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Golfe de Guinée : le combat du Nigeria contre la piraterie

Golfe de Guinée : le combat du Nigeria contre la piraterie

Nigéria

Un hors-bord, avec à son bord une petite dizaine d’agents des forces spéciales de la marine nigériane, fend les vagues du Golfe de Guinée à toute allure en direction d’un navire suspect.

Des marins en veste noire grimpent sur le pont à l’aide d’une corde, armes à la main, et partent à la recherche de pirates soupçonnés d’avoir pris l‘équipage en otage.

Les attaques de porte-conteneurs ou les kidnappings d‘équipages de tankers sont devenus courants dans les eaux territoriales du Nigeria, la première puissance pétrolière du continent africain, même si, cette fois, il s’agit d’un exercice coordonné des marines nigériane et française.

Le golfe de Guinée, qui s‘étend sur quelque 6.000 kilomètres de côtes, de l’Angola jusqu’au sud du Sénégal, est devenu ces dernières années l’une des régions maritimes les plus dangereuses au monde, loin devant les côtes somaliennes du golfe d’Aden.

Pour les neuf premiers mois de l’année, le Bureau international maritime, instance internationale de sécurité en mer, y a recensé 82% des enlèvements d‘équipages dans le monde.

Début novembre, quelques jours à peine après les exercices de la marine, 13 marins ont été enlevés dans deux attaques contre des tankers au large de Cotonou (Bénin) et de Lomé (Togo), voisins du Nigeria.

Mais malgré l’insécurité latente, les marines de la région s’accordent à dire que le rythme des attaques a baissé depuis 2018, grâce à une meilleure coopération entre les pays concernés et davantage de moyens financiers et humains mis en oeuvre.

“Oui c’est un défi, mais il n’est pas insurmontable”, confie à l’AFP, le commodore Sunday Oguntade, en surveillant l’exercice de ses troupes, sur le pont de la frégate NNS Okpabana.

“Nous faisons de notre mieux et nous continuerons à faire de notre mieux pour notre pays, jusqu‘à ce que nos eaux soient débarrassées de la criminalité et des dangers”, se targue-t-il.

“Il en va de nos intérêts économiques et nationaux”.

La piraterie coûte des milliards de dollars chaque année à l‘économie mondiale et le rapport “Oceans beyond piracy” de l’ONG américaine One Earth Future’s, en estime le coût pour l’Afrique de l’Ouest à 818 millions de dollars rien qu’en 2017.

Mauvais pour les affaires

Le problème de criminalité est né dans les années 70, dans le delta du Niger (sud-est du Nigeria), le coeur de l’exploitation pétrolière du pays.

Les populations ont vu, pendant des décennies, des centaines de millions de barils de brut passer par leur communauté vivant dans une pauvreté écrasante, sans aucun service d’Etat ou travail, pour enrichir les élites et le reste du pays.

Beaucoup se sont tournés vers les activités criminelles, du raffinage clandestin, aux attaques de bateaux, pêche illégale ou enlèvements d‘équipages.

Les pirates sont originaires de ces régions marécageuses où les communautés vivaient traditionnellement de la pêche et connaissaient la mer, avant que le pétrole ne vienne polluer les eaux et tuer leur unique source de revenus.

“Actuellement, les côtes nigérianes et le détroit d’Ormuz, au coeur de la crise diplomatique entre l’Iran et la péninsule arabique, sont les points maritimes les plus chauds de la planète”, explique à l’AFP Jakob Larsen, à la tête du département de sécurité de Bimco, la plus grande compagnie de transport maritime international.

“Depuis de nombreuses années maintenant, les pirates nigérians sont responsables de l’immense majorité des attaques” dans le golfe de Guinée, poursuit-il.

Avec la chute du prix du baril de pétrole en 2015-2016, les tactiques des groupes criminels ont changé: il est désormais plus rentable de procéder aux enlèvements d‘équipages contre rançon que de dérober le brut des pétroliers pour le revendre au marché noir.

Les marines régionales ont longtemps manqué de moyens pour surveiller l’immensité des eaux du Golfe et ses côtes.

La marine nigériane n’a d’ailleurs pas particulièrement intérêt à mettre fin à l’insécurité, puisque les compagnies internationales doivent payer ses services pour escorter ou faire des rondes sur les navires de marchandises.

“Il y a un risque que ce ne soit pas très encourageant pour lutter contre la piraterie”, analyse M. Larsen. “Ca ne serait pas très bon pour les affaires” de l’armée.

Mais, assure-t-il, le gouvernement de Muhammadu Buhari paraît désormais déterminé à rétablir l’ordre dans son espace maritime, en renforçant notamment la législation et les budgets. “Il semble que les choses aillent dans la bonne direction”.

Ce constat est partagé par Dirk Steffen, expert de la criminalité en mer pour le Groupe Risk Intelligence : “Le Nigeria a fait des efforts notables en termes opérationnels et de développement de ses capacités, qui commencent à se traduire dans les chiffres avec la baisse des actes de piraterie.”

La marine nigériane a longtemps souffert de manque de financements, de formation, de maintenance de ses équipements et infrastructures.

Solutions locales

Mais, dès 2013, conscientes des dangers pour l‘économie mondiale, de nombreuses puissances internationales ont décidé d’appuyer les marines d’Afrique de l’Ouest.

L’un des éléments clés de la lutte contre la piraterie est de renforcer le système judiciaire, et le Nigeria a voté un amendement dans ce sens en juin, avec l’appui des Nations unies, pour créer une unité spéciale d’investigation.

“Le but est d’augmenter le nombre de condamnations”, explique Tegah Fofah-King, conseillère au sein de cette nouvelle unité, et elle aussi sur le pont de la frégate NNS Okpabana lors de l’exercice.

Pour l’analyste Dirk Steffen, si les pays européens et les Nations unies peuvent aider en terme de formation, d’apport logistique ou de partage d’informations, la région a toutefois besoin de “trouver une solution locale à un problème local”.

Cela commence sur les terres où les populations ont un sentiment d’abandon et d’impunité.

“Certes les pirates doivent être arrêtés et punis”, conclut Jakob Larsen. “Mais il doit exister des moyens alternatifs de gagner sa vie pour que l’implication dans les activités criminelles soit moins attractive.”

AFP

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