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Ouganda : d'anciens pratiquants de l'excision engagés dans la lutte contre cette mutilation

Ouganda : d'anciens pratiquants de l'excision engagés dans la lutte contre cette mutilation

Ouganda

En Ouganda, d’anciens adeptes de l’excision sont désormais aux avant-postes dans la lutte contre cette mutilation aux conséquences multiformes et graves. Bienvenue chez les repentis de l’ethnie Pokot.

Trente vaches ont scellé le destin de Joyce. En échange, elle est devenue à 12 ans la troisième épouse d’un homme aussi âgé que son père, qui n’a pas hésité à la donner en mariage quand bien même elle venait juste d’atteindre l‘âge de la puberté.

Joyce a quitté sa maison de l’ouest du Kenya pour rejoindre son nouveau mari en Ouganda. Mais rapidement écœurée par sa nouvelle vie, elle s’est enfuie, sans pour autant retourner chez ses parents.

A la place, elle a trouvé refuge à l‘école primaire pour filles Kalas dans le nord-est de l’Ouganda, comme près d’une centaine de jeunes filles qui ont fui le mariage forcé et l’excision, la rituelle mutilation génitale féminine (MGF) marquant le passage de l’enfance à l‘âge adulte.

Dans cet endroit, elle se sent en sécurité, mais a toujours peur. “Je vis dans la peur”, confie-t-elle à l’AFP.

Les MGF désignent l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes d’une femme. Elles ont été interdites en Ouganda en 2010. Mais elles continuent dans certaines communautés rurales, où cette tradition qui signale l’entrée de la fille dans l‘âge du mariage est solidement ancrée.

Joyce a évité l’excision, mais Rose, également pensionnaire de Kalas, a été moins chanceuse. Elle aussi a été mariée jeune et elle a été excisée juste après avoir donné naissance à son premier enfant. “Je souffrais à cause de l’accouchement, mais ça ne les a pas arrêtés”, raconte-t-elle.

La tradition au cœur de la lutte

Au sein de la tribu Pokot de Joyce et Rose, les MGF ont pour but de “rendre les femmes pures et de tuer l’appétit sexuel”, explique James Apollo Bakan, de l’association caritative locale Vision Care Foundation, qui oeuvre à leur éradication.

Parmi les éleveurs semi-nomades comme les Pokot, les hommes les utilisent pour garder leurs épouses fidèles quand ils sont partis s’occuper de leur troupeau, car elles rendent l’acte sexuel douloureux. “Ils coupent le clitoris pour que les femmes n’aillent pas chercher d’autres hommes”, explique M. Bakan.

Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) estime que 95% des filles et femmes pokot ont été excisées. Pour combattre la tradition par la tradition, des guérisseurs et chefs coutumiers pokot ont été engagés pour éliminer cette pratique.

Monica Cheptilak, une femme âgée de 70 ans qui a procédé à des MGF pendant un demi-siècle, y a depuis renoncé. Elle se rappelle, en pleurant, comment parfois les jeunes filles mourraient des blessures ou en perdant du sang après la cérémonie.

Une fois, dit-elle, six filles du même âge ont contracté le sida à cause d’une lame infectée. “Quand je repense à ces filles, comment elles sont mortes et les souffrances qu’elles ont endurées, j’ai mal et je suis désolée pour elles”, confie-t-elle.

Paulina Isura Chepar, une fonctionnaire du district victime de l’excision, a vu sa soeur mourir sous ses yeux alors qu’elle venait elle aussi d‘être excisée. Elle est désormais engagée dans le combat contre cette pratique : “Je ne veux pas que mes enfants vivent la même épreuve.”

La semaine dernière, Jeremia Labur, médecin traditionnel de 78 ans, a participé à une cérémonie pour demander pardon pour les mariages précoces et les excisions passées. Un bouc a alors été sacrifié près d’une cave où étaient pratiquées les mutilations génitales.

“Au lieu de donner leur bénédiction aux filles excisées, ils (les guérisseurs) sont ceux qui désormais condamnent cette pratique et invitent la communauté à l’abandonner”, se félicite M. Bakan.

AFP

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