Afrique du Sud : réinventer l'agriculture, sans pesticides ni machines

Un champ en Afrique du Sud   -  
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"Moi je continue à jouer à golf": en ce printemps sud-africain, les motoculteurs de Danie Bester rouillent dans un coin alors que les champs de ses voisins viennent d'être labourés. Dans la fable, Danie pourrait incarner la cigale. Et pourtant.

Danie Bester a en réalité pris une décision radicale pour changer sa façon de faire de l'agriculture, avec des techniques à la fois meilleures pour sa terre et pour le climat.

"Mes semis sont déjà en train de grandir et les mauvaises herbes sont sous contrôle", se félicite-t-il. "Je n'ai donc pas besoin de toute cette énorme préparation que les autres gars sont en train de faire".

Son style d'agriculture a un nom: l'agriculture régénérative. Elle repose sur une idée simple: au lieu d'utiliser des pesticides, des systèmes d'irrigation et un lourd matériel d'outillage agricole, Bester recouvre ses récoltes hors-saison pour garder l'humidité et les nutriments dans le sol. Ce qui écarte aussi les mauvaises herbes.

Il alterne ses cultures et son bétail de saison en saison, laissant les vers de terre faire le travail que les machines font ailleurs. Le bétail paît sur du blé, leur bouse sert de fertilisant aux 1.100 hectares de la ferme, à 90 km au sud-est de Johannesburg.

En retirant une tige plantée dans le sol, on y voit un peu de moisissure et un ver de terre frétillant, tout ce qu'on ne trouve plus dans des fermes qui utilisent des pesticides, selon lui.

Cette technique est peu commune en Afrique du sud, pays doté des fermes les plus industrialisées du continent. La plupart ont recours à de la monoculture intensive fondée sur l'usage de fertilisants chimiques et de pesticides.

Mais les champs de maïs et de soja de Danie Bester sont parmi les plus cotés du pays et lui valent des récompenses nationales qui, espère-t-il, inspireront d'autres agriculteurs à franchir le pas.

En Afrique du sud, le climat se réchauffe deux fois plus vite qu'ailleurs dans le monde, selon les experts, ce qui implique que les changements dans l'agriculture sont cruciaux.

"Alors que sur le plan mondial, on va dépasser 1,5 degré Celsius, nous, nous serons à +3 degrés. Cela va entraîner une pression majeure pour le système alimentaire mondial", estime un militant du Mouvement de la charte pour une justice climatique, Vishwas Satgar.

Dans un pays sec, une irrigation à grande échelle n'est pas une option viable.

Les champs de Danie Bester sont d'ailleurs fertiles sans irrigation.

"A l'avenir, il va y avoir des défis qui ne seront pas résolus avec l'agriculture chimique", prédit Peter Johnston, un scientifique spécialiste du climat à l'université du Cap.

Dans toute l'Afrique, de petits agriculteurs ont recours à des pratiques traditionnelles qui ont un moindre impact sur l'environnement.

- "Regarder très loin l'avenir" -

Mais avec une réelle pression pour améliorer les récoltes pour répondre à la hausse de la démographie, les agriculteurs sont encouragés par les entreprises agro-chimiques à utiliser des graines qui nécessitent des pesticides et des fertilisants, souligne M. Johnston.

Ces méthodes peuvent résister au changement climatique mais elles ont un coût.

"L'agriculture industrielle fonctionne comme si le sol n'était plus une ressource, mais comme un simple réceptacle pour planter", estime-t-il. "Ce n'est pas une perspective holistique de l'agriculture, comme cela devrait l'être".

Au fil du temps, ces techniques impliquent que la terre laisse moins de moisissure et produit moins de récoltes nutritives, juge M. Johnston.

"Il faudrait retrouver une terre telle qu'elle était il y a une centaine d'années. Nous avons tout détruit", estime Danie Bester. "Plus la terre sera saine pendant longtemps et plus nous pourrons produire de la nourriture pendant longtemps".

Mais les changements ne se produisent pas en un clin d'oeil. Bester a passé des années à tester la qualité de sa terre et à apprendre de ses erreurs.

Le bénéfice n'est pas seulement la qualité de ses champs, explique-t-il, c'est aussi l'assurance que sa terre sera encore fertile pour ses deux jeunes enfants. "Il faut vraiment regarder très loin l'avenir pour être sûr de prendre les bonnes décisions", estime-t-il.

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