Bienvenue sur Africanews

Merci de choisir votre version

Regarder en direct

Inspire Middle East

inspire-middle-east

Entretien avec la célèbre militante des droits de l'homme, Kerry Kennedy

Inspire middle east

Ce nouvel épisode d’Inspire Middle East est consacré au savoir et au partage d’informations. Nous avons parlé à la célèbre avocate et militante des droits de l’homme, Kerry Kennedy, qui poursuit le travail de son père, Robert. Nous nous sommes aussi intéressés à ceux qui font un travail indispensable de traduction de textes et d’ouvrages de l’anglais vers l’arabe.

La justice, une vocation familiale

La compassion, la gentillesse, les droits de l’homme et la création d’un changement social durable ont été les principes directeurs de l’avocate et activiste Kerry Kennedy durant toute sa vie. Un chemin qui n’est pas si différent de celui de son défunt père, Robert F Kennedy.

Comme son frère, le président John F. Kennedy, tué en 1963, Bobby Kennedy a été assassiné en 1968 alors qu’il était candidat à la présidence.

Mais ses principes restent vivant dans le travail de Kerry, qui dirige depuis plusieurs décennies des délégations pour les droits de l’homme aux États-Unis, en Chine, au Maroc et à Gaza, où elle s’est intéressée aux violations des droits des femmes et au travail des enfants.

À ce jour, la fondation de Kerry a contribué à l‘éducation de millions d‘étudiants dans le domaine des droits de l’homme. La sexagénaire entend aussi accompagner la prochaine génération de militants et de dirigeants. Elle travaille également sans relâche pour amplifier la voix des journalistes qui exposent des vérités et qui font la différence dans le monde d’aujourd’hui. Nous avons rencontré l’avocate lors de son récent voyage à Abu Dhabi.

Kerry Kennedy : “le journalisme est important pour éliminer la corruption et pour protéger notre démocratie”

Rebecca McLaughlin-Eastham : Kerry, je suis ravie de vous rencontrer, merci d’être sur Euronews. Permettez-moi de commencer par vous interroger sur les médias, car vous dites que jamais auparavant dans l’histoire ils n’ont été autant critiqués, et évidemment, le président Trump est un fervent critique des médias. Qu’est-ce que cela signifie pour la démocratie ? Ou allons nous ?

Kerry Kennedy, militante des droits de l’Homme : Eh bien, vous savez, le président Trump a dit que les médias sont l’ennemi. Il a ciblé les journalistes, il a jeté les journalistes hors de la Maison Blanche parce qu’il n’aimait pas les questions qu’ils posaient. En tant que journaliste, vous savez combien le journalisme est important pour éliminer la corruption et surtout pour protéger notre démocratie.

Selon vous, qu’est-ce que votre défunt père penserait de l‘état de la politique américaine aujourd’hui, et qui aimerait-il voir à la Maison Blanche ?

Vous savez, quand papa s’est présenté aux élections présidentielles de 1968, il a dit : “Paix, justice et compassion envers ceux qui souffrent”. Je pense que c’est ce à quoi notre pays aspire aujourd’hui. Je pense que les gens veulent un leadership dans lequel ils croient et ils veulent un avenir où leurs enfants feront mieux qu’eux.

Pensez-vous qu’on revoit un jour un Kennedy dans le Bureau ovale ?

Oh, je l’espère. J’ai un neveu qui s’appelle Joe Kennedy. Il est candidat au Sénat en ce moment et je pense qu’il a toutes les qualités d’un grand président.

Vous appartenez à l’un des clans les plus célèbres du monde, ce qui a évidemment ses avantages et ouvre de nombreuses portes, mais y a-t-il des inconvénients ?

Je me dis que j’ai eu tellement de chance d’avoir cette famille, d’avoir un père dont j‘étais si proche – j’avais huit ans quand il est mort – et que j’admire tant. Mon oncle Jack aussi, et tant d’autres personnes dans ma famille. Eunice Shriver, qui a lancé les Special Olympics, et ma mère qui a eu dix enfants. Elle était enceinte de son onzième quand elle a vu son mari se faire tuer et elle nous a donc élevés comme une mère célibataire. Et je me sens tellement bénie d‘être dans cette famille. Je pense que dans notre famille, il y a un système de valeurs fondamentales que nous tenons, tous ensemble. Nous avons cet incroyable sentiment d’amour et d’engagement les uns envers les autres.

En regardant l’ensemble de votre carrière, de quoi êtes-vous la plus fière ?

Nous avons poursuivi le gouvernement colombien et avons gagné ce procès. C’est la première fois dans l’histoire de l’Amérique latine qu’un gouvernement a été tenu responsable de l’assassinat d’un journaliste, Nelson Carvajal. Nous avons également fait adopter une loi dans l‘État de New York pour la protection des travailleurs agricoles. Auparavant, ils n’avaient pas droit à un jour de congé par semaine, ni au paiement d’heures supplémentaires.

En ce qui concerne les droits des femmes et de l’Homme en général dans cette région, quels sont vos principaux enseignements ?

Eh bien, je pense que c’est une région en transition. Et je pense que c’est une bonne chose. Martin Luther King a dit que “l’histoire se plie à la justice” et c’est certainement la tendance au Moyen-Orient. Je pense que la première chose que doivent faire les gouvernements, c’est d’examiner les lois. Ils doivent ratifier les conventions de l’OIT qui protègent les femmes au travail. Ils doivent appliquer les lois sur l‘équité salariale et le principe “à travail égal, salaire égal”. Ils doivent veiller à ce que les femmes jouissent des droits fondamentaux qui leur permettent de s‘épanouir dans l’économie.

Parlez-moi de votre sens inné de l‘équité et de la justice. Vous avez eu une sorte de révélation quand vous aviez à peine cinq ans et que vous appreniez à faire vos lacets de chaussures, n’est-ce pas ?

Mon père était procureur général à l’apogée du mouvement des droits civiques. Donc, quand j’ai appris à lacer mes chaussures, je me suis assuré que si j’enfilais celle de gauche en premier, je nouais celle de droite en premier parce que je voulais qu’il y ait de l‘équité et pas de discrimination.

La traduction pour s’ouvrir à d’autres cultures

Le partage de connaissances – en particulier à l‘écrit – en période de post-conflit, c’est l’une des passions et l’un des objectifs de certains Irakiens. Rosie Lyse Thomson a exploré la scène littéraire du pays et a découvert pourquoi les textes de l’anglais vers l’arabe se traduisent si bien.

Lorsque l’organisation État islamique a envahi Mossoul en 2014, de nombreuses vies humaines ont été perdu, mais également, de nombreux savoirs. Des pages de Wikipédia ont donc été secrètement téléchargées et partagées. Mais ces fichiers étaient en anglais et non en arabe, ce qui les rendait accessibles à un petit nombre de personnes seulement

Bien que l’arabe soit la quatrième langue la plus parlée par les internautes, moins de 1 % du contenu en ligne est publié dans cette langue.

Ainsi, lorsque la ville irakienne a été libérée en 2017, une équipe d‘étudiants de l’université de Mossoul s’est donné pour mission de changer les choses, en traduisant des pages Wikipédia et des textes universitaires de l’anglais vers l’arabe.

Monen Mohamad est l’un d’entre eux : “Quand certaines personnes essaient de chercher quelque chose en arabe, surtout si cette connaissance est issue de la culture anglaise, c’est vraiment difficile. Dans ce projet, nous avons traduit des textes qui sont vraiment importants et essentiels à notre vie. Comme l‘économie, l’anthropologie, la linguistique, des choses que nous étudions maintenant, dans notre université”.

Mais il ne s’agit pas seulement de transférer des informations. Le projet financé par l’ONG Ideas Beyond Borders espère qu’en donnant accès aux connaissances, on pourra combattre les mensonges. Les étudiants estiment que la pensée critique peut être une arme contre la radicalisation.

“La connaissance est pour moi l’arme la plus efficace contre la régression, contre l‘étroitesse d’esprit et contre les idées radicales. Ainsi, le transfert de ces connaissances en arabe peut, espérons-le, faire une différence dans l’esprit des gens”, indique Ameen Al-Jaleeli, le coordinateur de Ideas Beyond Borders.

À ce jour, l’organisation a traduit 11 000 articles scientifiques et ajouté plus de 10,1 millions de mots au Wikipédia arabe. Mais pour les étudiants, il faut également traduire des contenus de l’arabe vers l’anglais.

C’est la mission que s’est donnée la maison d’édition Al Saqi Books, depuis le début des années 80. Après avoir fui Beyrouth pendant la guerre civile, Salwa Gaspard, a créé la première librairie arabe de Notting Hill en 1978. Et au fil des ans, elle a vu la demande augmenter.

“Le monde arabe est presque inconnu, tout ce que les gens en savaient, c‘était les découvertes de l‘Égypte, l’orientalisme et après le 11 septembre, les terroristes. Donc on ne connaissait pas les vrais gens, les vrais problèmes du monde arabe”, raconte Salwa Gaspard. Et c’est ce que la littérature traduite leur transmet, et cela va de plus en plus loin. Avant, il n’y avait que les éditeurs de niche qui traduisaient la fiction arabe, mais maintenant, tout le monde les grands éditeurs le font, Bloomsbury, McMillan …”

De plus en plus d‘écrivains arabes attirent l’attention internationale. Le roman à succès de l’auteur franco-marocaine Leila Slimani, “Chanson douce” a été adapté au cinéma.

Et l’année dernière, l’auteur omanaise Jokha Al Harthi a remporté le prestigieux prix Man Booker, pour son livre “Celestial Bodies”

“Quand ce livre a décroché le prix, nous ne pouvions pas le croire, se souvient Salwa Gaspard. C’est la première fois qu’un livre en arabe remporte un prix important au Royaume-Uni. Et je pense que cela ouvre la voie à plus de traduction en arabe, et à une meilleure compréhension de la vraie culture arabe”.

De Londres à Mossoul, la traduction semble être la clé pour ouvrir les portes du monde et relier les connaissances et les cultures.

Voir plus