Le parti islamiste PJD, à la tête du gouvernement marocain depuis une décennie, a essuyé une défaite historique lors des élections législatives au profit de partis considérés comme proches du palais royal.
Maroc : démission collective au PJD
A l'issue du scrutin de mercredi, le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste modéré) s'est effondré, passant de 125 sièges dans l'assemblée sortante à 12, a indiqué jeudi le ministre de l'Intérieur Abdelouafi Laftit.
Selon des résultats provisoires, après dépouillement de 96% des bulletins, le PJD arrive loin derrière ses principaux rivaux, le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti Authenticité et Modernité (PAM), tous deux de tendance libérale, et le vieux Parti de l'Istiqlal (centre-droit), qui ont totalisé respectivement 97, 82 et 78 sièges (sur 395).
Résultat: la direction du parti a pris "toute sa responsabilité politique" et présenté sa démission jeudi après-midi, y compris le secrétaire général et chef du gouvernement sortant, Saad Eddine El Othmani. Ce dernier n'a pas été réélu député dans sa circonscription à Rabat.
Le PJD va désormais basculer dans l'opposition, sa "position naturelle", selon un communiqué de cette formation.
"Une nouvelle séquence s'ouvre avec des partis qui ne contestent pas les fondements du pouvoir et ont une proximité avec le roi", a déclaré à l'AFP le politologue Mustapha Sehimi.
Ainsi, le RNI, qui appartenait à la coalition gouvernementale, est dirigé par un homme d'affaires fortuné, Aziz Akhannouch, décrit comme proche du palais.
Et le PAM, principale formation de l'opposition, a été fondé par l'actuel conseiller royal, Fouad Ali El Himma, en 2008, avant qu'il n'en démissionne en 2011.
L'ampleur de la défaite des islamistes est inattendue. Malgré l'absence de sondages, médias et analystes pensaient que le PJD figurerait dans le peloton de tête.
Longtemps cantonné dans l'opposition, le PJD espérait briguer un troisième mandat consécutif à la tête de l'exécutif.
- Nouvelle ère -
Il reviendra au roi Mohammed VI de nommer le nouveau chef du gouvernement, issu du parti arrivé en tête.
M. Akhannouch, président du RNI, est le favori pour succéder à Saad-Eddine El Othmani.
Les résultats définitifs devraient être connus dans les prochaines heures.
Le taux de participation a atteint 50,35% au niveau national, selon le ministère de l'Intérieur, contre seulement 43% lors des législatives de 2016. Aux dernières élections locales en 2015, il était de 53%.
C'est la première fois que les quelque 18 millions d'électeurs choisissaient leurs députés le même jour que leurs représentants communaux et régionaux. Ce qui a réduit l'abstention.
En 2011, le Maroc s'est doté d'une nouvelle Constitution accordant de larges prérogatives au Parlement et au gouvernement. Toutefois, les décisions dans des secteurs clés relèvent du roi.
Les islamistes ont fait état de "graves irrégularités" dans ce scrutin, citant "la distribution obscène d'argent" à proximité de bureaux de vote.
Les opérations de vote se sont déroulées "dans des circonstances normales", a assuré M. Laftit.
La fin de la courte campagne électorale, marquée par l'absence de grands meetings pour cause de Covid-19, avait été empoisonnée par des accusations d'achat de voix.
- "Incompréhensibles" -
Ministre de l'Agriculture depuis 2007, M. Akhannouch, à la tête d'une des premières fortunes du Maroc, a déjà joué un rôle clé dans le précédent gouvernement, son parti du RNI occupant des portefeuilles importants comme l'Economie et les Finances ou l'Industrie.
Jeudi, il a salué "une victoire pour la démocratie" et "une expression explicite de la volonté populaire pour le changement".
Sonné, le PJD, a qualifié les résultats du scrutin d'"incompréhensibles, illogiques et ne reflétant pas la position du parti sur l'échiquier politique".
Autre aspect inédit: pour la première fois depuis les premières élections au Maroc (1960), la répartition des sièges à la Chambre des représentants était calculée sur la base du nombre d'électeurs inscrits et non de votants.
La compétition électorale a été caractérisée par l'absence de polarisation bien définie sur les choix politiques.
Après le scrutin, les partis politiques seront invités à adopter "un pacte" découlant d'un "nouveau modèle de développement", qui préfigure une "nouvelle génération de réformes et de projets", comme l'a promis récemment Mohammed VI.