Alors que le sentiment anti-français grandit en Afrique de l'Ouest, sur la corne du continent les Américains ne sont pas non plus mieux lotis. La guerre d'influence des puissants Etats à laquelle est rattachée des intérêts économiques et stratégiques en Afrique est en train d'être compromise par un invité surprise, la Russie.
Ces pays africains qui courtisent la Russie de Vladimir Poutine
Pourquoi les drapeaux russes sont-ils de plus en plus présents lors des manifestations en Afrique ? D'abord au Mali puis à Addis-Abeba en seulement une semaine. Dimanche 30 mai, les Ethiopiens s'étaient rassemblés en grand nombre dans la capitale pour dénoncer l'ingérence des Etats-Unis dans les affaires internes de leur pays. Washington a imposé des restrictions en matière d'assistance économique et sécuritaire, des sanctions en lien avec le conflit dans la région du Tigré. L'administration Joe Biden a parallèlement annoncé des restrictions de visa pour des responsables érythréens et éthiopiens accusés d'avoir attisé le conflit. Des sanctions qui ont suscité la colère des Ethiopiens :
L'Ethiopie n'a pas besoin d'aide à domicile, non à "l'intervention occidentale"."On ne se soumettra pas", avait déclaré Adanech Abiebe, le maire d'Addis Abeba, devant des milliers de personnes. Dans ce stade d'Addis surchauffé, des pancartes du président russe Vladimir Poutine et du président chinois Xi Jiping se comptaient par dizaines.
"La partie où les manifestants en Éthiopie mentionnent la Chine est remarquable car Pékin est un acteur majeur de l'économie éthiopienne, accordant des prêts et construisant des zones économiques spéciales. Ils voient la Chine comme une alternative", explique Ovigwe Eguegu, analyste politique basé à Abuja, au Nigeria.
Manifestation à Bamako
Bien avant la manifestation d'Addis-Abeba, Jeudi, 27 mai à Bamako, plusieurs personnes s'étaient données rendez-vous à une marche de soutien aux forces armées de défense et à son Colonel Assimi Goïta. Les drapeaux russes ont fait leur apparition lors de cette manifestation. La Russie, qui avait jusque-là un rôle plutôt limité en Afrique avant son intervention en 2017 en République centrafricaine, était adulée par la foule. Des pancartes hostiles à la présence des troupes françaises ( 5120 soldats en 2020) étaient présents à cette marche : "Il y a une dimension historique au fait que le sentiment anti-français grandit au Mali et dans presque toute l'Afrique de l'Ouest ......Mais les manifestants comprennent également que le colonel Goïta [chef de la junte malienne] manque de soutien international essentiel dont il a besoin pour se maintenir au pouvoir et qu'il ne peut pas compter sur le soutien de la CEDEAO ou de Paris. C'est pourquoi la Russie entre en jeu", a déclaré Eguegu .
Assimi Goïta joue les Russes
La Russie a envoyé des conseillers militaires et des mercenaires à Bangui pour former les soldats centrafricains et protéger les hauts responsables du gouvernement. Les événements ont secoué Paris, qui s'inquiétait de la perte de son influence dans ce pays en crise. Mais selon Eguegu, la junte malienne fait également preuve d'opportunisme : _"les Maliens comprennent que les Russes et les Français sont des rivaux dans la région. Les Maliens le voient et veulent tirer parti de cette rivalité et entraîner la Russie dans cette guéguerre afin d'utiliser son influence pour s'assurer que Goïta ait cette influence internationale dont il a si désespérément besoin pour réaliser son programme. _
Les guerres de désinformation française et russe
La manifestation de Bamako n'est que l'un des derniers épisodes en date d'une lutte d'influence acharnée en Afrique centrale et occidentale entre les deux puissances. En décembre 2020, Facebook a déclaré avoir retiré de ses plateformes plus de 500 comptes, pages et groupes provenant de Russie et de France et visant 13 pays africains, dont le Mali.Les autres pays étaient la République centrafricaine, la Tunisie, la Libye, le Niger, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso. Selon Facebook, ses comptes de désinformation français avaient des liens avec l'armée française.
La lutte contre l'impunité
Pour beaucoup si certains pays du continent ne cachent plus leur grand amour pour la Russie, la Turquie et la Chine c'est aussi parce qu'ils veulent se mettre à l'abri de certains regards indiscrets en matière des droits de l'Homme et du respect du principe démocratique.
De plus, sur le plan économique la Chine est accusée de prêter sans compter aux pays africains en dépit de certaines règles, ce qui n'est pas sans conséquence. La Chine détient la majeure partie des dettes des pays Africains, ce qui impacte des accords avec le Fonds monétaire international.