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Inspire Middle East : rencontre avec le couturier des stars, Rami Al Ali

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Cette semaine, Inspire Middle East vous plonge dans le monde de la mode et du design. Rebecca MacLaughlin-Eastham a passé une journée aux côtés du couturier syrien Rami Al Ali, qui a conçu les tenues de gala de stars telles que Beyoncé ou Jennifer Lopez. PuisLeila Molana Allen a visité l’un des monuments les plus célèbres du Liban : le château de Moussa Al Maamary, et a découvert l’histoire de l’homme qui l’a bâti de ses propres mains.

Ramy Al Ali, le couturier syrien qui habille les stars

Dans un tourbillon de cristaux Swarovski, de perles et de mousseline, 17 pièces de la collection automne/hiver de Rami Al Ali ont été présentées à l’hôtel Ritz de Paris . Il s’agit de la 16eme collection conçu par créateur syrien dans la capitale de la mode. Elle a été inspirée par le « Café Society » parisien, un mouvement mondain s‘étendant de la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle.

Dans le public, de nombreux clients VIP, ainsi que les acheteurs privés de célébrités. Parmi les plus grandes admiratrices du créateur se trouvent les chanteuses Jennifer Lopez et Nancy Ajram, ainsi que l’actrice britannique Helen Mirren.

Selon le Conseil de la mode et du design de Dubaï, le secteur de la mode de la région MENA (Moyen-Orient Afrique du nord) représentera environ 55 milliards de dollars cette année, avec une croissance moyenne de 6% par an depuis 2014.

Rami Al Ali travaille dans l’industrie de la mode et du luxe depuis les années 2000. Si la broderie traditionnelle et les motifs syriens figurent souvent dans ses créations, Dubaï reste son point d’attache.

Le couturier évolue dans un univers très compétitif, où une création sur mesure peut rapporter plusieurs centaines de milliers de dollars. Ces dernières années, Rami s’est lancé dans le prêt-à-porter, les vêtements pour enfants, une collaboration avec un magasin de chaussure, et une ligne de vêtements de mariage.

Selon Rami, cette diversification de son cœur de métier est venue naturellement, et non pas en raison de la pression exercée par un secteur de la mode compétitif. Pour en savoir plus, nous avons passé une journée avec le couturier, dans son atelier aux Emirats Arabes Unis.

L‘âge d’or des créateurs du Moyen Orient

Rebecca McLaughlin-Eastham : Parlez-moi du climat commercial actuel de la haute-couture. Les clients asiatiques et du Golfe font-ils toujours progresser votre entreprise ?

Rami Al Ali : C’est un peu dur pour nous de comprendre les nouvelles règles du jeu, la clientèle a changé. Il y a les Millenials – nous avons toujours eu des clients jeunes, mais avant nous leur parlions par l’intermédiaire de leurs mères. Donc on envoyait les catalogues à la mère, on parlait de l’esthétique avec la mère, on s’adressait aux goûts de la mère. Mais aujourd’hui, avec la montée des réseaux sociaux, on s’adresse à eux directement. Je pense que c’est juste une question de barrière linguistique pour comprendre ce dont ils ont besoin exactement, ce qu’ils veulent, comment ils apprécient les choses.

Par nature, la haute-couture est exclusive, elle s’adresse à quelques privilégiés, notamment en raison de son coût. Comment répondez-vous à ceux qui disent que ce n’est pas un modèle durable ?

Je dirai, en tant que couturier, au contraire. Quand on regarde les pièces de haute-couture, la plupart d’entre elles sont intemporelles. C’est quelque chose que l’on n’achète pas vraiment par saison. C’est quelque chose qu’on garde pendant longtemps et beaucoup de mes clients ont des pièces qui appartenaient à leurs mères, à leurs grands-mères. Donc, au contraire, ce sont plus des pièces de collection que de simples pièces que l’on achète comme on le fait aujourd’hui, vous savez, comme la «fast fashion» ou le prêt-à-porter.

Vous et vos contemporains dans la région êtes sur le devant de la scène. Vous avez habillé des célébrités aux Oscars, aux Emmys, à Cannes plus récemment dans votre cas. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un « âge d’or » pour les couturiers arabes, et si oui pourquoi ?

Oui, ça l’est. C’est une industrie nouvelle pour le Moyen-Orient, nous y avons pris part uniquement au cours des dernières 20, 30 années, ce qui n’est rien dans l’histoire de la mode. C’est aussi l‘évolution naturelle de tous les efforts des couturiers. Il y a une forte présence des designers sur le marché international, et pas seulement sur le tapis rouge.

En tant que designer, êtes-vous soumis à une pression plus forte que jamais ? Vous avez un calendrier très chargé lors des fashion weeks, la fast-fashion, le consumérisme continuent d’augmenter. Comment vous sentez-vous face à cela en ce moment, ressentez-vous la pression ?

Bien sûr. Il y a beaucoup plus de pression qu’avant, et pas seulement lors des fashion weeks. Maintenant, avec les médias sociaux, vous devez concevoir littéralement une collection toutes les deux semaines. La même collection, vous devez la montrer différemment, vous devez la réétudier différemment pour que le client n’en voie pas qu’une seule partie. Vous devez être sympathique, vous devez faire preuve de bon goût, avoir de la culture. Donc maintenant ce n’est plus seulement un produit mais aussi un personnage et son environnement. C’est beaucoup plus difficile que ce que les gens pensent, et maintenant avec l‘évolution d’internet tout est exposé. C’est très risqué de répéter ou de créer quelque chose qui a déjà été vu ou qui présente des similitudes avec quelque chose qui a déjà été fait.

Avez-vous une muse, que vous aimeriez habiller, et qui vous a échappé jusqu’à présent. Qui serait-elle, et comment l’habilleriez-vous ?

Je ne suis pas fidèle quand il s’agit de muses, je suis un moyen-oriental typique, je suppose ! Il y a certainement une direction et une esthétique très spécifique à la marque, depuis sa création. Mais je ne crois pas qu’il faille une certaine muse pour continuer à inspirer la marque.

Vous êtes fier d’être Syrien, vous êtes le seul garçon de la famille, avec quatre sœur que vous adorez depuis votre plus jeune âge. Concernant votre pays d’origine, est-ce que vous y revenez souvent et que pensez-vous de la situation actuelle là-bas ?

J’essaie d’y aller de temps en temps mais j’ai fait une pause lorsque le conflit a éclaté. C’est à partir de l‘été dernier que j’ai suis revenu vers le patrimoine, l’inspiration, les lieux qui ont construit ma créativité. J’essaie autant que possible de rester en contact. J’ai commencé quelques collections là-bas – notamment ma première collection internationale, appelée Damas rose et présentée en 2009 à Rome. Puis en 2012 quand nous avons déménagé à Paris, c‘était sur les femmes dans les peintures orientales, j’ai fait beaucoup de graphiques syriens, de l’artisanat syrien, avec des perles, des magnifiques mosaïques. C’est toujours présent directement ou indirectement dans mon travail, les racines sont toujours là.

L’incroyable histoire de Moussa Al Maamary

Dans les collines qui surplombent la capitale libanaise, Beyrouth, se trouve la route qui mène à Deir el Qamar. La région abrite de nombreux bâtiments historiques, comme d’anciennes églises et des palais ottomans. Mais un monument se détache à l’horizon : un imposant château, suspendu à flanc de montagne. Il ne s’agit toutefois pas de l’un des célèbres châteaux des Croisés libanais. Celui-ci a été construit il a seulement 60 ans.

Son créateur se nommait Moussa Al Maamary, un villageois pauvre, né près de la forteresse du Krak des chevaliers. Moussa est décédé en 2018. C’est désormais son fils, Ziad, qui co-dirige le site.

“C’est le rêve de sa vie. Il a accompli son rêve, et est devenu la preuve, pour toute une génération, que rien n’est impossible”, raconte-t-il.

Le rêve de Moussa de construire son propre château lui est venu à 14 ans, pour impressionner une jeune fille dont il était amoureux. “Elle se moquait de lui en lui disant « tu ne possèdes rien Moussa, tu es pauvre ! » Alors, le palais a commencé à occuper ses pensées, jour et nuit”, poursuit Ziad Al Maamary.

Après avoir travaillé pendant des années sur de célèbres monuments libanais, Moussa avait acquis les compétences et les finances nécessaires pour que son rêve devienne réalité. En 1962, il a posé la première pierre, mais il a fallu attendre 38 ans pour que le palais soit achevé.

Moussa voulait que son château reflète l’amour qu’il porte à son pays. Aujourd’hui, il sert également de musée et accueille chaque année de nombreux touristes. L’endroit est aussi un trésor d’artefacts historiques et de curiosités, qui s‘étendent sur plus de deux millénaires : armement, bijoux, monnaies, vaisselle…

Alex Karroum, un Australien d’origine libanaise, a amené son fils et son neveu sur le site, pour leur parler de leurs ancêtres. “C’est vraiment incroyable, car les choses qui se trouvent ici datent de l’époque de mon père et de ses parents, raconte-t-il. Il y a des choses qui montrent, par exemple, comment ils meulaient le blé, tissaient la laine. Des choses que je n’ai moi-même pas connu, mais qui faisait partie de la vie de mon père, de ses parents, de ses grands-parents.”

En regardant bien, on trouve également quelques surprises dans le château : une reproduction grandeur nature de la Cène, ou même un dessin du château imaginé par le jeune Moussa, qui avait été déchiré par un professeur trouvant son idée folle

Depuis la mort de Moussa, le site est géré par ses trois fils, qui ont de grands projets pour le lieu. Ils construisent un restaurant pour les visiteurs, et continuent à ajouter des collections au château, pour perpétuer la mémoire de leur père.

“En tant que famille, nous sommes déterminés à poursuivre la tâche de notre père. Notre travail continue, et je suis sûr que son âme est avec nous”, conclut Ziad.

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