Ukraine
L’Ukraine, un pays d’Europe de l’Est en guerre où il ne fait pas bon être en prison. Les conditions de vie des prisonniers de ce pays autrefois sous la coupe de l’ex-URSS donnent froid dans le dos. Petit tour dans les prisons ukrainiennes, qui n’a rien d’une balade touristique.
L’Ukraine, qui a hérité des réalités de l‘ère soviétique, se retrouve avec un système pénitentiaire qui totalise 57.000 détenus dans à peu près 140 prisons.
En 2017, le département d’Etat américain évoquait dans un rapport les conditions “pitoyables”, qui, dans certains cas, “menacent la vie et la santé des prisonniers”. Ce rapport cite, entre autres, des “abus physiques, un manque de nutrition et soins médicaux appropriés, des piètres conditions d’hygiène et un manque d‘éclairage”.
L’Union d’Helsinki, une organisation ukrainienne militant pour les droits de l’Homme, a pointé du doigt l’enfer des prisons du pays en 2016. Pour cette organisation, être condamné à la “réclusion à perpétuité en Ukraine relève de facto d’une lente exécution, car les conditions de détention sont cauchemardesques”.
Tout ce désordre a un coût ; aux dires du ministère ukrainien de la Justice, plus d’un million d’euros d’indemnités ont été versés par l’Etat, suite à des condamnations par la Cour européenne des droits de l’Homme. Cela, depuis l’accession à l’indépendance de l’Ukraine en 1991.
Les SIZO, cauchemar des détenus en Ukraine
Les centres de détention provisoire, les SIZO, sont ceux où l’on rencontre les situations les plus cauchemardesques. Dans ces endroits aux antipodes des normes européennes, les suspects croupissent parfois plusieurs années, dans l’attente d’un procès. Le pays compte une trentaine de SIZO, qui représentent le tiers de sa population carcérale.
Parmi ces SIZO, le centre pénitentiaire de Loukianivska situé à Kiev la capitale, connu à l‘époque pour avoir hébergé de célèbres prisonniers. Dans cette prison, les odeurs nauséabondes ne sont pas rares et les places sont un luxe. Une vingtaine de détenus partagent la même cellule avec les cafards, qui bougent dans tous les sens.
La prison de Loukianivska se trouve non loin du centre-ville de Kiev, dans un quartier résidentiel. D’après le dernier rapport de la représentante ukrainienne pour les droits de l’Homme, 2.500 prisonniers y sont vivent, parmi les pires du pays.
Un prisonnier pousse un torchon qui sert de rideau pour cacher les toilettes dites à la turque. Les carreaux brisés sont envahis de moisissures. Le prisonnier, essoré par autant de délabrement, lance un ‘‘c’est comme ça”.
La SIZO de Loukianivska (dont le plus ancien bâtiment date d’il y a 150 ans) a reçu dans ses murs des criminels de la pire renommée, mais aussi, des prisonniers politique et d’opinion. Parmi eux, Félix Dzerjinski, créateur et dirigeant de la redoutée police politique communiste, le célèbre cinéaste soviétique Sergueï Paradjanov, ou encore, de nombreux dissidents.
L’ex-Première ministre Ioulia Timochenko, l’une des favorites des sondages pour la présidentielle de 2019, a elle aussi fait un tour du côté de Loukianivska. Elle y a séjourné deux fois dans la partie réservée aux femmes. La bas, les conditions de vie sont moins chaotiques que celles des hommes.
Tentatives de solution des autorités
Une partie des locaux de cette tristement célèbre SIZO a été rénovée, tandis qu’un autre sort est réservé aux plus anciens bâtiments ; ils seront détruits.
“Il est impossible d’enlever la moisissure, car elle a pénétré les murs de part en part. Cela n’a pas de sens de faire des travaux ici. Il faut un nouveau bâtiment”, fait savoir Denys Tchernychov, le vice-ministre de la Justice.
Le gouvernement ukrainien prévoit de céder le terrain occupé par cette prison à un investisseur. En échange, la construction d’une nouvelle prison hors de la capitale. Jusqu‘à ce jour, l’Etat n’a reçu “aucune offre”, selon Tchernychov.
Andriï Didenko, âgé de 50 ans, a passé huit ans de sa vie en prison. Il a ensuite intégré le Groupe de Kharkiv pour la défense des droits de l’Homme. Pour lui, la situation “est en train de s’améliorer”, notamment dans les centres de détention préliminaire.
Andriï Didenko : ‘‘l’ouverture du système pénitentiaire au contrôle public (…) contribue à réduire le nombre de tortures et au respect des standards minimums par les dirigeants des prisons.” Il souligne aussi que le surpeuplement des prisons ukrainiennes est réduit par la nouvelle législation. Celle-ci favorise l’assignation à résidence ou la libération sous caution.
A l‘époque, “on mettait parfois 10 ou 12 prisonniers dans des cellules de quatre personnes. Certains détenus n’avaient même pas de lit et devaient dormir à tour de rôle”, fait savoir cet ancien prisonnier.
Les autorités ukrainiennes (issues du mouvement pro-occidental du Maïdan) tentent de refaire la politique carcérale de leur pays, mais se heurtent à un obstacle de taille : le manque d’argent.
En effet, dans son rapport publié cette année, la représentante nationale pour les droits de l’Homme fait savoir que “malheureusement, aucune amélioration considérable (…) n’a eu lieu”. Elle poursuit, mentionnant que 1.500 plaintes ont été déposées par les prisonniers ukrainiens concernant la violation de leurs droits en 2017.
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