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Jacques Chirac et la Côte d'Ivoire : une histoire d'amour et de désamour

Jacques Chirac et la Côte d'Ivoire : une histoire d'amour et de désamour

Côte d'Ivoire

La nouvelle est tombée ce jeudi 26 septembre. Jacques Chirac, ancien chef d’Etat français est décédé à l‘âge de 86 ans. À travers le monde, les hommages se multiplient à l’endroit de cet homme d’Etat qui a façonné à sa manière, durant plus de 40 ans, la politique française. Mais aussi la politique sur le continent dont il se revendiquait l’ami. Était-il l’ami de tous les Africains ? En Côte d’Ivoire, l’empreinte de Jacques Chirac est sûrement diversement interprétée.

En Côte d’Ivoire, principalement dans la capitale économique Abidjan, on se souvient sans doute de cette date du 4 septembre 2005. Les Éléphants de Côte d’Ivoire viennent de tomber face à une majestueuse équipe des Lions Indomptables du Cameroun (2-3) dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne. Une défaite qui rendait alors hypothétiques les chances d’une première participation de la Côte d’Ivoire à un Mondial de football.

Dans le pays, c’est le calme plat. Les réjouissances qui se préparaient précocement ont laissé la place aux bruits timides de la circulation dans la ville. Puis, dans la soirée, une information à l’origine douteuse essaime les quartiers populaires de la ville, notamment la commune de Yopougon, largement acquise au régime de Laurent Gbagbo : Jacques Chirac est mort. C’est l’explosion de joie. Des centaines de personnes, puis des milliers plus tard prennent d’assaut la commune pour célébrer cette « disparition » finalement démentie par les médias d’information quelques heures après.

Cette scène, bien qu’incongrue, résume à elle seule ce qu‘étaient devenues les relations entre la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo et le cinquième président de la Ve République française, tenaillées par les tensions politiques et militaires dans le pays d’Afrique de l’Ouest.

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Depuis 1999, en effet, la Côte d’Ivoire vit au rythme d’une instabilité politique inaugurée par le coup d’Etat qui a vu la chute de l’ancien président Henri Konan Bédié. Près de dix mois plus tard, en octobre 2000, c’est Laurent Gbagbo, opposant ivoirien de longue date et surtout, « ami de l’ennemi » de Jacques Chirac, Lionel Jospin, qui accède au pouvoir après une élection surchauffée.

Pour Chirac, c’est un double revers à corriger. Lorsqu‘éclate la crise militaro-politique de 2002 qui scinde en deux la Côte d’Ivoire, l’ancien président français refuse de déployer ses troupes, estimant que le conflit ivoirien est interne. Faux, lui rétorque Laurent Gbagbo qui brandit en premier un accord de défense franco-ivoirien datant de 1961, mais aussi le fait que des mercenaires seraient venus d’un pays voisin, en l’occurrence le Burkina Faso.

Une non-assistance que digère mal le pouvoir d’Abidjan qui se fait d’ailleurs une idée claire des forces en présence dans le conflit. Dans cette crise politique, les adversaires ne sont pas que politiques (Alassane Ouattara et Bédié) et militaire (la rébellion de Guillaume Soro). Il est aussi diplomatique, et c’est la France. Le régime de Laurent Gbagbo va jusqu‘à accuser Paris d’avoir aidé à l’armement de la rébellion. Allégation bien sûr démentie par le pouvoir français.

Toujours est-il que les années qui vont suivre, les relations entre les deux parties vont fortement se dégrader, passant de l’escalade verbale aux attaques armées. Assassinat de Jean Hélène, le correspondant de RFI à Abidjan, le 21 octobre 2003, enlèvement et disparition du journaliste français Guy-André Kieffer le 16 avril 2004, bombardement de Bouaké attribué à l’aviation ivoirienne qui a tué neuf soldats français, destruction de la flotte ivoirienne par l’armée française en réprésailles, répression violente des manifestants ivoiriens par les soldats français devant l’hôtel Ivoire en 2005… Les tensions s’enracinent. « Il faut voir les photos de Chirac et Gbagbo côte à côte, au lendemain de l’accord de Marcoussis. Visiblement, les deux hommes se détestent et sont en guerre quasi ouverte », fait remarquer le journaliste de RFI Christophe Boisbouvier, et auteur du livre Hollande l’Africain.

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En 2017, dans une interview accordée à Médiapart, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, alors incarcéré à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés dans la crise postélectorale ivoirienne de 2010-2011, accusait notamment Jacques Chirac et son successeur Nicolas Sarkozy d’avoir « saboté » sa présidence.

Pourtant, les relations entre Jacques Chirac et les dirigeants ivoiriens n’ont pas toujours été exécrables. Bien au contraire. Il avait du reste d’excellentes relations avec le premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, lui-même cité parmi les meilleurs « amis » de la France. À l‘époque déjà, Chirac avait en horreur les opposants du palais d’Abidjan dont un certain … Laurent Gbagbo. En 1990, celui qui était encore maire de Paris n’hésita pas, au sortir d’un tête-à-tête au palais présidentiel d’Abidjan, cette phrase mal avisée au regard du vent de démocratie auquel aspirait le continent : « Le multipartisme est une sorte de luxe que les pays en voie de développement, qui doivent concentrer leurs efforts sur leur expansion économique, n’ont pas les moyens de s’offrir. »

Fidèle en amitié, il avait joué son tout pour déployer des forces françaises à Abidjan lors du coup d’Etat de 1999 afin de porter secours au président Bédié, qui n’est autre que le fils de son défunt ami personnel Houphouët-Boigny. Mais il sera freiné dans son initiative par son Premier ministre Lionel Jospin avec qui les rapports n‘étaient pas des plus cordiaux.

Jacques Chirac est également perçu, notamment pour les partisans d’Alassane Ouattara, comme l’un des artisans de la “libération” d’une partie de la population ivoirienne, prise dans l‘étau du régime Gbagbo, de plus en plus autoritaire à l’endroit de ses opposants. Mais aussi promoteur d’une stigmatisation économique dans laquelle la majorité des richesses était détenue par les caciques du pouvoir, au détriment des populations.

Ce jeudi, le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, a salué la mémoire « d’un grand ami du président Houphouët-Boigny et de la Côte d’Ivoire ». Du côté des désormais opposants du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, les réactions se font attendre.

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