Le parlement kényan a approuvé jeudi le déploiement dans le cadre d'une mission soutenue par l'ONU d'un millier de policiers en Haïti, secoué par les violences, malgré les critiques contre ce projet dans le pays d'Afrique de l'Est.
Kenya : le Parlement approuve le déploiement de policiers en Haïti
Ce déploiement reste toutefois suspendu par la Haute cour de Nairobi qui examine à partir de jeudi un recours déposé par un opposant. Selon un juge, Enock Mwita, la Haute cour doit se prononcer sur ce recours le 26 janvier 2024.
Début octobre, le Conseil de sécurité de l'ONU avait donné son feu vert à l'envoi en Haïti d'une mission multinationale menée par le Kenya pour aider la police haïtienne.
Le petit Etat caribéen est en proie à la violence des gangs qui contrôlent 80% de la capitale, le nombre de crimes graves ayant atteint des records, selon la représentante de l'ONU dans le pays.
"Les oui l'emportent", a laconiquement déclaré la vice-présidente du parlement kényan Gladys Boos Shollei après avoir demandé aux élus de se prononcer à voix haute sur l'envoi des policiers.
Avant l'audience de jeudi à la Haute cour de Nairobi, l'opposant qui l'a saisie, Ekuru Aukot, a critiqué le parlement pour avoir initié le vote, accusant les législateurs de "désobéir à une décision de justice". Pour M. Aukot, la mission est inconstitutionnelle car elle ne repose sur aucune loi ou aucun traité.
Mais le chef de la majorité à l'Assemblée nationale, Kimani Ichung'wah, a affirmé que les législateurs n'enfreignaient aucune loi et que le travail de la justice "n’empêchait pas le parlement d'accomplir son mandat constitutionnel".
Si Nairobi a promis un millier de membres de forces de l'ordre, le nombre total et la composition de la force, soutenue par les Etats-Unis, ne sont pas finalisés.
Le Kenya a déjà participé à plusieurs opérations de maintien de la paix dans des pays voisins (RDC, Somalie) et dans d'autres parties du monde (Liberia, Timor oriental, ex-Yougoslavie...).
Le gouvernement kényan essuie de vives critiques depuis l'annonce de sa décision d'envoyer des policiers en Haïti, pays hautement instable et dangereux.
Des ONG de défense des droits humains soulignent que la police kényane a l'habitude de recourir à la force, parfois létale, contre des civils, ce qui constitue un risque majeur dans un pays où de précédentes interventions étrangères ont été marquées par des violations des droits humains.
Ekuru Aukot a enfoncé le clou sur X (ex-Twitter), affirmant que "ce déploiement est une mission suicide pour nos 1.000 policiers".
- "Mission pour l'humanité" -
Selon le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki, le budget global pour le déploiement des policiers pendant un an s'élève à 600 millions de dollars. Nairobi a demandé le 9 novembre que le financement de la mission soit assuré par les Etats membres de l'ONU.
"Nous n'envoyons pas une force d'occupation, nous envoyons une force pour soutenir les structures déjà existantes dans ce pays sur la base de leur demande", avait-il assuré.
Le président William Ruto a quant à lui affirmé qu'il s'agissait d'une "mission pour l'humanité" dans un pays ravagé selon lui par le colonialisme.
Selon la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée en octobre par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et Russie) après de difficiles négociations, cette "mission multinationale de soutien à la sécurité", non onusienne, est créée pour "une période initiale de douze mois", avec une réévaluation au bout de neuf.
La résolution appelait d'autre part la future mission à "prendre les mesures appropriées en matière de gestion des eaux usées" pour empêcher la propagation de maladies.
Une recommandation probablement destinée à rassurer les Haïtiens qui gardent un très mauvais souvenir de la dernière force internationale déployée sur leur territoire.
Des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), présente de 2004 à 2017, avaient en effet apporté le choléra, entraînant une épidémie ayant fait plus de 10.000 morts. Cet épisode explique en partie que la future force ne se fasse pas sous drapeau de l'ONU.