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Inspire Middle East : comment préserver et restaurer le patrimoine en danger ?

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Cette semaine, Inspire Middle East s’intéresse à la protection et à la restauration des sites historiques et culturels après les conflits. Rebecca MacLaughlin-Eastham a rencontré l’une des pionnières dans le domaine de la préservation et de la restauration, Shadia Touqan. Salim Essaid, pour sa part, a exploré l’ancien monastère chrétien de l‘île de Sir Bani Yas, aux Emirats Arabes Unis.

L’une des conséquences inévitables de la guerre et des troubles sociaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a été la destruction de certains monuments les plus anciens, les plus précieux et les plus importants de la région.

Shadia Touqan, conservatrice, architecte et directrice du Centre régional arabe du patrimoine mondial, est l’une des pionnières dans le domaine de la préservation et de la restauration. Présent dans 19 pays arabes, l’Institut Touqan s’efforce de restaurer et de reconstruire les principaux sites religieux et laïques. Afin de préserver le patrimoine pour les générations futures, l’organisme enseigne aux communautés et aux gouvernements à se préparer aux situations d’urgence et à protéger au mieux leurs monuments.

Shadia Touqan vit au Barheïn, mais elle s’est récemment rendue à Abu Dhabi, où elle a incité les architectes et les scientifiques à travailler en étroite collaboration. Elle a également décrit comment l’implication des communautés locales peut redonner de l’espoir et créer un sentiment d’unité. “C’est l’un des principaux objectifs en fait, utiliser les compétences locales, la main-d‘œuvre locale, qualifiée et non, les artisans. Ils ressentent une connexion, un sentiment d’appartenance”, raconte Shadia Touqan. Vous pouvez impliquer une communauté dans la prise de décision, en prenant en compte ses opinions sur la façon de gérer des choses, sur la technique, etc.”

Cette stratégie a notamment été adoptée pour la restauration du minaret de la célèbre mosquée Al-Nouri de Mossoul, inscrite à l’UNESCO, et qui avait été détruite par l’organisation Etat islamique il y a deux ans. Le projet de reconstruction – pour lequel le gouvernement des Émirats arabes unis a donné 50 millions de dollars – a débuté l’année dernière.

A l’heure actuelle, de nombreux monuments historiques ainsi que des réserves naturelles du Moyen-Orient se trouvent sur la liste des “sites en péril” de l’UNESCO. “Il y en a quatre en Palestine, ce qui inclus Jérusalem, Hébron, Bethléem, et l’écomusée de Battir, explique la conservatrice. Il y a aussi Alep, où près de 60 % du tissu urbain a été détruit et où de nombreuses personnes ont perdu leur maison, tout comme à Mossoul. Il y a aussi des villes [du Yémen] comme Sanaa, où Chibam.”

“Avec le patrimoine, la réconciliation est possible”

La stratégie globale de l’UNESCO vise à conserver un large éventail de trésors culturels et naturels, en veillant à ce qu’aucune culture ou religion ne soit sous-représentée. Les peuples et la coexistence culturelle sont placés au cœur des projets. Parmi les sites soutenus par l’UNESCO et ses partenaires au Moyen-Orient, on peut citer la cité nabatéenne d’Al-Hijr, en Arabie saoudite, ou l’ancienne ville d’Alep, et sa grande mosquée du XIIe siècle, ravagées par la guerre.

Le Fonds du patrimoine mondial de l’UNESCO aide à financer de tels projets de restauration, grâce à des contributions publiques et privées. Créé en 1972, ce fonds reçoit chaque année près de 4 millions de dollars, qui sont alloués aux sites nécessitant une aide urgente. Depuis 1978, plus de 2000 demandes d’assistance internationale ont été acceptées, dont 12 % venaient des pays du monde arabe.

Pour Lazare Assomo, directeur adjoint de l’UNESCO, les gouvernements qui cherchent à reconstruire leurs villes après la guerre doivent se poser deux questions fondamentales : “Comment peut-on se réconcilier, et comment se remet-on de tout cela ? Et c’est là que le patrimoine devient important parce qu’avec le patrimoine, nous recréons un environnement dans lequel la réconciliation est possible et où on peut mettre en place un processus de guérison durable”, explique-t-il.

Lazare Assomo estime que la technologie a un rôle à jouer dans la préservation du patrimoine mondial. “Il y a quelques années, quand on voulait se rendre sur un site pour l’étudier, cela nous prenait des années de travail. Aujourd’hui, ce même travail peut être effectué par des drones, il peut être fait depuis un simple téléphone. Je pense que l’intelligence artificielle nous donne les moyens de faire beaucoup plus de choses.”

Suivre le rythme des dernières technologies et collecter des fonds ne sont que deux des nombreuses missions de l’UNESCO. Le plus grand défi pour l’organisation reste tout de même de terminer les chantiers en cours, avant que de nouveaux projets n’apparaissent à l’horizon.

Un symbole de coexistence historique

C’est sur la petite île isolée de Sir Bani Yas, dans le Golfe Persique, que les ruines d’une ancienne colonie chrétienne ont été découvertes par les Émirats Arabes Unis. Situé au sud-ouest de la capitale, Abu Dhabi, le site révèle l’histoire complexe de ceux qui y ont vécu. Par ailleurs, cette découverte enrichit l’offre culturelle et touristique des Émirats.

“ Il y a cette idée fausse qu’il n’y a pas d’archéologie ici, car il y a encore des sites qui n’ont pas été fouillé, estime l’archéologue Peter Magee. C’est n’est pas aussi visible qu’a d’autres endroits, mais c’est aussi important ici. Certains sites découverts ont près de 8 000 ans.”

La structure rocheuse du monastère chrétien de Sir Bani Yas a été découverte en 1992. Au départ, les archéologues pensaient qu’elle n’avait pas de fonction religieuse, jusqu‘à la découverte de croix. Le cadre architecturale d’une église et d’un monastère s’est alors révélé. Certains éléments du site se trouvent actuellement au musée du Louvre d’Abu Dhabi.

Ce site remonte aux premières années de l’histoire islamique, au VIIe siècle, et il raconte une histoire méconnue, comme l’explique Peter Magee : “Cette découverte est importante, car elle révèle des choses que nous ne pouvions pas apprendre par les documents écrits. Nous savions qu’il y avait des églises ici, mais nous ne savions pas où elles étaient. Il y en a très peu dans le Golfe et celle-ci est la plus orientale des églises.”

Ce lieu de prière comprenait des chambres, des dortoirs, une cuisine, des cellules et des lieux de sépulture. En 2014, des fouilles ont révélé que d’autres structures étaient encore dissimulées sous terre.

Des centaines d’objets ont été découverts, notamment des fragments de plâtre provenant de panneaux recouvrant les murs ou encore, des morceaux de céramique et des récipients en verre. Les archéologues ont également trouvé des objets prouvant les moines péchaient pour se nourrir, mais aussi qu’ils commerçaient avec leurs voisins musulmans dans le golfe Persique.

“Au VIIe et VIIIe siècle, au moins pendant 100 ans, il y avait une communauté chrétienne ici et les chrétiens et les musulmans vivaient paisiblement côte à côte”, raconte Peter Magee.

Tout comme d’autres sites chrétiens dans le Golfe, à Jubail en Arabie Saoudite ou à Failaka au Koweit, l’église et le monastère de Sir Bani Yas est un symbole de coexistence historique. Le site est désormais ouvert aux touristes, comme il l’était autrefois pour les congrégations de fidèles chrétiens.

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