Des dizaines de milliers de candidats, dont 26 pour la présidence, se lancent officiellement dimanche dans une campagne électorale d'un mois en République démocratique du Congo, dans un climat politique tendu et sur fond de conflit armé dans l'est de l'immense pays.
RDC : début de la campagne officielle, 26 candidats pour la présidentielle
La "pré-campagne" est cependant en cours depuis longtemps.
Les poids-lourds de l'opposition n'ont pas attendu pour aller motiver leurs bases, pendant que le président Félix Tshisekedi, candidat à un second mandat, multipliait les inaugurations et que son équipe vantait son bilan dans de multiples domaines.
Mais la campagne va s'intensifier, avec de grandes réunions populaires, des passages dans les médias, des affiches et flyers...
Félix Tshisekedi lui-même voit les choses en grand dès le premier jour, avec un meeting au stade des Martyrs à Kinshasa, pendant qu'un de ses principaux challengers, Martin Fayulu, va haranguer les foules dans une province voisine.
Le 20 décembre, près de 44 millions d'électeurs inscrits, sur une centaine de millions d'habitants, sont appelés à élire leur président, mais aussi à choisir parmi 25.832 candidats aux législatives, 44.110 candidats aux élections provinciales et 31.234 aux municipales.
Un record, souligne la Commission électorale (Céni), se disant déterminée à organiser les élections en temps et en heure, en dépit des difficultés logistiques dans un pays de 2,3 millions de km2 aux infrastructures très limitées.
"Il y a un agenda politique qui veut des élections dans les délais, mais il y a des doutes sur la capacité technique", relève Trésor Kibangula, analyste politique à l'institut de recherche Ebuteli.
"Sur le plan organisationnel, la Céni n'inspire pas confiance", pense Sylvain Lesoye, un prêtre interrogé dans une commune périphérique de Kinshasa, qui évoque notamment la mauvaise qualité de cartes d'électeurs dont les inscriptions et photos se sont effacés.
- "Perdre mon temps" -
"La Céni sait que c'est un défi qu'elle doit relever, il y va de sa crédibilité", estime de son côté le politologue Jean-Luc Kong. "Ce qui fait peur, c'est la crise dans l'Est", dit-il.
Les violences de groupes armés durent depuis près de 30 ans dans la région, qui connaît un pic de crise avec le retour sur scène d'une ancienne rébellion (le M23), soutenue par le Rwanda voisin, qui s'est emparée de larges pans du Nord-Kivu.
A cause du conflit, deux territoires de la province ne vont pas pouvoir voter normalement, mais si la capitale provinciale, Goma, venait elle-même à tomber, c'est tout le processus qui serait compromis.
Le M23 "ne prendra pas Goma", affirme Félix Tshisekedi, qui avait fait du retour de la paix une priorité, pendant qu'il s'engageait aussi à améliorer le quotidien des Congolais, diversifier l'économie, construire des routes et bâtiments publics, respecter la liberté de la presse et d'expression.
L'ensemble est mitigé, selon les analystes, catastrophique selon l'opposition, qui brosse un tableau très sombre de la situation et crie d'emblée à la fraude organisée.
Outre Martin Fayulu, qui affirme que la victoire lui a été volée en 2018, les principaux candidats de l'opposition sont Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la région minière du Katanga, le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 pour son action en faveur des femmes violées, deux anciens Premiers ministres.
Les représentants de cinq d'entre eux se sont réunis cette semaine en Afrique du Sud, pour étudier l'éventualité d'une candidature commune face au président sortant qui part favori, d'autant plus dans une élection à un seul tour.
Une coalition a été formée et un programme commun adopté, mais par les émissaires de seulement quatre candidats, le camp Fayulu n'ayant pas adhéré au projet.
Sur l'intérêt de voter, les électeurs sont partagés.
Eunice, 20 ans, étudiante en géographie, va voter pour la première fois et se dit "heureuse" de le faire pour le candidat de son choix, dont elle attend qu'il "améliore les conditions de vie".
Ezechiel lui, un autre étudiant de 24 ans en informatique de gestion, est désabusé. Il y aura "la fraude, comme en 2018", lâche-t-il. D'ailleurs, "je n'irai pas perdre mon temps au centre de vote".