Maroc
Un économiste marocain connu pour son travail de défense des droits de l'homme a été placé en détention après avoir critiqué le gouvernement dans des remarques publiées sur les réseaux sociaux à l'occasion d'une visite du président français Emmanuel Macron dans ce royaume nord-africain.
Les procureurs ont appréhendé Fouad Abdelmoumni à Casablanca mercredi et ont annoncé qu'il faisait l'objet d'une enquête, soupçonné de diffuser de fausses informations et d'accuser d'autres personnes de crimes sur les réseaux sociaux, a rapporté l'agence de presse de l'État marocain. S'il est inculpé et reconnu coupable, il risque jusqu'à cinq ans de prison en vertu des lois sur la cybercriminalité.
"Cette arrestation arbitraire fait partie d'une série de harcèlements visant Abdelmoumni, en guise de représailles contre ses positions audacieuses, ses opinions et la défense des droits de l'homme", a déclaré l'Association marocaine de soutien aux prisonniers politiques dans un communiqué publié mercredi. "Cette arrestation représente une nouvelle escalade dans la politique de répression des autorités à l'encontre des militants politiques et des droits de l'homme dans le pays."
M. Abdelmoumni, ancien prisonnier politique, est le coordinateur de l'association.
Alors que M. Macron s'est rendu à Rabat avec des dirigeants marocains, dont le roi Mohammed VI, l'activiste a affirmé dans un billet que le Maroc tentait de "faire chanter" la France en utilisant des méthodes telles que l'espionnage et le refus de coopérer dans la gestion de l'immigration clandestine.
Abdelmoumni n'a pas encore été officiellement inculpé. Lorsqu'il comparaîtra devant le tribunal vendredi, il sera probablement inculpé de crimes liés à l'article, a déclaré l'une de ses avocates, Souad Brahma.
Au Maroc, les autorités peuvent détenir les personnes faisant l'objet d'une enquête pendant 48 heures sans les inculper.
Mme Brahma a déclaré que M. Abdelmoumni avait été arrêté pour avoir exprimé son opinion et a qualifié sa détention de violation de son droit à la liberté d'expression. Elle a déclaré qu'on lui avait refusé la possibilité de lui rendre visite jeudi, bien qu'elle ait reçu l'autorisation du tribunal. Les autorités n'ont pas répondu aux allégations selon lesquelles l'arrestation était motivée par des considérations politiques.
Tout au long de sa visite, M. Macron a évoqué l'ouverture d'un nouveau chapitre dans les relations entre la France et le Maroc, après des années de tensions.
Amnesty International et le groupe à but non lucratif Forbidden Stories, basé à Paris, ont publié un rapport alléguant que les autorités marocaines avaient utilisé le logiciel israélien Pegagus pour infiltrer les appareils électroniques de militants des droits de l'homme, dont M. Abdelmoumni, et d'hommes politiques, jusqu'à M. Macron.
Le Maroc a vigoureusement nié ces allégations et a intenté un procès pour diffamation.
M. Abdelmoumni, 66 ans, est un défenseur éminent des droits de l'homme depuis son arrestation et sa torture avec d'autres militants de gauche pendant l'ère de répression du roi Hassan II, connue sous le nom d'"Années de plomb". Il a publiquement soutenu les efforts en faveur de la démocratie dans le pays, notamment pendant le printemps arabe et le mouvement "Hirak" de 2017 au Maroc.
Après l'enquête sur le logiciel Pegagus, Abdelmoumni a fait partie des activistes présentés dans un rapport de Human Rights Watch datant de 2022 sur le ciblage des critiques au Maroc.
Le rapport indique qu'une personne anonyme a diffusé une vidéo de lui et de sa partenaire (aujourd'hui son épouse) en train de faire l'amour, probablement filmée par une caméra cachée à l'intérieur du climatiseur de son domicile. Au Maroc, les relations sexuelles hors mariage constituent un délit et des informations sur leur relation ont ensuite été publiées dans des médias pro-gouvernementaux, dans le cadre d'une opération qui, selon M. Abdelmoumni, visait à l'intimider.
Cette semaine, il a participé à une veillée pour demander justice pour un nationaliste marocain disparu en France en 1965 et s'est présenté au tribunal où l'ancien ministre marocain des Droits de l'homme était jugé. Il se rendait à une réunion de l'Association marocaine de soutien aux prisonniers politiques lorsqu'il a été appréhendé.
Le parti politique de M. Macron a contribué à faire adopter par le Parlement européen une résolution en 2023 condamnant les violations des droits de l'homme au Maroc. Cependant, les deux pays ont récemment renforcé leurs liens politiques et économiques. Cette semaine, ils ont annoncé des accords économiques et des contrats lucratifs sur des projets allant des transports aux infrastructures de dessalement. M. Macron a également réitéré son soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental contesté.
Au cours de sa visite de trois jours, M. Macron n'a pas mentionné les droits de l'homme dans les discours qu'il a prononcés lors d'un forum d'affaires, devant la communauté française du pays ou au parlement du pays.
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