Côte d'Ivoire
Les conflits intercommunautaires ont la cote sur le continent africain. Les récents événements au Tchad, au Mali, au Burkina Faso ou encore en Côte d’Ivoire viennent tresser un récit alarmant de la détérioration du vivre ensemble dans certaines régions du continent.
Depuis le début de l’année 2019, au moins une dizaine d’affrontements intercommunautaires ont été répertoriés en Afrique. Dernier en date, l‘épisode ivoirien qui a opposé populations autochtones et allogènes à Béoumi, dans le centre de la Côte d’Ivoire à la suite d’une altercation entre un chauffeur de taxi-brousse malinké et un conducteur de moto-taxi baoulé. Un bilan officiel fait notamment état de 10 morts et 84 blessés dont des cas graves.
Ces violences sont loin d‘être inédites dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, pays d’environ 25 millions d’habitants qui compte plusieurs dizaines d’ethnies. Dans l’ouest, un autre brasier se nourrit d’un conflit foncier depuis des années. En 2017, les tensions latentes ont dérapé entre communautés autochtones Wê et des Baoulés, originaires du centre du pays. Mais ces violences n’ont en rien débouché sur un compromis. Au contraire…
Au Tchad où agriculteurs autochtones ouaddaïens et éleveurs membres de tribus arabes se sont affrontés la semaine dernière, la question du foncier est également sous-jacente, mais dans un autre schéma. Les agriculteurs accusent les éleveurs de s’accaparer leurs terres et de dévaster leurs récoltes avec les troupeaux. Là aussi, le bilan se comptait en dizaine de morts. 31 morts exactement selon un bilan officiel.
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Ces dernières années, ce genre de conflits s’est multiplié sur le continent africain. Au Burkina Faso, en Ethiopie, au Mali, et surtout au Nigeria. Dans ce pays polarisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont aussi une dimension religieuse et ethnique. Dans le centre du Nigeria particulièrement, ces violences ont fait des milliers de morts, et renforcé un climat de méfiance entre communautés. En 2018, un rapport de l’International Crisis Group affirmait que les conflits intercommunautaires au Nigeria avaient fait six fois plus de morts que la secte islamique Boko Haram qui sévit dans le nord du pays.
Outre les raisons foncières, hommes politiques et experts font une autre lecture de ces tensions, estimant que les groupes armés ont adopté une stratégie favorisant les affrontements intercommunautaires, en visant par exemple des cibles religieuses ou ethniques. L’idée derrière cette stratégie serait de favoriser les groupes armés et ainsi recruter des partisans dans leurs rangs.
Au Mali par exemple, Peuls et chasseurs dogons se regardent désormais en chiens de faïence. Ce climat de méfiance s’est alourdi en 2015 avec l’apparition dans la région de Mopti (centre) du groupe djihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls. Les communautés bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, ont dès lors créé des “groupes d’autodéfense”. Le 23 mars, une attaque contre le village peul d’Ogassagou a fait au moins 157 morts. Une “attaque planifiée, organisée et coordonnée”, avait conclu l’ONU dans un rapport.
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Dans une région du Sahel déjà en proie à une insurrection djihadiste, ces tensions communautaires, ajoutées aux activités de bandes criminelles viennent empoisonner le climat sécuritaire. Comment alors renverser la tendance ? “Il faut lutter contre l’idéologie des djihadistes”, confiait à l’AFP Lassina Diarra auteur de “La Cédéao face au terrorisme transnational”, qui suggère notamment la formation d’imams crédibles évitant la radicalisation et “les facteurs de recrutement”.
“Il faut lutter sur le même terrain que les djihadistes, utiliser la même stratégie”, estime pour sa part Mahamadou Sawadogo chercheur au Cerrad (Carrefour d‘études et de recherche d’action pour la démocratie et le développement, université Gaston Berger, Sénégal). “Pour le moment, les djihadistes ont des complicités. Ils se déplacent, préparent des attaques et des routes de repli. Ils traversent des villages… La population est au courant”, a-t-il dit à l’AFP, soulignant que les forces de l’ordre n’ont pas ou peu de renseignements.
Les deux chercheurs insistent sur l’importance de la présence de l’Etat, avec des fonctionnaires et des investissements locaux. “Il faut regagner la confiance des populations” qui seront donc plus enclines à fournir des renseignements aux forces de sécurité et moins attirées par les discours des djihadistes.
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