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ONU : Antonio Guterres demande des "preuves d'ingérence" à l'Ethiopie

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John Minchillo/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved.

Ethiopie

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'en est vivement pris mercredi, d'une manière très rare dans l'enceinte du Conseil de sécurité, aux explications de l'Ethiopie sur l'expulsion récente de sept responsables onusiens, accusés d'"ingérence", exigeant des "documents écrits" à Addis Abeba justifiant leurs soi-disant mauvais comportements.

"S'il y a un quelconque document du gouvernement éthiopien fourni à une institution de l'ONU concernant l'un ou l'autre des sept expulsés, je voudrais en recevoir une copie car je n'ai aucune connaissance de leur existence", a lancé dans une atmosphère très tendue Antonio Guterres à l'ambassadeur éthiopien auprès de l'ONU, Taye Atskeselassie Amde.

L'ambassadeur éthiopien a quant à lui déclaré, "le gouvernement éthiopien n'est soumis à aucune obligation légale de fournir des justifications ou des explications pour ses décisions."

Après être intervenu au début de cette séance du Conseil de sécurité, convoquée en urgence pour la deuxième fois en moins d'une semaine sur cette affaire d'expulsions multiples "sans précédent", le chef de l'ONU a demandé à reprendre la parole après une intervention de l'ambassadeur éthiopien.

Rappelant qu'il avait parlé dès vendredi avec le Premier ministre éthiopien, Antonio Guterres a déclaré lui avoir demandé à deux reprises de lui faire parvenir des preuves du manque d'impartialité de ces fonctionnaires. "Jusqu'à présent, je n'ai eu aucune réponse à cette requête", a-t-il dénoncé.

À l'issue de la réunion, M. Guterres a réitéré sa position devant des journalistes, justifiant sa ferme intervention en disant: "Il est de mon devoir de défendre l'honneur de l'ONU".

Devant le Conseil de sécurité, l'ambassadeur éthiopien avait longuement justifié l'expulsion des sept responsables de l'ONU, affirmant qu'ils avaient gonflé des chiffres de victimes présumées, inventé des morts de famine et invité des rebelles armés dans des enceintes onusiennes protégées.

Evoquant des "transgressions multiples", Taye Atskeselassie Amde a souligné que le personnel onusien ne devait "solliciter ou accepter d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source extérieure à l'Organisation". Ils ne doivent "pas utiliser leur fonction ou les connaissances acquises dans le cadre de leurs fonctions officielles pour des objectifs privés, financiers ou autres, ou pour le profit privé d'un tiers, y compris la famille, les amis et ceux qu'ils favorisent", a-t-il ajouté.

Ils ne doivent enfin "communiquer aucune information dont ils ont connaissance en raison de leur fonction officielle à une entité gouvernementale, personne ou autre source", a asséné le diplomate éthiopien, en promettant que son gouvernement ferait parvenir au chef de l'ONU des documents écrits.

Affront aux Nations Unies

Antonio Guterres avait entamé la rencontre en affirmant que l'Ethiopie connaissait une "immense crise humanitaire" et qu'il fallait un accès "sans entrave" pour l'aide humanitaire. "Cela rend particulièrement inquiétante l'annonce faite jeudi dernier par le gouvernement éthiopien d'expulser sept hauts responsables de l'ONU", avait-il ajouté, en dénonçant une décision "sans précédent" et violant la Charte des Nations unies.

Cette expulsion multiple "est un affront à ce Conseil, aux Nations unies, à tous les Etats membres et aux principes humanitaires que nous partageons", a estimé l'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield. "L'ONU est impartiale, neutre", a-t-elle poursuivi, jugeant qu'il n'y avait "aucune justification" à la décision de l'Ethiopie.

Si les appels à un accès humanitaire sans entrave ne sont pas entendus, "le Conseil devra agir", "y compris via une résolution (contraignante) du Conseil de sécurité", a précisé la diplomate américaine.

Son homologue chinois, Zhang Jun, a au contraire plaidé pour un respect de la souveraineté éthiopienne. Il faut "miser sur une diplomatie discrète", a-t-il dit, en soutenant l'approche de "solutions africaines à des problèmes africains".

Dans la même veine, une ambassadrice adjointe de la Russie, Anna Evstigneeva, a jugé que l'Ethiopie était "capable de régler ses problèmes par elle-même". Il "ne faut pas dramatiser ce qui s'est passé", a-t-elle déclaré en plaidant pour un "réglement à l'amiable" de la crise opposant l'ONU à ce pays.

Cette dernière a provoqué un choc dans la communauté des organisations humanitaires et au sein du Conseil de sécurité où des diplomates craignent un précédent pour d'autres théâtres de conflit comme l'Afghanistan ou la Birmanie.

Les six pays ayant demandé une nouvelle réunion mercredi du Conseil de sécurité étaient les Etats-Unis, l'Irlande, l'Estonie, la Norvège, le Royaume-Uni et la France. Vendredi, le Conseil n'avait pas pu se mettre d'accord sur une déclaration du Conseil proposée par l'Irlande. Moscou et Pékin l'ont refusée, selon des diplomates.

Pour un ambassadeur s'exprimant sous couvert de l'anonymat, il est urgent de régler le contentieux avec Addis Abeba, "de stabiliser la situation, de faire revenir la confiance entre le système onusien, la communauté humanitaire et le gouvernement éthiopien". "Car si on ne clarifie pas la situation en Ethiopie, ça pourrait créer un effet boule de neige", estime-t-il.

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