Ce jeudi 4 décembre, Washington se place au centre des projecteurs internationaux. Dans les couloirs impeccables du pouvoir américain, les présidents congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame, s’apprêtent à entériner un accord de paix qualifié « d’historique ».
RDC : un accord de paix « historique » à Washington, une réalité tragique dans l'Est
Ce texte, paraphé en juin dernier par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, promet d’ouvrir un chemin vers la fin d’une guerre qui ravage l’est de la RDC depuis plus de deux décennies.
Mais à Goma, à plus de 11 000 kilomètres de la capitale américaine, l’atmosphère est bien différente. Ici, les promesses diplomatiques peinent à convaincre des habitants qui ont trop souvent vu les négociations échouer, pendant que les combats se rapprochent de leurs portes.
Dans les rues poussiéreuses de la capitale du Nord-Kivu, la nouvelle de ce sommet fait naître un mélange d’espoir et de scepticisme.
Daniel Kamana, habitant de Goma, garde une lueur d’optimisme :
« Nous, la population et moi en particulier, sommes contents d'apprendre qu'ils vont signer un accord de paix. Nous voulons juste écouter qu'ils ont trouvé une issue, car nous ne voulons plus être victimes. »
Pour d’autres, comme Djemba Utsu, l’attente est devenue presque insupportable : « Si leur rencontre va nous apporter la paix, c'est une bonne chose, parce que cela fait longtemps que nous sommes en guerre et que la population continue à souffrir. »
Mais la déception, elle, demeure omniprésente. Shishalo Mahemo résume le sentiment général : « Ils disent être dans un processus de paix et après, nous apprenons que la guerre reprend. Cela nous fait mal et nous nous inquiétons beaucoup. »
Pendant que les deux chefs d’État honorent leurs engagements diplomatiques, une autre réalité s'impose dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Le bruit des bottes n'a pas cessé. Pire, il s’est intensifié.
Depuis mardi, de violents affrontements opposent les FARDC aux rebelles de l’AFC-M23. En Sud-Kivu, des sources locales évoquent des combats à Kamanyola et Katogota, où des familles continuent de fuir sous les détonations. Et ce matin, au même moment où l’accord devait être confirmé à Washington, nos correspondants signalent une recrudescence des hostilités.
Dans ce contexte enflammé, la portée réelle du traité signé sème le doute jusque chez les experts.
Omar Grâce, analyste politique interrogé sur place, nuance l’enthousiasme ambiant :
« Politiquement, cet accord reste historique. Cependant, il y a lieu de s’inquiéter concernant sa mise en œuvre. Le mécanisme de cette mise en œuvre ne dépendra pas uniquement des textes. Aujourd'hui, il existe davantage de dangers liés à la possibilité de passer d'un conflit armé à une exploitation économique inéquitable. »
L’armée congolaise accuse l’AFC-M23 de violer le cessez-le-feu à peine annoncé. De son côté, la rébellion renvoie l’accusation, dénonçant des bombardements menés, selon elle, par les FARDC.
Cette guerre des récits masque une tragédie bien plus sombre. La société civile locale fait état d’un bilan d’au moins 20 civils tués, parmi eux des femmes et des enfants. Des vies fauchées en marge de négociations censées protéger la population.
Alors que les discours diplomatiques promettent une nouvelle ère de stabilité, la situation dans l’Est rappelle avec brutalité que la paix ne se décrète pas, elle se construit. Et pour les millions de Congolais qui vivent au rythme des déplacements forcés, des tirs d’artillerie et des deuils répétés, cette paix se mesure en actes, pas en signatures.
À Washington, les dirigeants scellent un accord. À Goma, la population, elle, retient son souffle.