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Cameroun : dédier sa vie à aider des malades mentaux dans la rue

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Judith Ngamené et ses volontaires dans les rues de Dschang, au Cameroun.

Cameroun

Dans la ville de Dschang, il n’est plus surprenant pour les habitants de voir madame Judith Ngamené arpenter les rues de la ville à la recherche des malades mentaux. Accompagnée de son équipe de volontaires, elle localise ces personnes en situation de handicap qui par la suite reçoivent des habits, des soins et de la nourriture.

Judith Ngamené s’est lancée dans cette aventure il y a neuf ans, après avoir secouru une malade mentale qui accouchait de jumeaux dans la rue. L’un des bébés est décédé, l’autre est aujourd’hui en CM1 dans une école de Dschang. Sa maman a retrouvé un peu de stabilité, et aide même Judith Ngamené à faire la cuisine pour venir en aide aux autres.

"Nous apportons le soutien aux personnes vulnérables en général, aux personnes abandonnées, vulnérables, aux personnes mal aimées, aux personnes seules, aux orphelins et tous ceux qui sont dans le besoin, aux nécessiteux. Mais notre cible, ce sont les malades mentaux, que nous appelons les oubliés des oubliés", déclare Judith Ngamené, fondatrice de l’Association pour la Promotion du Bien Etre (APBE).

Chaque matin, les volontaires de l’APBE débutent leur tournée après avoir cuisiné le repas du jour et préparé le matériel médical ainsi que les kits d’hygiène. Judith Ngamené a tout abandonné en Europe pour revenir au Cameroun et se lancer dans cette aventure. Elle a été critiquée et combattue pour son action, mais elle n’a jamais baissé les bras. Pour elle, l’amour de l’autre l’a emporté.

"Les choses que je ne voyais pas par le passé, j’ai commencé à les voir et à les comprendre. Je sortais d’Europe et j’ai compris qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, qu’un être humain malade ne pouvait pas complètement être oublié ni obligé de fouiller nos poubelles pleines d’asticots pour survivre. Et depuis ce jour de fin 2009, j’ai fait de ceci un combat", dit-elle.

Regard de la société

Judith s’offusque que les malades mentaux soient abandonnés et livrés à eux-mêmes dans la rue. "Ils ont besoin d’être considérés comme des êtres humains à part entière. Le regard de la population doit changer. Ils ont besoin que nous ne soyons plus indifférents envers eux. Les mots-clés de notre association sont : non à la stigmatisation, non à l’indifférence", explique la fondatrice de l’APBE.

Au Cameroun, les malades mentaux sont rejetés par leurs familles, les enfants, la société, ce qui les pousse à vivre reclus et très souvent dans la rue et à se nourrir dans des poubelles. Faire changer les regards portés sur ces parias passe par la sensibilisation de la jeune génération. C’est ce que fait Judith inlassablement depuis neuf ans.

"Je leur pose la question s’il est normal qu’un enfant puisse avoir honte de son papa ou de sa maman parce qu'il/elle souffre d’instabilité mentale ? Le parent reste le parent indépendamment de son état de santé mentale. Quand une personne a perdu la raison, elle a besoin de ceux qui raisonnent encore. Ce soir, quand ces jeunes arriveront chez eux, avec leurs parents, il faut qu’ils puissent discuter de ce sujet avec eux et attirer leur attention afin que les regards changent", dit Judith Ngamené.

Pathologies diverses

L’APBE ne reçoit aucune subvention, et fonctionne sous fonds propres. Même le siège n’offre pas de garantie en terme d’abris confortables. Judith Ngamené héberge chez elle certaines démunies. Une trentaine de malades sont pris en charge au quotidien par l’association dans les rues de Dschang. Les autorités camerounaises ne disposent pas de statistiques fiables concernant le nombre de malades mentaux.

"Ces personnes de la rue ne présentent pas toutes les mêmes pathologies. Il y a ceux qui ont été abandonnés car déprimés, mais aussi des schizophrènes. Or, la schizophrénie est une maladie congénitale. On naît avec et ça ne peut pas finir. Ca veut dire qu’on ne peut qu’administrer des médicaments à ces malades pour qu’ils soient un peu stables mentalement. Mais dire qu’ils peuvent guérir, non. Par contre, ceux qui sont juste déprimés peuvent retrouver une totale stabilité mentale", explique le Dr Pulcherie Tatang, secrétaire générale de l’APBE.

L’Association pour la Promotion du Bien Etre est aujourd’hui présente à Dschang, Mbouda et Bafoussam. Elle compte 30 bénévoles à son actif. L’objectif de Judith Ngamené est d’ouvrir un centre moderne de prise en charge et de suivi des malades mentaux comme dans certains pays européens. En dehors de l’appui aux malades mentaux, l’APBE est aussi venue en appui depuis le début de la crise anglophone à plus de 1 500 déplacés dans les villes de Dschang et Mbouda.

Judith Ngamené voudrait que son combat soit mis en lumière afin d’obtenir du soutien.

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