Rwanda
Pour le ministre rwandais des Affaires étrangères, la RDC ne doit pas se mêler de la mort en détention du chanteur de gospel Kizito Mihigo. Comme la police de son pays qui a promis une enquête, Olivier Nduhungirehe est persuadé qu’il s’agit d’un suicide.
Qui dit que les diplomates ne sortent pas de leurs gonds lorsque l’image de leur pays est mise à mal ? La preuve la plus éloquente a été fournie par le ministre rwandais des Affaires étrangères.
« Après la soi-disante “balkanisation”, une autre théorie du complot “Made in #DRC” ? Sincèrement, que ces politiciens marginaux aient la décence de se taire et de s’occuper de leur pays », a écrit Olivier Nduhungirehe sur Twitter.
Le suicide, c’est celui de Kizito Mihigo, un chanteur rwandais de gospel retrouvé mort dans sa cellule de prison du poste de police de Ramena à Kigali lundi 17 février, soit trois jours après son arrestation jeudi à la frontière burundaise pour « tentative de corruption et tentative de sortie illégale du pays ».
En attendant les résultats de l’enquête, la police a indiqué que le musicien se serait donné la mort.
Si le Rwanda est gavé de tous les plus beaux superlatifs existant dans toutes les langues pour ses spectaculaires progrès économiques (comme la croissance prévisionnelle de 8 %), le régime de Paul Kagame est souvent mis en cause dans des violations des droits de l’homme et de morts « suspectes » de personnalités critiques vis-à-vis de l’homme fort de Kigali.
Ce n’est donc pas la mort de Kizito Mihigo qui pouvait faire exception. Et les premiers à douter ou même balayer la thèse de la police rwandaise, sont des voisins de RDC. Comme on peut le constater à travers la kyrielle de messages de hautes personnalités de RDC (juristes, acteurs politiques, animateurs d’ONG, etc.) sur les réseaux sociaux.
« Les mains ensanglantées du pouvoir réactionnaire de Kigali viennent d’étrangler dans sa cellule, une voix discordante. Un régime assassin qui dirige la francophonie. Paix à l’âme de #KIZITOMIHIGO, son esprit survivra pendant que ses bourreaux iront se pendre en enfer », a écrit sur Twitter, André Claudel Lubaya, un ancien gouverneur du Kasaï-oriental et proche de l’opposant Moïse Katumbi.
Et l’axe Kinshasa-Kigali ?
« Le sang de millions de Congolais et de centaines de milliers de Hutu rwandais versé n’ayant pas étanché sa soif, le Hitler des Grands-Lacs, Paul Kagame élimine désormais un à un ses propres frères. Adieu #KizitoMihigo ! L’écho de ton cri pour la justice et la paix résonne jusqu’ici ! » , a renchéri la Lutte pour le changement (LUCHA), l’intraitable mouvement « citoyen ».
Les mains ensanglantées du pouvoir réactionnaire de Kigali viennent d’étrangler dans sa cellule, une voix discordante. Un régime assassin qui dirige la francophonie. Paix à l’âme de #KIZITOMIHIGO, son esprit survivra pendant que ses bourreaux iront se pendre en enfer pic.twitter.com/JLjYTyo84a
— Lubaya Claudel André ?? (@LubayaClaudel) February 17, 2020
Pour le chef de la diplomatie rwandaise, la RDC n’a pas à s’immiscer dans cette affaire. « Le suicide malheureux d’un jeune rwandais au Rwanda ne les concerne pas », a ordonné Olivier Nduhungirehe sur Twitter.
Après la soi-disante “balkanisation”, une autre théorie du complot “Made in #DRC“? Sincèrement, que ces politiciens marginaux aient la décence de se taire et de s’occuper de leur pays.
Le suicide malheureux d’un jeune rwandais au Rwanda ne les concerne pas. https://t.co/anXOB2AgKt
— Amb. Olivier J.P. Nduhungirehe (@onduhungirehe) February 18, 2020
Cette passe d’armes intervient au moment où Kinshasa et Kigali se battent bec ongles pour normaliser leurs relations très souvent tendues en raison d’antécédents historiques dont les guerres de 1997 et 1998 en grande partie à l’origine de l’instabilité à l’est de la RDC.
« Nos peuples sont déjà en avance sur nous, dans leur compréhension de l’intégration [africaine]. Ce sont les décideurs qui doivent comprendre désormais comment éliminer les conflits et faire fonctionner l’intégration régionale », déclarait le président rwandais, avant d’insister : « Nous avons assez de ressources pour régler nos propres problèmes », lors du Africa CEO Forum en mars dernier à Kigali.
« Nos pays resteront voisins pour toute la vie (…), se faire la guerre est donc une perte de temps », avait répondu Félix Tshisekedi.
Mais ce qu’on pourrait désormais appeler « Affaire Kizito Mihigo » va-t-il remettre en cause ce dégel dont le reflet commençait déjà à se montrer visible sur la houle du lac Kivu ? Là, est tout le problème. Ce que de nombreux observateurs n’entendent pas souhaiter.
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