Soudan
Des Soudanais hostiles au pouvoir militaire bloquent vendredi des routes à Khartoum pour protester contre un déchaînement de violence la veille qui a fait cinq morts et suscité une vague de condamnations.
Jeudi, la répression des autorités emmenées par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur d'un coup d'Etat fin octobre, a franchi un nouveau palier.
D'abord, les forces de sécurité ont coupé l'internet mobile, l'ensemble des communications téléphoniques --y compris les appels venus de l'étranger-- et les ponts reliant Khartoum à ses banlieues, Omdourman et Khartoum-Nord.
Dans les rues de la capitale comme de sa périphérie, les forces de sécurité ont tiré grenades lacrymogènes et balles réelles sur des dizaines de milliers de partisans d'un pouvoir civil dans un pays quasiment toujours sous la férule de l'armée depuis son indépendance il y a 65 ans.
En parallèle, des officiers ont arrêté des journalistes et attaqué le bureau de la chaîne satellitaire arabe al-Arabiya.
Après deux mois d'une répression qui a fait en tout 53 morts, les violences se sont jeudi concentrées à Omdourman, où quatre manifestants ont été mortellement touchés par des balles dans la tête ou dans la poitrine, selon un syndicat de médecins pro-démocratie.
Un cinquième a succombé vendredi à ses blessures, après avoir été touché lui aussi par balles jeudi, dans le centre de Khartoum.
- Camps irréconciliables -
Le syndicat accuse également les forces de sécurité d'avoir bloqué des ambulances et sorti de force au moins un blessé grave de l'une d'elles, alors que de nombreuses vidéos diffusées vendredi sur les réseaux sociaux montrent des hommes en uniforme tabassant des manifestants avec des bâtons.
Ces violences, mais aussi les attaques contre les médias --dont deux chaînes saoudiennes, pourtant un allié traditionnel de l'armée au Soudan--, ont suscité l'indignation des Européens, mais aussi du secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken et de l'ONU.
La rue, elle, ne cesse de répéter qu'elle ne pliera pas malgré la violence.
Vendredi de nouveau, des manifestants barraient les routes de Khartoum-Nord et de Bourri, un remuant quartier de l'est de Khartoum, avec des pierres, des branchages et des pneus en feu, a constaté un journaliste de l'AFP.
Surtout, disent les manifestants, les initiatives politiques ont fait long feu et les militaires doivent "retourner à la caserne", comme ils l'avaient promis en 2019 en renversant le dictateur Omar el-Béchir.
"Les manifestations ne sont qu'une perte d'énergie et de temps" qui ne mènera "à aucune solution politique", a rétorqué vendredi auprès de l'agence d'Etat un conseiller du général Burhane, dont le mandat a été prolongé de deux ans avec le putsch du 25 octobre.
Le 21 novembre, Abdel Fattah al-Burhane, également chef de l'armée, a réinstallé dans ses fonctions le Premier ministre civil Abdallah Hamdok qu'il a fait arrêter lors du coup d'Etat.
Tous deux ont ensuite signé un accord qui devait remettre la transition démocratique sur les rails et rassurer la communauté internationale ayant coupé le robinet de l'aide après le putsch.
- "Solidarité internationale" -
Mais les morts de jeudi, les dizaines de blessés par balles, les attaques contre les journalistes d'Asharq et d'al-Arabiya, ainsi que la coupure totale des communications ont relancé les interrogations sur les intentions du nouveau pouvoir dominé par les militaires.
Et ce, jusqu'au sein du pouvoir.
Civil sans passé militant, Abdel Baqi Abdel Qader, récemment nommé par le général Burhane au sein du Conseil de souveraineté --plus haute autorité de la transition-- en remplacement d'un partisan du pouvoir civil, a annoncé vouloir démissionner.
"J'ai demandé un rendez-vous (...) au général Burhane pour lui présenter ma démission (...) à cause de la violence contre les manifestants", a-t-il annoncé dans un message public.
L'Américain Blinken, lui, s'est dit "très troublé" par les violences de jeudi, tandis que les ambassades occidentales ont protesté contre les morts, la coupure des communications et les attaques contre les médias.
"Il faut en urgence que la solidarité internationale s'active à réclamer la fin de la répression sanglante au Soudan", a lancé en écho le parti communiste soudanais, plaidant notamment pour les Comités de résistance.
Ces groupuscules qui organisent les manifestations sont sûrement ceux qui sont frappés le plus durement depuis le coup d'Etat: chaque jour dans chaque quartier, ils annoncent de nouvelles arrestations ou disparitions dans leurs rangs.
La police soudanaise, elle, a fait état de 297 blessés "dont 49 policiers", tout en accusant certains manifestants d'avoir cherché à "transformer un défilé pacifique en des affrontements avec la sécurité".
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