République Centrafricaine
Le Premier ministre centrafricain Henri-Marie Dondra a été "démis" de ses fonctions par le président Faustin Archange Touadéra et remplacé par le ministre de l'Économie Félix Moloua, dans un contexte de tensions nourries par les luttes d'influences, franco-russes notamment, et huit ans de guerre civile.
"Le Premier ministre a été démis", le président "a décidé de clarifier la situation, de mettre fin aux élucubrations et à la confusion en signant un décret qui met fin à sa mission avant de signer un second décret nommant Félix Moloua", a déclaré lundi Albert Yaloké Mokpeme, le porte-parole de la présidence centrafricaine.
"J'ai démissionné de mon poste de Premier ministre", a assuré pour sa part à l'AFP Henri-Marie Dondra, huit mois après avoir été nommé chef du gouvernement. Le site d'information en ligne Africa Intelligence avait assuré vendredi qu'il avait "remis sa démission" au président Touadéra, qui se trouvait alors à Addis Abeba au sommet de l'Union africaine (UA). Mais ni Henri-Marie Dondra, ni la présidence, contactés par l'AFP, n'avaient souhaité confirmer ou infirmer.
Luttes d'influences
Ces dissonances au sommet illustrent la détérioration du climat entre différents camps au sein du pouvoir et, par répercussion, entre les deux têtes de l'exécutif, ce dont les médias locaux s'étaient fait l'écho. Notamment dans le contexte des luttes d'influence entre la France, l'ex-puissance coloniale, et la Russie, qui a pris énormément de poids depuis quatre ans dans une Centrafrique classée deuxième pays le moins développé du monde par l'ONU.
Henri-Marie Dondra, ancien ministre des Finances, avait été nommé le 11 juin 2021 quelques jours après que la France eut gelé son aide budgétaire à Bangui, que Paris juge "complice" d'une "campagne de désinformation" anti-française orchestrée par la Russie.
La nomination de Henri-Marie Dondra, considéré comme plus "bienveillant" à l'égard de la France que son prédécesseur Firmin Ngrebada, jugé plutôt pro-russes, avait été perçue alors comme un geste d'apaisement à destination de Paris. Depuis, l'influence de la Russie, par intermédiaire notamment de "mercenaires" de la compagnie de sécurité privée Wagner selon l'ONU et Paris, a considérablement progressé.
Coalition rebelle
Faustin Archange Touadéra, à la tête de la Centrafrique depuis 2016, avait été réélu le 27 décembre 2020 dans un scrutin très contesté par l'opposition, un électeur sur trois n'ayant pas eu la possibilité de se rendre aux urnes dans un pays alors aux deux tiers sous la coupe de groupes armés. Une coalition rebelle venait de lancer une offensive sur Bangui pour le renverser.
Après sa réélection, le chef de l'État menacé avait fait appel à Moscou, qui entretenait depuis trois ans déjà de nombreux "instructeurs militaires" auprès de son armée et des conseillers très influents à la présidence et à la Défense. Des centaines de paramilitaires ont alors débarqué en Centrafrique, "des instructeurs non armés" selon Moscou, des combattants de Wagner selon l'ONU et Paris.
Grâce à eux et des soldats rwandais dépêchés aussi par Kigali à la rescousse de l'armée démunie et mal formée du président Touadéra, les rebelles ont rapidement été repoussés, et Bangui a même récupéré le contrôle de la grande majorité du pays. Mais l'ONU accuse les soldats centrafricains et Wagner - tout comme les rebelles - de "violation des droits humains". Les Nations unies, Paris et des ONG internationales affirment également que Wagner et d'autres sociétés russes se sont, en contrepartie, assuré la mainmise sur les ressources du pays, notamment minières.
Profil politique
Félix Moloua, 64 ans, est considéré comme un fidèle du président mais surtout "un bon technocrate qui n'a pas un profil politique", analyse pour l'AFP une source diplomatique qui a requis l'anonymat. Démographe de formation, il a été six ans directeur de cabinet au ministère de l'Économie et du Plan avant d'hériter de ce portefeuille en 2016, une fois Faustin Archange Touadéra élu président.
"Touadéra avait nommé Dondra il y a huit mois car il était proche des donateurs internationaux et il avait de bonnes relations avec la France. Mais il avait très peu de contrôle sur certains ministres, notamment de la Défense et des Affaires étrangères", ainsi que sur l'influent président de l'Assemblée nationale, Simplice Sarandji, "proche des Russes", renchérit Roland Marchal, spécialiste notamment de l'Afrique centrale au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.
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