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Inspire Middle East

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Comment l'art transforme et se transforme au Moyen-Orient

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Dans un contexte de confinement, il est possible de vivre des expériences culturelles depuis son canapé. Des sites comme Google Arts et Culture permettent de découvrir des musées et galeries sur toute la planète : 2000 institutions culturelles d’environ 80 pays sont ouvertes au public virtuel.

Parmi elles, le musée Guggenheim à Bilbao en Espagne. Malgré sa fermeture temporaire dans le monde réel, les internautes peuvent entrer gratuitement dans ce fleuron de l’art moderne mondial et notamment observer de près, le “Bouquet de Tulipes” de Jeff Koons.

Et il n’y a pas que les musées qui sont accessibles en ligne. Pourquoi ne pas explorer les tombeaux antiques des pyramides égyptiennes, voire s‘émerveiller devant les stalactites millénaires de la grotte de Jeita au Liban ?

Immersion muséale et artistique

Selon Google, le public avide de découvertes a de plus en plus connaissance de ces offres culturelles virtuelles. “De plus en plus de monde visite notre site dédié,” se félicite Luisella Mazza, directrice des opérations mondiales chez Google Arts & Culture. “Nous sommes ravis de voir qu’un public plus important ait accès au contenu très divers que nous proposons à travers notre site et notre plateforme gratuite, c’est particulièrement intéressant en cette période difficile,” souligne-t-elle.

Google utilise les dernières technologies pour créer et publier les reproductions numériques des œuvres d’art. Grâce à une application et à la réalité augmentée, les utilisateurs peuvent décrocher les tableaux les plus célèbres, par exemple du Musée d’art moderne de New-York, pour les installer dans leur salon.

La fonction Art Selfie permet de voir les portraits célèbres qui nous ressemblent le plus après avoir pris une photo de notre visage. L’application scanne des milliers d‘œuvres exposées partout dans le monde pour obtenir une correspondance.

Moisson de propositions virtuelles aux Émirats

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, on multiplie aussi les propositions virtuelles, notamment aux Émirats arabes unis.

L’Université de New York Abu Dhabi, par exemple, a organisé une scène ouverte dédiée à la poésie où les fileurs de mots ont tissé leur toile durant toute une nuit. L’une des participantes a ainsi déclamé : “Il est possible d’arrêter de se juger les uns les autres et d’instaurer la paix dans ce monde.”

À Dubaï, l’Alserkal Avenue, un quartier culturel qui regorge de galeries, n’est pas en reste. Ses acteurs se sont bien sûr confinés, mais ils ont préalablement numérisé plus d’un millier d‘œuvres.

Pour faire basculer tout cela dans la réalité virtuelle, le photographe tanzanien Mohamed Somji a apporté son aide. Membre actif de la communauté de l’Alserkal Avenue, il estime que les galeries en ligne donnent la possibilité d’en apprendre plus sur l’art.

“Cela ne remplacera jamais la visite physique qui permet d’admirer les œuvres de ses propres yeux,” reconnaît Mohamed Somji, directeur de Gulf Photo Plus. “Mais l’expérience multimédia s’en approche beaucoup et elle apporte l’avantage de pouvoir associer aux œuvres, des tags pour accéder à davantage d’informations,” poursuit-il.

Le public virtuel peut aussi écouter les explications données par des artistes eux-mêmes, mesurer les pièces exposées ou encore les acquérir.

Depuis leur ouverture en mars, les galeries à 360 degrés de l’Alserkal Avenue ont accueilli plus de quatre mille internautes.

Et même si relativement peu d’acquisitions ont été enregistrées pour l’instant, les galeristes voient d’un bon œil l’intérêt grandissant du public pour les espaces artistiques virtuels. Une manière d’avant-garde d’accéder à la création.

Princesse Alia al-Senussi : “La nouvelle Arabie Saoudite soutient les artistes”

La place de l’art au Moyen-Orient et en Afrique du Nord est justement un thème que nous évoquons avec Alia al-Senussi que nous avons rencontrée à Abu Dhabi.

Princesse libyenne qui a grandi en exil, Alia al-Senussi n’a jamais laissé l‘éviction de sa famille du trône et de son pays dans les années 60, la définir ou l’empêcher de vivre sa vie. Née aux États-Unis, elle a obtenu à Londres un doctorat centré sur le mécénat culturel, les structures politiques et le rayonnement international des États. L’Arabie Saoudite a été son sujet d‘études et elle conseille aujourd’hui son ministère de la Culture.

Personnalité qui compte dans le circuit de l’art contemporain mondial, Alia al-Senussi estime que l’art joue un rôle majeur dans la transformation des sociétés. Un message qu’elle porte aussi en tant que représentante d’Art Basel pour le Royaume-Uni et le Moyen-Orient.

La princesse soutient des artistes émergents du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, pour leur permettre de mieux exprimer leur talent, mais aussi pour aider à la reconstruction de leurs pays souvent frappés par la guerre ou la révolution.

Rebecca McLaughlin-Eastham, euronews :

“Permettez-moi de revenir à l‘époque où vous souteniez votre thèse à l’Université SOAS de Londres. “

Princesse Alia al-Senussi :

“Je ne sais pas si j’ai envie d’y repenser…” [rires]

Rebecca McLaughlin-Eastham :

“Dans votre thèse, vous mettiez l’accent sur l’impact d’un potentiel changement social amené par les artistes contemporains en Arabie Saoudite. Qu’est-ce qui vous avait le plus surpris à ce sujet ?”

Princesse Alia al-Senussi :

“J’ai une passion pour les arts du Moyen-Orient en général et en particulier, de l’Arabie Saoudite. J’ai toujours su qu’il y avait sur place, cette scène artistique incroyable, cet élan formidable et ce soutien envers les artistes. Et le fait de voir tout cela se concrétiser avec la “nouvelle Arabie Saoudite” comme on l’appelle, cela m’a fait vraiment chaud au cœur. C‘était merveilleux. Il est clair qu’il y a eu de nombreux commentaires négatifs à ce sujet, mais j’espère que le reste du monde acceptera cela parce que c’est quelque chose de magnifique.”

Rebecca McLaughlin-Eastham :

“Pour rebondir sur ce que vous appelez la “nouvelle Arabie Saoudite”, le pays dispose-t-il des infrastructures dont les artistes ont besoin pour émerger et s‘épanouir ?”

Princesse Alia al-Senussi :

“Il y a cette volonté de créer cette infrastructure. Un ministère de la Culture a été créé par décret royal en juin 2018. Il existe une série d’autres formes de gouvernance et même des partenariats public-privé. Donc cette infrastructure se développe. Mais au centre de tout cela – comme on a l’habitude de le dire dans le monde de l’art -, il y a les éléments essentiels de tout, du marché, des institutions : à savoir, les artistes. Et l’Arabie Saoudite les a. Donc si on peut leur apporter encore plus de soutien… Ce qui se passe aux Émirats arabes unis, c’est encourageant. Dubaï, c’est le cœur du marché à de nombreux égards. Dubaï abrite les institutions. Sharjah, c’est l’essence de cet esprit. Ce sera une bonne chose de voir les Saoudiens accompagner cette démarche.”

“Il y a eu un essor incroyable des street artists en Libye”

Rebecca McLaughlin-Eastham :

“Quittons l’Arabie Saoudite pour la Libye : votre famille a été renversée dans les années 60 et vous y êtes retournée après la chute de Kadhafi en 2011. Quel regard portez-vous sur votre pays aujourd’hui ?”

Princesse Alia al-Senussi :

“Ce qui m’a beaucoup étonnée quand j’y suis allée, c’est de ressentir cet espoir. C‘était en décembre 2011. Nous avons passé quelques semaines sur place et j’y suis retournée de nombreuses fois en 2012 et 2013. Il y avait cet espoir, ce sentiment positif … C‘était un mélange d‘émotions pour quelqu’un comme moi qui est à moitié libyenne, à moitié américaine. Et le fait d‘être accueillie en tant que telle et d’entendre toute une série d’anecdotes incroyables – je vous raconterai une autre fois, mes rencontres avec toutes ces jeunes femmes -, c‘était quelque chose d’incroyable.”

Rebecca McLaughlin-Eastham :

“Les jeunes artistes de Libye peuvent-ils jouer un rôle dans la reconstruction culturelle du pays, du moins à Benghazi ?”

Princesse Alia al-Senussi :

“Il y a eu un essor incroyable, en particulier au moment du Printemps arabe avec les street artists même si, vous savez, il y a toujours eu ce débat dans le monde de l’art de savoir si le street art, c’est vraiment de l’art. Pourtant, Jean-Michel Basquiat a démarré en tant que street artist et il y en a d’autres comme lui : on peut citer Banksy. Beaucoup se demandent si Banksy passera ou non à la postérité en tant qu’artiste majeur. Et en Libye, je pense que ces artistes ont eu un rôle très important à jouer lors de la révolution et dans la manière dont le reste du monde a perçu ce qui se passait dans le pays. Le street art a joué un rôle dans la contestation, dans la révolution, mais également en Tunisie, en Égypte et même au Liban. Donc, je crois que les jeunes en Libye avaient alors trouvé un moyen de s’exprimer à travers l’art et la culture.”

Entre censure et auto-censure

Rebecca McLaughlin-Eastham :

“Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, aucun pays ne se ressemble, mais quels sont selon vous, les différents degrés de censure dans la région ?”

Princesse Alia al-Senussi :

“La censure d‘État, c’est, je crois, ce qu’une large part du grand public associe en général aux pays du Golfe et du Moyen-Orient. En réalité, ce n’est pas le cas. Parfois, heureusement ou malheureusement, il est possible que les gouvernements ne se rendent pas compte qu’ils devraient censurer certaines choses… On interprète mal la situation de ce point de vue. Mais les États comprennent aussi qu’en exerçant un contrôle strict, en instaurant une censure stricte, cela peut se retourner contre eux. Il y a aussi de l’auto-censure. Et puis, il faut aussi essayer de changer les choses à son niveau plutôt que de s’inscrire dans une grande lutte inutile.”

Rebecca McLaughlin-Eastham :

“Enfin, parlons des stéréotypes. Dans quelle mesure les personnes que vous rencontrez qu’il s’agisse de collectionneurs et de ceux qui appartiennent au monde de l’art ont-elles des préjugés sur les artistes du Moyen-Orient ? Pensent-elles que leur art s’enracine toujours dans une quête pour la paix, l’unité ou qu’il est issu de guerres, de violences et de conflits ?”

Princesse Alia al-Senussi :

“Les gens en sont conscients bien sûr. Quand vous avez des artistes du Moyen-Orient comme de nombreux artistes libanais qui ont grandi pendant la guerre civile, des artistes qui grandissent dans des contextes qui évoluent rapidement comme aux Émirats arabes unis, en Arabie Saoudite, il est certain qu’ils vont parler de ces sujets. Leur travail n’a pas fait son entrée dans les salles d’un blanc immaculé des grandes institutions d’art. Et ce qui m’a frappée, c’est de voir la résistance du monde de l’art traditionnel à appréhender ce qui se passe au Moyen-Orient. Mais je pense que les choses évoluent malgré tout comme on peut le voir avec les artistes afro-américains, les artistes femmes ou encore les formes d’art non conventionnelles ou disons, tout ce qui pourrait paraître anormal selon les normes du passé.”

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