Niger
Attaque djihadiste meurtrière, coup d’Etat ou bombardement : des images choc censées prouver l’existence de récents bouleversements politiques ou sécuritaires au Niger déferlent depuis mi-février de manière apparemment coordonnée sur les réseaux sociaux.
Cette série d’infox très virales apparues en l’espace d’une semaine - dont cinq ont été vérifiées par l’AFP - ciblent Niamey et souvent sa coopération militaire avec Paris à l’heure où d’autres pays de la région ont récemment pris leurs distances avec la France.
"Des tirs nourris (…) autour de la résidence présidentielle à Niamey", annonce par exemple une présentatrice de France 24 dans une vidéo cumulant plus d'un million de vues sur TikTok et Facebook, sous laquelle de nombreux internautes critiquent acerbement le président nigérien Mohamed Bazoum et ses liens avec la France.
Sauf que la séquence, authentique, remonte à une tentative de coup d’Etat à Niamey en mars 2021.
Le même procédé de décontextualisation est utilisé par les internautes pour alarmer au sujet du bilan d’une récente attaque djihadiste, inventer un bombardement français sur un convoi militaire nigérien ou des "reportages de propagande" sponsorisés par les forces françaises sur place en complicité avec les groupes djihadistes.
Guerre d'influence
Cette soudaine vague de désinformation intervient en pleine guerre d'influence entre plusieurs puissances dont la France et la Russie en Afrique subsaharienne. Et accompagne un rejet croissant de la présence française dans ses ex-colonies.
Plusieurs pages Facebook ayant partagé des infox visant le Niger avaient déjà relayé des rumeurs prorusses ou visant la présence française dans différents pays sahéliens comme le Mali et le Burkina Faso, a constaté l’AFP.
Suivie par près de 80 000 personnes, la page "Agora Actualités" avait par exemple utilisé en juin 2021 une photo d’un ravitaillement de l’opération Barkhane au Mali pour dénoncer un supposé vol d’or malien par l’armée française.
En avril 2022, elle avait publié une vidéo décontextualisée censée montrer l’arrestation d’un "haut gradé américain" par l’armée russe en Ukraine.
A cette même époque avaient circulé sur Facebook et Twitter des accusations visant la France après la découverte d'un charnier à Gossi, dans le centre du Mali, près d'une base que les soldats français venaient de rétrocéder à l’armée malienne.
Manipulation
L'armée française avait aussitôt dénoncé une manipulation, et diffusé des images de drone montrant, selon elle, des mercenaires russes en train d'enterrer des corps quelques jours plus tôt.
Parmi les pages participant à la propagation de fausses informations sur le Niger se trouve notamment "Mali Reporter Sans Frontière", qui avait affirmé à cette date que Barkhane avait commis des "horreurs" à Gossi.
Cette nouvelle campagne a "vraisemblablement été conçue par des officines dans le souci de déstabiliser le pays et de montrer que le Niger, qui reste l’allié de la France dans la sous-région, n’a pas fait le bon choix", affirme Seidik Abba, journaliste et analyste politique nigérien basé à Paris. Avec pour but d’encourager un "divorce entre l’opinion publique et le pouvoir", juge-t-il.
L'apparition de ces infox, concomitante à la visite à Paris de Mohamed Bazoum le 16 février, est probablement guidée selon M. Abba par des acteurs russes ou favorables à Moscou, situés au Burkina ou au Mali voisins.
Même son de cloche à Paris, où l’on estime qu’"il s’agit peut-être d’une vaste stratégie informationnelle qui vise à investir les pays d’Afrique de l’Ouest pour évincer les Occidentaux dans le champ des perceptions", sous l’égide du groupe de mercenaires russes Wagner dont l’implication dans des opérations en ligne d’influence africaines a été largement documentée.
Dans ces deux pays voisins, les coups d’Etat qui ont porté des militaires au pouvoir se sont accompagnés d’une influence croissante de la Russie et du départ de l’armée française devenue indésirable ces derniers mois.
Théories complotistes
"La déstabilisation des institutions est banalisée, les organisations supranationales qui sont une forme de police dans la sous-région sont discréditées, impuissantes", s’alarme Kalla Moutari, ex-ministre de la Défense et député du parti majoritaire, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), qui voit dans cette vague d’infox une manière de préparer "les esprits à tout ce qui peut arriver".
Le faible niveau d’instruction dans le pays ne fait qu’accroître le joug de cette désinformation, elle-même "exacerbée par la pauvreté et le sentiment d’être délaissé, ce sur quoi surfent beaucoup de propagandistes", ajoute-t-il.
L’insécurité qui persiste dans le pays et notamment dans la zone dite "des trois frontières" aux confins du Niger, du Burkina Faso et du Mali, malgré l’appui des forces françaises dans cette région, nourrit l’exaspération populaire et ouvre la porte aux théories complotistes.
"C’est de bonne guerre", assène Dr. Amadou Bounty Diallo, analyste basé à Niamey. "Si le gouvernement tenait compte de son opinion publique, il demanderait le départ de l’armée française, dont la présence s’est révélée inefficace", estime-t-il. Et qui, pour beaucoup de Nigériens, vise avant tout à "protéger un régime".
De son côté, le gouvernement nigérien a annoncé le 17 février dans un communiqué l'ouverture d'une enquête pour "identifier les auteurs, co-auteurs et complices" des différentes rumeurs ayant circulé sur les réseaux sociaux.
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