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Tchad : quelles conséquences régionales au décès d'Idriss Déby Itno ?

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AFP

Tchad

Avec le décès brutal du maréchal président Idriss Déby Itno, des analystes s'inquiètent des possibles répercussions régionales du changement de pouvoir.

C'est une annonce qui a surpris et choqué tout le continent. Le décès d'Idriss Déby Itno et la prise de pouvoir dans la foulée par son fils Mahamat Idriss Déby ont secoué la communauté internationale, qui redoute désormais que le pays ne sombre dans l'instabilité.

La crainte désormais chez les alliés militaires du Tchad : que le changement de dirigeant ne viennent bouleverser la lutte contre les groupes armés.

"Pourquoi il y a un risque de changement tactique, c'est parce que bien évidémment en interne on craint qu'il y ait des dissensions qui ne l'emporte sur l'intégrité territoriale et que donc le Tchad décide de privilégier la sécurisation du pays" explique Caroline Roussy, chercheuse et responsable Afrique à l'IRIS, l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques.

Quand la menace est intérieure, N'Djamena n'a également jamais caché que les déploiements étrangers passaient au second plan. Début 2020, Déby avait fait rebrousser chemin à ses 1 200 soldats en cours de déploiement sous mandat de la force sous-régionale anti-djihadiste du G5 Sahel, pour faire face à une attaque djihadiste sur le Lac Tchad.

"Quand Boko Haram [groupe djihadiste présent au Tchad, au Nigeria et au Cameroun] devenait assez nuisible, le président Déby prenait sur lui d'aller au front", rappelle Sévérin Tchokonté, universitaire camerounais, pour qui la disparition de l'ancien président tchadien sera inéluctablement symbole de "relâchement dans la lutte".

Des bruits de bottes, non confirmés par N'Djamena, ont été entendus dans la zone dite des trois frontières entre Mali, Niger et Burkina Faso. Plusieurs sources ont affirmé à l'AFP que les Tchadiens de la Force conjointe déployés février dernier dans la zone seraient sur le départ, deux mois à peine après leur arrivée sur zone.

Un acteur majeur de la lutte anti-djihadiste en perte de vitesse ?

Qu'ils rentrent ou non, "l'effort récent de sahélisation du contre-terrorisme" insufflé par la force française Barkhane (présente au Sahel avec 5 100 soldats et qui veut y réduire son empreinte), "vient de prendre un coup dans l'aile", dit Yvan Guichaoua, chercheur à l'Université de Kent.

Engagé au nord de la capitale N'Djameana contre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), les forces de sécurité tchadienne doivent également faire face à des divisions au sein de l'armée, un certains nombre d'haut gradés refusant l'autorité du Conseil Militaire de transition (CMT).

"La situation en interne est extrêmement complexe d'où ce cycle d'instabilité qui concerne aussi bien le Tchad en interne mais bien évidemment avec des répercussions dans la sous-région" ajoute Caroline Roussy.

Ces dernières années, le Tchad est devenu un des acteurs majeurs de la lutte contre les groupes armés et mouvements djihadistes . Très engagé dans le basin du Lac Tchad contre le groupe Boko Haram et l'organisation Etat Islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP), le pays est joue également un rôle central au Sahel dans la sécurisation de la zone dite "des trois frontières", en luttant contre les forces du Groupe de Soutien à l'Islam (GSIM) et de l'organisation Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS).

Les pays frontaliers du Tchad également affectés

Une autre conséquence, indirecte, concerne le sud de la Libye, grand voisin du nord du Tchad d'où est partie la rébellion qui a abouti à la mort du président Idriss Déby Itno: s'il devient théâtre d'un "débordement des rivalités tchadiennes ou d'une recrudescence" du groupe Etat islamique, prévient le chercheur Jalel Harchaoui, "personne n'ira le sécuriser".

La région, vaste zone désertique de non-droit où ont proliféré groupes armés, trafiquants et djihadistes, est un refuge des rebelles tchadiens. Ils ont déjà par le passé tenté de marcher sur N'Djamena, pourraient profiter du moment pour reprendre du service, disent les experts. Certains ont déjà proclamé leur soutien à la rébellion du moment.

La crainte de retombées néfastes se ressent aussi à l'est, au Soudan, où les autorités ont exprimé leur "profonde préoccupation" vis-à-vis de la situation au Tchad. N'Djamena et Khartoum entretiennent depuis des décennies des relations en dents de scie, et la frontière tchado-soudanaise a souvent été un territoire de conflits.

La mort d'Idriss Déby Itno pourrait également avoir un impact au sud du Tchad, en Centrafrique, en proie à une guerre civile. L'armée et ses supplétifs russes combattent sur une large partie du territoire des groupes armés sur lesquels, pour certains, plane l'ombre tutélaire du dirigeant tchadien décédé.

Le président, lui-même ancien chef rebelle réputé inquiet de la porosité de ses frontières, cultivait des accointances avec certains chefs de groupes armés dans le nord de la RCA. Des mercenaires tchadiens sont également largement présents dans les milices centrafricaines. Déby "faisait la pluie et le beau temps" sur certaines milices, souligne un diplomate ouest-africain anciennement basé à Bangui.