Libéria
Un homme s'affaisse, des larmes sur les joues. À ses côtés, son voisin tient l'arme du crime à la main. Cette scène intitulée "guerre" est l'image de la violence pour le jeune Libérien qui l'a dessinée et votera mardi pour la première fois.
Dans une salle de classe de cette école de Buchanan, à environ 150 km à l'est de Monrovia, des jeunes entre 18 et 25 ans se sont levés chacun leur tour pour illustrer au feutre ce qu'ils craignent par-dessus tout, le retour de la violence.
Au Liberia, pays meurtri par des guerres civiles qui ont fait 250 000 morts entre 1989 et 2003, le déroulement pacifique des élections présidentielle et législatives du 10 octobre est un enjeu majeur. La mort de trois personnes vendredi dans le nord-ouest lors d'affrontements entre partisans des deux principales forces politiques, ainsi que les déclarations de certains leaders ont avivé l'inquiétude.
"Qu'est-ce que la violence ?", interroge Nehemiah Jallah, 24 ans, à l'origine de cette initiative locale visant à promouvoir la paix. Quatre-vingts jeunes sont face à lui, assis derrière leur petit bureau de bois. "La violence, c'est quand on force quelqu'un à faire quelque chose", répond l'un d'eux. "C'est lorsqu'on cherche à faire du mal", relève un autre.
"Les jeunes doivent rester en dehors de toute forme de violence. Lorsque la violence s'intensifie, des habitations sont détruites, des innocents sont tués", explique Nehemiah Jallah."Je ne sais pas quel parti vous soutenez, mais votez pacifiquement, ne soyez pas violents. Trop d'élections dans le monde se terminent dans la violence. Gardons notre pays en paix", implore-t-il.
Les uns et les autres s'interrogent sur l'attitude à adopter en cas de triche pendant le vote. Malgré les klaxons des voitures sur la route voisine, les cris d'un nouveau-né dans les bras de sa maman et un orchestre qui passe à côté pour un enterrement, les jeunes se passionnent pour la discussion.
Les organisateurs ont collé dans la pièce des affiches prêchant la non-violence. "Vote pour la paix au Liberia. Dis non à la violence", "Respecter la règle de droit sauvera notre démocratie".
Plus de 60% de la population libérienne a moins de 25 ans. "Les hommes politiques cherchent à vous utiliser parce qu'ils savent que vous êtes plus vulnérables", explique Lawrence Sergbou, qui se présente comme militant pour la jeunesse.
L'histoire du Liberia est jalonnée de violences. Pendant la guerre civile, les milices utilisaient des enfants soldats, rappelle-t-il. Les violences détruisent tout espoir de développement, juge-t-il. "Quand on regarde les réseaux sociaux, écoute la radio, voit l'histoire du pays... Oui, j'ai peur", confie-t-il. "Cela fait 20 ans que nous vivons en paix et on ne veut pas que ça s'arrête".
Malgré les atrocités de la guerre civile, avec massacres, mutilations, viols, actes de cannibalisme, aucun procès ne s'est à ce jour tenu au Liberia. Certains anciens chefs de guerre jouent encore un rôle influent en politique.
L'un d'eux est Prince Johnson, qu'une vidéo montra en train de siroter une bière pendant que ses hommes torturaient à mort le président Samuel Doe en 1990. Il est toujours sénateur.
A 71 ans, il a noué une alliance avec Joseph Boakai, ancien vice-président (2006-2018) et l'un des favoris du scrutin présidentiel. Il a menacé d'une révolte populaire si le parti au pouvoir manipulait les élections. Peu après, le candidat Boakai a laissé entendre que ce serait "la fin de ce pays" si l'élection était volée.
L'ancien footballeur star George Weah, président depuis 2018 et en quête d'un deuxième mandat, a promis des élections "pacifiques, justes et crédibles".
En avril, tous les partis en lice ont signé sous l'égide de l'ONU et de la communauté ouest-africaine (CEDEAO) un engagement à s'abstenir de la violence et à recourir aux institutions judiciaires pour résoudre les conflits électoraux.
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