L’ex-chanteur et député ougandais d’opposition Robert Kyagulanyi a promis de poursuivre son combat politique à son retour jeudi.
Ouganda : "mon combat n'est pas achevé" Bobi Wine
Plus connu sous son nom d’artiste Bobi Wine, Robert Kyagulanyi, 36 ans, est devenu le porte-parole d’une jeunesse ougandaise urbaine et souvent très pauvre qui ne se reconnaît pas dans le régime d’un président Museveni, 74 ans et au pouvoir depuis 1986.
“Je suis de retour dans le pays que j’aime mais je n’arrête pas le combat. Je le reprends là où je l’ai laissé avant de partir en traitement aux Etats-Unis. Je suis prêt à en payer le prix, car je suis conscient que le régime agira avec brutalité contre tout appel au changement”, a déclaré le député à l’AFP.
“L’Ouganda est prêt pour le changement et ce n’est pas le moment d’abandonner cette aspiration”, a-t-il ajouté, estimant que le président Museveni était “en mode panique”.
Le député s‘était rendu au Etats-Unis fin août pour y recevoir des soins après avoir selon lui été battu et torturé en détention provisoire par la police, ce que les autorités démentent.
Le retour attendu de Bobi Wine
Son retour au pays, annoncé depuis plusieurs jours, avait entraîné un nouveau raidissement du pouvoir, qui avait interdit tout manifestation jeudi, déployé ses forces de sécurité en nombre dans les rues de Kampala et fait couper toute circulation sur la voie rapide menant à l’aéroport international d’Entebbe, à environ 40 km de la capitale.
Dès sa sortie de l’avion jeudi midi, des policiers l’ont emmené et c’est dans un véhicule blindé que le député a été “escorté” jusqu‘à son domicile où l’attendaient de nombreux partisans.
“L’honorable Robert Kyagulanyi n’est pas en état d’arrestation”, a ensuite indiqué à l’AFP le chef de la police ougandaise, l’inspecteur général Martin Okoth Ochola. “Ce que nous avons fait, c’est l’escorter depuis l’aéroport d’Entebbe jusqu‘à son domicile”.
Une version des faits que conteste le concerné.
“À mon arrivée à l’aéroport d’Entebbe jeudi après-midi, j’ai été immédiatement arrêté par des personnes en uniforme de police et d’autres en civil. Ils m’ont attrapé sur le tarmac, m’ont pris ma canne et m’ont arraché mon béret rouge de la tête “
“J’ai été forcé de monter dans un véhicule de police en attente. J’ai insisté sur le fait que je ne voulais pas monter dans une voiture inconnue avec de parfaits inconnus et que j’avais ma propre voiture qui m’attendait à l’arrivée mais mon plaidoyer est tombé dans l’oreille d’un sourd” a-t-il souligné à son arrivée dans sa maison.
Le président du Ghetto
Pop-star, Bobi Wine a mêlé des textes sur la justice sociale et la pauvreté à des rythmes afrobeat accrocheurs. Ils lui ont valu de la part de ses fans, souvent jeunes et pauvres, le surnom de “Son Excellence le président du ghetto”.
En 2017, il est élu député sous son vrai nom, Robert Kyagulanyi, et devient vite populaire par son opposition ouverte à l’encontre du dirigeant ougandais.
M. Museveni est le seul président que la plupart des Ougandais connaissent, dans un pays où un habitant sur deux a moins de 16 ans. Et celui-ci s’accroche, ayant fait modifier la Constitution à deux reprises pour supprimer les limites d‘âge, et être autorisé à se présenter pour un sixième mandat en 2021.
Auparavant, l’opposition était symbolisée par Kizza Besigye, 62 ans, ancien camarade de Museveni battu quatre fois aux élections.
Reconnaissable à son béret rouge, “Bobi Wine” avait été inculpé de trahison à la suite du caillassage du convoi de M. Museveni en marge d’une élection législative partielle à Arua (nord) le 14 août, remportée par le candidat de son parti face à celui du pouvoir.
Lors de ses comparutions fin août, l’ex-chanteur avait semblé affaibli, utilisant parfois des béquilles pour se déplacer.
Les arrestation et inculpation en août de M. Kyagulanyi, dont le chauffeur avait été tué par les forces de l’ordre durant les échauffourées du 14 août, avaient entraîné des manifestations de protestation violemment réprimées par la police et l’armée.
Le président Museveni semble éprouver les plus grandes difficultés à répondre au défi posé par la popularité du député: dans un récent discours sur l‘état de la nation, le chef de l’Etat s‘était adressé à son auditoire en les qualifiant de “bazukulu”, ce qui signifie “petits enfants”.