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Algérie : controverse religieuse autour des maillots de bain masculins

Algérie : controverse religieuse autour des maillots de bain masculins
Des personnes profitent de la plage de Zeralda, à l'ouest d'Alger, le 13 août 2018 pendant les vacances d'été   -  
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Abdenour Manoun/Copyright 2013 The AP. All rights reserved

Algérie

Une ville balnéaire pittoresque située sur la côte méditerranéenne algérienne est devenue le théâtre d'un conflit autour des maillots de bain masculins, opposant les valeurs religieuses et conservatrices aux habitudes touristiques.

Chetaïbi, une ville de 8 000 habitants connue pour ses eaux turquoise, ses criques rocheuses et ses collines boisées, attire chaque été des milliers d'Algériens amateurs de plage. Le tourisme saisonnier est un pilier de l'économie locale.

"L'ambiance est chaleureuse, accueillante, colorée, animée — aucune hostilité envers les baigneurs, ni dans les mots, ni dans les regards. Les gens d'ici ont une tradition d'hospitalité", explique Salah Edine Bey, un habitant de longue date.

Selon lui, il n'y avait guère de signes de controverse, jusqu'à ce qu'elle éclate.

Bermuda

Au début du mois, certains vacanciers et commerçants ont été pris au dépourvu lorsque le maire de la ville a publié un décret interdisant aux baigneurs de se promener en bermuda, qualifiant cette tenue d'indécente par rapport aux shorts plus longs et plus amples préférés par les baigneurs masculins conservateurs.

"Ces tenues estivales dérangent la population, elles vont à l'encontre des valeurs morales et du sens de la décence de notre société", a écrit le maire Layachi Allaoua. "La population ne peut plus tolérer de voir des étrangers se promener dans les rues en tenue indécente", a-t-il ajouté, faisant référence aux visiteurs venus d'autres régions d'Algérie.

Cette décision a immédiatement suscité une vive réaction de la part des autorités, notamment dans la capitale régionale Annaba, qui ont demandé au maire de la révoquer.

Le maire est revenu sur son décret dans les deux jours qui ont suivi. Sur Facebook, il a insisté sur le fait que sa décision n'était pas motivée par des pressions islamistes, mais par le désir de préserver "la paix et la tranquillité" tant pour les habitants que pour les visiteurs.

Guerre civile

Cet épisode a néanmoins mis en évidence des tensions plus profondes autour de la religion, de l'identité et de l'espace public dans un pays qui reste hanté par une guerre civile qui a fait environ 200 000 morts au cours des années 1990. Le conflit a débuté en 1991, lorsque l'armée a annulé les élections qu'un parti islamiste était sur le point de remporter.

La "décennie noire" est terminée depuis longtemps, mais elle a laissé des tensions sous-jacentes entre l'islam politique et l'État laïc algérien soutenu par l'armée. "Même si les islamistes ont perdu la guerre dans les années 1990, ils n'ont jamais renoncé à leur projet idéologique invasif et intrusif, qui a gagné du terrain dans la société", a déclaré le sociologue Redouane Boudjemaâ.

Pour certains, le débat sur la plage a fait écho à cette époque révolue, où les municipalités dirigées par des islamistes tentaient de remodeler la vie publique conformément à la doctrine religieuse. Pour de nombreux Algériens, en particulier dans les régions défavorisées, l'islam politique reste populaire non pas par extrémisme, mais en réaction à la corruption, aux inégalités et à la méfiance envers les institutions étatiques. Si les partis islamistes ont généralement obtenu de mauvais résultats aux urnes, ils jouent un rôle important dans la vie quotidienne, comblant les vides sociaux et moraux.

Prières collectives

Dans la ville voisine de Jijel, les habitants ont délimité certaines parties de la plage pour y organiser des prières collectives, et des vidéos de ces scènes circulent en ligne, suscitant des avis divergents.

Pour Halim Kabir, cela rappelle cruellement le passé. Dans les années 1990, les islamistes qui avaient remporté les élections locales à Jijel avaient imposé des règles plus strictes en matière de comportement public. Aujourd'hui, des voitures garées près de la plage ont été vandalisées et des messages avertissant les baigneurs d'"aller pecher ailleurs" ont été affichés.

"C'est une provocation", pour Halim Kabir. "Une tentative pour chasser les visiteurs d'autres régions."

Said Boukhlifa, ancien haut fonctionnaire au ministère du Tourisme, a averti que les groupes conservateurs exploitent les difficultés économiques de l'Algérie, alors que la baisse des revenus du gaz met l'État à rude épreuve, pour étendre leur influence. Selon lui, cela pourrait compromettre les ambitions du pays en matière de développement du secteur touristique.

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