Africanews célèbre ses 5 ans cette semaine, et que de chemin parcouru. A cette occasion, nous revenons sur la marche du monde lors des cinq dernières années, tout en nous projetant vers l'avenir. Vera Songwe, économiste et secrétaire exécutive de la Commission économique pour l'Afrique, répond à nos questions.
Entretien avec Vera Songwe : la volonté de croissance africaine
Vous avez déclaré récemment que les pays africains doivent définir leurs modèles de développement. Faut-il penser qu’il n’y a pas eu de progrès dans ce sens ces cinq dernières années ?
A chaque fois qu'on parle de l'Afrique, j’ai l'impression qu'on parle d'un ensemble monolithique alors qu’il y a plus de 50 pays. On a eu beaucoup de progrès. Des pays ont adopté cette économie de l'information, surtout en Afrique de l'Est. On a eu beaucoup de progrès au Kenya, en Ouganda et en Éthiopie. Mais aussi dans des pays comme le Cap-Vert, dans des petits pays, dans des îles. Nous avons aussi vu pour l'industrialisation de pays comme le Maroc, grâce la diversification de son économie.
En 2020, la Covid-19 a eu un impact certain sur les économies. A quoi faut-il s'attendre cette année alors que la pandémie ne semble donner aucun signe d'essoufflement et que les économies sont mises à rude épreuve ?
On peut d'abord célébrer la résilience des économies africaines parce que nous n'avons pas vu d’effondrement total. Les pays s'en sortent. Avant nous avions un taux de croissance de 3,2 % et tout le monde sait que l'Afrique a besoin d'un taux de croissance entre 8 % et 10%. Il faudrait remettre un peu plus de force sur la relance. A la commission économique pour l'Afrique, nous militons pour une relance verte, une relance un peu plus soutenable de l'économie. Des études montrent qu’avec une relance plus verte, une relance industrielle verte, nous pouvons créer 450% plus d'emplois en Afrique du Sud, 320% plus d'emplois en République démocratique du Congo (RDC). Il faudrait travailler sur cette relance verte pour ramener à une croissance avoisinant les 7%.
Pour les cinq prochaines années, de quoi l'Afrique aura-t-elle besoin pour se relancer, être plus résiliente et plus verte ? Quels seront les leviers à actionner ?
Le seul moyen d'ouvrir nos économies, de l'ouvrir paisiblement, c'est vacciner 60 % de nos populations. Nous espérons que tout Africain qui aura accès aux vaccins le prendra, parce que c'est très important. Il faut que les facilitateurs donnent l'accès à l'énergie. Pas l'accès à l'énergie pour chaque maison, mais l'accès à l'énergie pour l'industrialisation du continent. Nous devons renforcer cette capacité humaine et créer des capacités pour nos jeunes pour non seulement utiliser les technologies de l'information, mais d'en créer et devenir eux-mêmes des capitaines d'industrie dans les domaines de la technologie de l'information.
Donc tout d’abord le vaccin, ensuite des infrastructures, des routes, des énergies. Il faut également profiter de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) pour ouvrir nos économies. Il faut renforcer les chaînes de valeur régionale pour ajouter de la valeur sur le continent avant l'exportation. Et, bien évidemment, renforcer la capacité humaine de nos jeunes.