Droits des homosexuels
Aux États-Unis, en Europe occidentale et dans diverses autres régions, certaines églises protestantes de premier plan plaident pour l'inclusion des LGBTQ. À quelques exceptions près, cela n'est pas le cas en Afrique, où les dirigeants anglicans, méthodistes, presbytériens et luthériens font partie de ceux qui s'opposent à cette inclusion.
Au Ghana, qui abrite un large éventail de religions, les dirigeants des principales églises se sont unis pour dénoncer l'homosexualité comme une "perversion" et approuver une législation qui, si elle était adoptée, imposerait certaines des politiques anti-LGBTQ les plus sévères d'Afrique. Au Nigeria, l'organisme qui chapeaute les églises chrétiennes décrit les relations homosexuelles comme "un mal qui mérite les longues peines de prison prévues par la loi en vigueur".
Dans plusieurs pays africains, des évêques alignés sur l'Église méthodiste unie mondiale se préparent à rejoindre une dénomination dissidente en cours d'élaboration afin de pouvoir continuer à refuser de reconnaître les mariages homosexuels ou d'ordonner des membres du clergé LGBTQ.
Peines de prison
"Les églises traditionnelles - toutes - sont totalement contre", déclare Caroline Omolo, pasteure associé de la Cosmopolitan Affirming Community à Nairobi, au Kenya, un rare exemple d'église africaine servant une congrégation majoritairement LGBTQ. "Elles ont toujours organisé un groupe pour peut-être nous faire taire ou faire disparaître l'église. Elles ne veulent pas qu'elle apparaisse nulle part".
Le Ghana, généralement considéré comme plus respectueux des droits de l'homme que la plupart des pays africains, est maintenant en ligne de mire en raison d'un projet de loi parlementaire qui imposerait des peines de prison allant de trois à dix ans pour les personnes s'identifiant comme LGBTQ ou soutenant cette communauté. Les militants des droits de l'homme ont dénoncé ce projet de loi, alors même que les chefs religieux ghanéens s'y rallient.
"Leur rôle dans la perpétuation de la queerphobie et de la transphobie est clair, et c'est très troublant et dangereux", avance Abena Hutchful, une Ghanéenne qui s'identifie comme queer et qui a co-organisé une récente manifestation contre le projet de loi, à New York. "Les plus fervents défenseurs du projet de loi prétendent agir au nom de la religion", soutient Graeme Reid, directeur du programme des droits des LGBT de Human Rights Watch. Selon lui, cette mesure serait un "cas d'étude d'une d'extrême cruauté".
Chefs religieux influents
Les adjuvants de ce projet de loi déclarent avoir consulté des chefs religieux influents lors de sa rédaction. Parmi ceux qui l'ont approuvé figurent le Conseil chrétien du Ghana, la Conférence des évêques catholiques du Ghana et l'imam en chef du pays. "Nous n'acceptons pas les meurtriers, pourquoi devrions-nous accepter quelqu'un qui pratique le sexe d'une manière pécheresse ?", déclare l'archevêque Philip Naameh, président de la conférence épiscopale. "Si vous adoptez une position qui s'oppose à la production de plus d'enfants, c'est un choix qui porte atteinte à l'existence de l'État ghanéen."
Le Conseil chrétien - qui compte parmi ses membres des églises méthodiste, luthérienne, presbytérienne et anglicane - considère l'homosexualité comme "un acte de perversion et d'abomination", selon son secrétaire général, le révérend Dr Cyril Fayose, de l'Église évangélique presbytérienne. "L'homosexualité n'est pas un droit de l'homme et nous la rejetons en termes incertains", avait-il déclaré plus tôt cette année.
Preuve de tolérance
Dans le pays le plus peuplé d'Afrique, l'Association chrétienne du Nigeria a menacé de sanctionner toute église qui ferait preuve de tolérance à l'égard des relations entre personnes de même sexe. Une telle acceptation "ne se produira jamais", pour l'évêque méthodiste Stephen Adegbite, directeur des questions nationales de l'association. Sur la loi criminalisant les relations entre personnes de même sexe, avec des peines pouvant aller jusqu'à 14 ans de prison, Stephen Adegbite est d'avis qu'il n'y avait pas d'alternative. "L'église ne peut jamais être compromise", clame-t-il.
De tels commentaires consternent les militants LGBTQ nigérians tels que Matthew Blaise, qui a raconté à l'AP avoir été malmené par un prêtre catholique. "L'église a été horrible quand il s'agit des questions LGBTQ, au lieu d'utiliser l'amour comme moyen de communication", a déclaré Blaise. Pour l'archevêque catholique Alfred Adewale Martins, si l'enseignement catholique "reconnaît la dignité de chaque personne humaine", il avance toutefois que les personnes qui s'engagent dans des relations homosexuelles mènent "un mode de vie désordonné" et devraient changer de comportement.
Attitudes sociétales
Le Nigeria est le pays d'origine de l'un des évêques méthodistes unis, John Wesley Yohanna, qui a déclaré vouloir se séparer de l'UMC et rejoindre l'Église méthodiste mondiale reformée. Cette nouvelle dénomination résulte d'une alliance entre des méthodistes américains et d'autres pays qui ne soutiennent pas les politiques d'inclusion favorisées par de nombreux méthodistes aux États-Unis. Les évêques Samuel J. Quire Jr. du Liberia et Owan Tshibang Kasap du district sud de la RDC ont également indiqué qu'ils se joindraient à la dissidence.
Le révérend Keith Boyette, un ancien méthodiste des États-Unis qui préside l'initiative Global Methodist, rappelle que les points de vue des évêques africains reflètent des attitudes sociétales et culturelles largement partagées sur le continent. "L'orientation homosexuelle est perçue négativement, que cette personne soit de confession chrétienne, musulmane ou d'une religion plus indigène."
Empathie envers les gays
En Ouganda, où de nombreuses personnes LGBTQ restent dans l'ombre par peur de la violence et des arrestations, un évêque anglican à la retraite s'est vu interdire de présider des événements religieux parce qu'il exprimait son empathie envers les gays. Après des décennies de ministère auprès de personnes LGBTQ en difficulté, Christopher Senyonjo a déclaré avoir appris que la sexualité "est une partie profonde et importante de notre identité et nous devrions être libres de laisser les gens être qui ils sont". Avant de reconnaitre que "l'ignorance est un gros problème dans tout cela. quand il y a de l'ignorance, il y a beaucoup de souffrance".
En 2014, le président ougandais Yoweri Museveni a signé une loi anti-gay sévère qui, dans sa version originale, prescrivait la peine de mort pour certains actes homosexuels. Plus tard cette année-là, au milieu d'une intense pression internationale, un panel judiciaire a annulé la législation pour un détail technique. Toutefois, une loi datant de l'époque coloniale, criminalisant les actes sexuels "contre l'ordre de la nature", reste en vigueur.
Mariage homosexuel
Frank Mugisha, éminent militant gay ougandais, décrit les chefs religieux comme "les principaux moteurs de l'homophobie en Afrique". Selon lui, certains dirigeants anglicans ont renforcé leur hostilité à l'égard des personnes LGBTQ afin de ne pas perdre de fidèles au profit d'églises pentecôtistes agressivement anti-LGBTQ. Dans toute l'Afrique, une seule nation - l'Afrique du Sud - a légalisé le mariage entre personnes de même sexe. Même là, les couples de gays et de lesbiennes ont souvent du mal à être acceptés par les églises, et encore moins à faire célébrer leur mariage par le clergé.
"Les gens me disent : j'ai grandi dans cette église, mais maintenant je ne suis pas accepté", a déclaré Nokuthula Dhladhla, une pasteure du Global Interfaith Network, qui défend les droits des LGBTQ dans le secteur religieux. Selon elle, certains chefs religieux soutiennent en privé le mariage homosexuel, mais hésitent à le faire ouvertement de peur d'être mis sur la touche par leurs pairs plus conservateurs.
Pandémie de coronavirus
Pour sa part l'archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, mondialement connu pour son opposition à l'apartheid, est un fervent défenseur des droits des LGBTQ. "Je ne vénérerais pas un Dieu qui est homophobe", a-t-il déclaré un jour. "Je refuserais d'aller dans un paradis homophobe. Non, je dirais 'Désolé, je préfère de loin aller à l'autre endroit'."
Selon Caroline Omolo, pasteure militante de Nairobi, certains chefs religieux kényans rendent même les personnes LGBTQ responsables de la pandémie de coronavirus. "Quand nous disons que nous servons toujours Dieu, ils croient cela impossible." Elle fait cependant ressortir que certains professeurs et étudiants des écoles de théologie du Kenya soutiennent son église LGBTQ, qui compte environ 300 membres. "Quand nous avons les étudiants, les leaders de demain, de notre côté, rien ne peut nous ébranler".
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