Inspire middle east
Cette semaine, Inspire Middle East s’intéresse aux ambitions spatiales des Émirats Arabes Unis. Au programme :
- Jeremy Wilks a enquêté sur ce vaste programme spatial, qui va de la construction de nouveaux satellites d’observation terrestre à la création d’une colonie sur Mars. Pour l’aider avec ses projets, le pays a développé un réseau de partenaires internationaux.
- Au mois de septembre, le premier astronaute émirati de l’histoire partira en mission de huit jours, à bord de la Station Spatiale Internationale. Inspire Middle East l’a rencontré.
Une coopération spatiale internationale
La science et l’astronomie sont intimement liées à l’histoire du Moyen Orient. Le XIVe siècle est souvent considéré comme l‘âge d’or de l’astronomie islamique. Mais en observant le Moyen Orient aujourd’hui, il semblerait bien que l’on soit à l’orée d’une nouvelle ère prospère.
La France a rapidement saisi les opportunités offertes par le programme spatial émirati. Le CNES, le Centre national d‘études spatiales, a été le premier à signer un accord de coopération avec les Emirats et à ouvrir des locaux à Abu Dhabi. Désormais, des entreprises françaises aident à la construction de satellites émiratis.
Jean-Yves Le Gall, le président du CNES, nous en dit plus : “ Les Émirats ont un programme très complet, avec des satellites de télécommunication, des satellites d’observation de la terre, des satellites d’observation à des fins stratégiques, une mission martienne, des vols d’astronautes, … Et les Emirats ont décidé de faire du CNES un partenaire stratégique.”
Pour le président de l’agence spatiale française, la coopération entre la France et les Émirats peut avoir de nombreux avantages : “Le CNES va bientôt fêter ses 60 ans, et les Émirats sont plus récents, explique-t-il. Mais c’est gagnant-gagnant, parce qu’ils ont une approche très innovante, et de notre côté nous pouvons leur faire part de notre expérience. C’est une peu, je dirais, la photographie du monde moderne, où le “new space” et les acteurs plus traditionnels travaillent ensemble pour développer l’activité spatiale.”
Les Emirats ont passé des accords avec d’autres agences spatiales, tels que la NASA, l’Agence spatiale européenne et Roscosmos, l’agence russe.
Les EAU ont également investi dans Virgin Galactic, pour envoyer des touristes du Moyen Orient dans l’espace.
Mais le pays s’intéresse aussi de près à Mars, avec la construction à Dubaï d’un nouveau centre de recherche appelé Mars Science City. Les Emirats entendent être la première nation arabe à envoyer un vaisseau spatial sur la planète rouge en 2021.
Nous avons parlé de tous ces projets à des experts d’Euroconsult, une société d’analyse spécialisée dans l’espace, avec une question : le programme spatial des EAU possède-t-il des fondations solides, ou essayent-ils d’aller trop vite ?
Une réponse difficile pour l’analyste Simon Seminari : “Leur modèle est assez inhabituel, car ils brûlent toutes les étapes traditionnelles, pour un pays qui démarre un programme spatial. Ce modèle traditionnel est très graduel, et progressif. La grande question c’est ce qui se passera après 2021, car le pays n’a encore pas annoncé d’étapes ultérieures, après les programmes à court terme qu’il a lancé.”
Tout âge d’or a un commencement. En 1667, l’Observatoire de Paris a été fondé avec le soutien de la royauté, dans le but de renforcer le pouvoir maritime français. Aujourd’hui, le secteur spatial des Emirats en est à ses débuts, mais il bénéficie, lui aussi, du soutien d’un gouvernement prospère et ambitieux.
Le premier astronaute émirati de l’histoire
Le 25 septembre sera une journée historique pour les Émirats : pour la première fois, un astronaute émirati sera envoyé dans l’espace, pour une mission de huit jours à bord de la Station spatiale internationale.
Plusieurs milliers de candidats ont participé, mais un seul a été sélectionné : Hazza Al Mansoori est le vainqueur de cette compétition spatiale. Diplômé en science de l’aviation, cet homme de 35 ans pilote depuis des années les avions de combat F-16, au sein de l’armée de l’air des Emirats.
Sultan Al Neyadi était son ultime concurrent jusqu’au bout de la compétition. Cet ingénieur en télécommunication de 37 ans est aussi titulaire d’un doctorat en informatique
Pour se préparer, les astronautes ont effectué des tests en chambre de compression et en centrifugeuse. Ils ont aussi participé à une formation de survie en Russie, où ils ont dû apprendre à se débrouiller seuls, au cœur d’une forêt glacée et enneigée.
Ce programme est le premier du genre dans le monde arabe, et relève de l’autorité du Centre spatial Mohammed Bin Rashid (MBRSC).
Cette structure est également en charge du développement de la mission martienne des Émirats. Elle comprend la sonde Mars Hope, qui devrait atteindre l’orbite de la planète rouge d’ici 2021, pour recueillir des données atmosphériques, et la Vision Mars 2117, qui vise à construire une colonie humaine sur Mars.
Pour Salem Al Marri, directeur adjoint du MBRSC, il est primordial de former plus d’étudiants dans ce secteur, pour faire des EAU un centre régional d’activité spatiale.
“Nous voulons qu’un plus grand nombre de diplômés de la région s’orientent vers les filières STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques). Nous voulons plus d’ingénieurs, plus de scientifiques, nous voulons plus de jeunes hommes et de jeunes femmes dans ces domaines. C’est essentiel si vous voulez bâtir une économie fondée sur le savoir, une économie productive, qui soit en mesure de développer toutes ces technologies.”
Dans la mission à venir, l’astronaute Al Mansoori va mener des recherches, pour étudier les effets de l’absence de gravité sur le corps humain.
La mission émiratie était à l’origine programmée pour le mois d’avril. Mais elle a dû être reportée, en raison d’une défaillance du vaisseau Soyuz MS-10 lors d’un vol en octobre dernier.
Deux minutes après le décollage, un propulseur ne s’est pas détaché correctement, ce qui a entraîné l’annulation de la mission en urgence. L’équipage a pu être parachuté en lieu sûr au Kazakhstan.
“Quand vous voyez les astronautes qui reviennent une heure après l’incident, et qu’ils ont l’air de revenir d’une virée en voiture, cela montre bien que la capsule Soyuz est très robuste, qu’elle est sûre, affirme Salem Al Marri. Elle fonctionne depuis longtemps, et les Russes le savent bien. En les voyant revenir de l’explosion comme ça, cela nous confirme que ce système est robuste, qu’il peut garder les astronautes en vie. Il y a toujours un risque, mais je pense qu’il faut toujours espérer le meilleur, même si on se prépare au pire.»
“Inspirer les plus jeunes”
Juste avant que le nom du vainqueur soit annoncé, Inspire Middle East a pu s’entretenir avec les deux candidats astronautes émiratis, pour savoir comment ils s’étaient préparés au voyage de leur vie.
Rebecca McLaughlin-Eastham : Vous souhaitez tous les deux être le premier Emirati à aller dans l’espace, cela a-t-il affecté votre amitié ?
Hazza Al Mansoori : Sultan et moi avons bâti des relations vraiment solides, et nous avons hâte que cette mission ait lieu, car c’est une mission nationale. L’un de nous sera le tout premier ambassadeur à bord de la station spatiale international, originaire des Emirats mais aussi de toute la région arabe.
Quelle sera votre journée type dans l’espace ?
Sultan Al Neyadi : L’emploi du temps sera chargé, avec de nombreuses expériences scientifiques. Avant, on fera beaucoup de visites dans la région arabe pour rapprocher les habitants de l’industrie spatiale. Et on espère qu’on sera de bons ambassadeurs à bord de la Station spatiale internationale.
Les missions spatiales coûtent cher, alors quel sera le retour sur investissement pour la société ? Verrons-nous les résultats de cette mission se répercuter sur les industries clés des EAU ?
Hazza Al Mansoori : Si vous regardez l’histoire du secteur spatial, il y a toujours eu un retour sur investissement dans différentes régions, différents domaines, comme la médecine ou l’économie. Ici aux Émirats Arabes Unis, nos leaders entendent créer une économie basée sur la connaissance et l’innovation. En connaissant mieux l’espace, il y aura des bénéfices pour les prochaines générations. Cela pourra nous apporter plus de scientifiques, et plus de passion pour l’espace.
À l’approche des résultats vos entraînements se sont-ils intensifiés ?
Sultan Al Neyadi : On a toujours été prêts, mais plus on s’approchera du grand jour, plus nos entraînements avec l’équipe seront complexes. Il y aura probablement un cosmonaute russe et un astronaute américain avec nous. On travaillera au sein du segment orbital russe, et on y effectuera toutes les tâches demandées.
Pendant votre formation en Russie, vous avez rencontré de nombreux astronautes chevronnés. Quel est le meilleur conseil qu’ils vous ont donné ?
Sultan Al Neyadi : Je pense que le meilleur conseil est de rester soi-même, d’être naturel, de croire au voyage spatiale et d‘être une source d’inspiration pour les plus jeunes.
Vous avez appris le russe avant votre entraînement. Cela vous a-t-il aidé ?
Hazza Al Mansoori : “Konechno”, ça veut dire bien sûr en russe. Cela a accéléré notre compréhension du matériel. A bord de la fusée Soyuz et de la capsule, la seule langue que nous devons connaître est la langue russe, car la liste des tâches, les procédures à suivre, et même tous les boutons sont en russe. Votre vie est en jeu, donc il n’y a pas d’autre choix.
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