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Jérôme Baku, demandeur d'asile et styliste des migrants à Paris

Jérôme Baku   -  
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France

Ils sont déguenillés et usés par la rue, lui les rhabille avec goût. Jérôme Baku, artiste et demandeur d'asile congolais, a revêtu à Paris le costume de styliste des migrants, auxquels il veut "redonner de la dignité".

Son rire est communicatif mais le jeune homme de 29 ans, tiré à quatre épingles, l'étouffe toujours rapidement.

Une marque des deux faces de la vie qu'il mène depuis son arrivée en France en 2018. La galère liée à sa demande de statut de réfugié, dont il est toujours sans nouvelle, d'une part. La lumière de son activité artistique, entre défilés et aides aux exilés de l'autre.

Depuis quelques mois, c'est à la halte humanitaire, un accueil de jour parisien, que le couturier a posé sa machine à coudre et marche sur le fil de ce fragile équilibre.

Ce mardi de septembre, épidémie de Covid oblige, une quinzaine d'exilés, pour la plupart Afghans, le corps et les habits marqués par les stigmates d'une vie en camp insalubre, sont venus dénicher auprès de lui ce qu'ils ne trouvent dans aucune autre distribution de vêtements: du beau.

"Le style, l'apparence, c'est important. Ici, ils peuvent choisir. Je leur dis qu'il ne faut pas montrer que tu es sans-papiers, parce que ça va t'isoler. Il faut marcher fièrement, pour ne pas être discriminé", raconte Jérôme Baku, béret gris, pull moutarde et banane portée en bandoulière.

Son offre est simple: les migrants prennent un T-shirt de couleur unie, puis un wax, un tissu africain, et sélectionnent un des vingt modèles dessinés par le natif de Kinshasa, qui leur confectionne ensuite, avec ou sans leur aide, un T-shirt sur mesure.

- "Échanger du courage" -

"Je veux leur redonner de la dignité. Changer la vision qu'on a des immigrés", insiste-t-il.

"C'est super que ce soit beau et, surtout, qu'on soit là avec lui pour apprendre", applaudit Mohammad Haroun, un Pakistanais de 21 ans venu après s'être fait voler toutes ses affaires dans un campement voisin.

"Je ne le vois pas comme un demandeur d'asile, mais comme une inspiration", explique-t-il, avant de repartir, comme les autres, sourire aux lèvres, pouces levés et T-shirt neuf sur le dos.

"On s'échange du courage, comme on est dans la même situation", confie Jérôme Baku, qui vit dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile de la banlieue parisienne.

Sa présence permet de "faire oublier un quotidien compliqué", apprécie Jérémy Barthez, chef de service à la halte humanitaire, gérée par l'Armée du Salut. C'est aussi l'occasion "pour les autres de voir que d'autres personnes dans la même situation administrative arrivent à s'en sortir, à développer leur passion, en faire leur métier", explique-t-il.

Le styliste improvisé n'est pas couturier de métier, une passion développée sur le tard.

Avant de fuir la République démocratique du Congo à cause de ses "opinions politiques" et de la "persécution", il était sculpteur, après des études aux Beaux-arts de la capitale Kinshasa. Puis il a fui vers l'Angola, avant de rejoindre la France.

- "Juste un artiste" -

"Quand on est demandeur d'asile, pour créer, c'est vraiment difficile. J'avance, mais intérieurement, je sais que je n'ai pas les papiers. Ça me limite", regrette Jérôme Baku, qui a trouvé une bouffée d'oxygène à l'Atelier des artistes en exil.

Judith Depaule, fondatrice de l'association, se souvient de l'avoir vu toquer à sa porte, fraîchement arrivé en France.

"Il a été tout de suite embarqué dans une énorme histoire", comme couturier pour un défilé présenté au Palais de la Porte Dorée à Paris, début 2019, rappelle-t-elle.

"Les artistes en exil sont les meilleurs médiateurs pour les migrants. Parce qu'ils ont le même vécu, la même histoire. On évite l'aspect compassionnel maladroit", juge Mme Depaule dans les nouveaux locaux encore en travaux de l'association.

"Ici, on ne me considère pas comme un demandeur d'asile. Je suis un artiste, tout simplement", apprécie Jérôme Baku en faisant visiter l'atelier. Il y développe un nouveau projet: raconter, avec d'autres artistes, l'Afrique et "ceux qui n'y ont pas de voix".

Mais il n'oublie pas les migrants parisiens: dans son atelier, il dévoile ses dernières créations. De quoi faire un "défilé hiver", s'amuse-t-il.

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