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La Maison d'Abraham à Abu Dhabi, symbole de la tolérance religieuse

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Cette semaine, Inspire Middle East s'intéresse à l'inclusion et la tolérance des communautés religieuses avec la Maison d'Abraham, un projet architectural des Emirats arabes unis, qui réunira sur le même site une mosquée, une église et une synagogue.

Le pape François et le grand imam d'Al Azhar, Ahmed Al Tayeb, ont écrit l'histoire l'année dernière à Abu Dhabi, en signant le document sur la fraternité humaine, un texte qui appelle à la tolérance, la paix universelle et la réconciliation de toutes les religions.

En application de cet accord, débutera cette année dans la capitale la construction du projet appelé "The Abrahamic Family House" ou "La Maison d'Abraham", sur l'île de Saadiyat. Ce lieu symbolisera la coexistence religieuse, dans un pays qui compte une population très diverse, d'environ 200 nationalités.

Le site, qui devrait être achevé en 2022, abritera une église, une mosquée et une synagogue. A la tête du projet : l'architecte ghanéen-britannique Sir David Adjaye, qui s'est déclaré "profondément honoré et reconnaissant" de cette commande.

Il a identifié le calcaire, le bois et le bronze comme des matériaux classiques utilisés dans les trois religions, et les a articulés différemment pour chaque bâtiment. Il a également fait attention à ce que les trois édifices soient tous aussi remarquables, beaux et impressionnants.

"C'est toujours le cas, mais d'autant plus avec ce projet, raconte Sir David Adjaye. Nous avons aussi réalisé que dans chacune des religions, il y avait des détails vraiment uniques : les dômes, les voûtes et les arcs des mosquées, l'idée d'enceintes dans la tradition juive et l'idée de délivrance et d'extase dans les églises chrétiennes. Nous avons donc amplifié ces détails."

"Ce que nous voulons, c'est que ceux qui pratiquent leur foi trouvent ici un nouveau lieu inspirant, qui s'ajoute aux espaces de foi qu'ils connaissent, poursuit l'architecte. Et pour ceux qui n'ont pas de croyance - les athées - que cela devienne un nouvel espace intriguant, qui leur donne envie d'examiner ce qui est à la base de ces trois religions."

L'avis de représentants des trois religions

L'église anglicane de Saint-André à Abu Dhabi est composée de plus de 50 congrégations de 40 nationalités différentes - avec une moyenne hebdomadaire d'environ 15 000 fidèles. Selon Paul Burt, son chanoine, la Maison d'Abraham symbolise une union de foi "extrêmement passionnante", en particulier pour les jeunes de la région.

Rebecca McLaughlin-Eastham, Euronews : Chanoine Paul, pouvez-vous me parler de l'engagement des fidèles de la foi chrétienne, notamment la jeune génération, aux Emirats arabes unis et dans la région. Etes-vous inspiré ou découragé par ce que vous voyez ?

Chanoine Paul : La religion est toujours un aspect fondamental de la vie de la plupart des gens. En fait, presque tous les gens, même les jeunes, sont enthousiastes à propos de leur vie et de l'avenir, ils sont donc pleins d'optimisme et d'enthousiasme. Et pense qu'un projet comme celui-ci sera mené par des jeunes de manière efficace.

Des croyances multiples ont coexisté dans cette région et dans le monde entier pendant de nombreux siècles. Quelle nouveauté la Maison d'Abraham à Abu Dhabi pourrait-elle apporter ?

Chanoine Paul : En ce moment, notre monde semble glisser vers la séparation et la division, se concentrant sur ce qui divise les gens plutôt que sur ce qui les unit. Nous pensons donc que ce projet est une contribution vitale à la communauté mondiale en ce moment.

Le Cheikh Fares Ali Mustafa est un imam et un prédicateur de la mosquée Al Farooq Omar Bin Al Khattab des Emirats. Il est très attaché à l'inclusion et la tolérance religieuse et encourage les gens de toutes les confessions à visiter son organisation afin que chacun puisse apprendre des uns et des autres.

"La culture de l'amour, est présente dans toutes les lois divines - dans le judaïsme, le christianisme et l'islam. Tout ce qui est en dehors du cadre de l'amour ne vient tout simplement pas de Dieu", estime le Dr. Fares Ali Mustafa.

Selon l'imam, si la Maison d'Abraham d'Abu Dhabi est une construction nouvelle, le message qu'elle porte est bien plus ancien : "Il faut toujours un certain temps pour comprendre une chose nouvelle, mais le principe de la Maison d'Abraham n'est pas nouveau, indique l'imam. Le prophète Mahomet, que la paix soit avec lui, avait l'habitude de recevoir des délégations et des prières chrétiennes dans sa mosquée . La Maison d'Abraham peut faire revivre cette culture authentique."

Le rabbin Daniel Silverstein et l'éducateur et rappeur musulman Mohammed Yahya ont construit une authentique amitié interconfessionnelle, lorsqu'ils ont formé un duo de hip-hop, intitulé "Lines of faith", visant à remettre en question les préjugés raciaux et religieux.

Installé en Israël, le rabbin est ravi à l'idée de visiter la nouvelle Maison d'Abraham à Abu Dhabi. Le projet rejoint, selon lui, sa philosophie de partage des enseignements religieux et de construction de la confiance au sein des sociétés, par le dialogue et la musique. Selon Daniel Silverstein, le rap et la religion sont un excellent mélange.

"Il me semble que le rap est un outil très puissant pour capter l'attention des gens et de transmettre des idées. Beaucoup de jeunes écoutent et intériorisent plus fortement de cette façon que par le biais de nombreux autres médias. Et j'entends parfois les gens me dire qu'ils ont été très touchés par ce que je fais."

Le rabbin Daniel, qui a fait ses études à l'université de Cambridge, se décrit comme un chercheur spirituel : il a étudié l'islam et le bouddhisme, entre autres religions, avant son ordination en 2015.

Aujourd'hui, Daniel dirige une plateforme d'apprentissage en ligne appelée "spiritualité juive appliquée". Les inscriptions ont augmenté pendant la pandémie. Suite à la normalisation des relations diplomatiques entre les EAU, le Bahreïn et Israël en septembre, de nouveaux marchés sont apparus. Il a notamment reçu un mail inattendu :

"Une femme m'a dit « Bonjour, je viens des Emirats Arabes Unis et j'aimerais en savoir plus sur le judaïsme et la spiritualité juive». J'étais vraiment stupéfait. Et cela m'a vraiment touché, en plus de ce qui se passait a un niveau politique. Que les gens sur le terrain, comme cette femme, puisse me tendre la main maintenant, là où ils ne le pouvaient pas auparavant. Et elle était si désireuse d'apprendre. Je suis vraiment heureux de partager ça avec elle"

Rendre les musées plus inclusifs

Alors qu'ils n'étaient autrefois visibles que par une poignée de personne, les objets sacrés sont désormais exposés aux yeux de tous dans des galeries du monde entier.

"Les musées se démocratisent et deviennent inclusifs", a déclaré en 2019 le Conseil international des musées (ICOM), un partenaire de l'UNESCO qui compte environ 40 000 membres. Selon l'organisation, la définition actuelle du "musée" est dépassée.

"La pandémie de Covid-19 nous a clairement fait comprendre que le musée du XXe siècle n'est plus adapté au XXIe siècle. Il existe de nombreuses tendances mondiales : mondialisation, numérisation, diversité, migration", explique Matthias Henkel, le président de l'ICOM.

Selon lui, il existe un nouveau type de galerie et de musée, qui reflète le besoin de nouvelles collections riches en représentations culturelles et ethniques diverses : "Les musées présentent des objets provenant de l'étranger, hors du contexte des autres cultures. Donc il faut construire des ponts vers les autres religions", raconte le président.

Au Royaume-Uni, l'exposition "Living with Gods" du British Museum présente des objets de culte provenant de nombreuses religions. À Paris, le Louvre abrite une galerie d'environ 3 000 objets d'art islamique.

Et au Moyen-Orient, peu après la visite du pape François dans la capitale des Émirats arabes unis en 2019, le Louvre d'Abu Dhabi a lancé une section "Religions universelles" qui présente des rouleaux de la Torah juive, une Bible médiévale, un Coran nord-africain et des totems bouddhistes. Une collection qui reflète les nombreuses croyances et nationalités du pays.

A Amman, la Galerie nationale des beaux-arts de Jordanie s'adresse à un public local ET mondial. Parmi sa collection permanente de plus de 2 800 œuvres d'art, on trouve des peintures et des installations en céramique aux influences chrétiennes et byzantines, ainsi que de la calligraphie islamique.

Selon Khaldoun Hijazin, le directeur exécutif de la galerie, l'art est plus essentiel que jamais dans les sociétés d'aujourd'hui : "Si l'on regarde le monde, on voit que de nombreuses crises culturelles et politiques viennent de l'idée qu'il faut rejeter l'autre. En se donnant la mission de représenter et de célébrer une pluralité de cultures et de visions du monde, nous aidons les gens à faire face, à comprendre et à s'identifier à l'autre."

Le musée contemporain affirme que la notion d'inclusion est également un concept intergénérationnel. Il est important d'attirer les jeunes qui se connectent facilement à l'art et aux œuvres lors de performances et de débats.

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