodéo. Ce serait énorme", souligne le père de Morissa, Morse Hall, d'une voix posée. "Mais je ne peux pas nécessairement lui offrir le type de cheval qui fera d'elle une championne. Nous ferons du mieux que nous pourrons".

Corey Jackson, père de Reagan et Ryan, dont les deux fils participent aussi à des rodéos, confie débourser 50 000 dollars par an dans ce sport équestre, des frais d'entrée aux compétitions en passant par l'entretien des chevaux.

"Ce n'est pas donné. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas beaucoup de familles afro-américaines qui participent à des rodéos sur la côte est", détaille-t-il.

"Si vous n'êtes pas né dedans, le rodéo est l'un des sports les plus durs à intégrer", assure M. Jackson.

Un cheval peut coûter à l'achat de 5 000 à 50 000 dollars en fonction de son âge et de son niveau d'entraînement.

"Ce n'est un secret pour personne que beaucoup de nos frères et soeurs blancs ont eu une longueur d'avance mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas y arriver", tempère de son côté Brittaney Logan, qui n'a pas grandi entourée de chevaux et a participé à son premier rodéo à l'âge de 28 ans.

"Beaucoup d'entre eux ont grandi dans l'industrie du spectacle quand il s'agit du circuit de rodéo. Ils ont les sponsors, ils les transmettent à leurs enfants", poursuit-elle. "Mais nous allons y arriver. Nous aussi nous allons avoir des sponsors et on est enfin reconnues".

"Je veux battre des records. Et je pense qu'on peut le faire", abonde Tempestt Martin, dont le sourire dévoile des bagues dentaires étincelantes.

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