2017 Cameroun : la paix et l’unité en péril

Les Camerounais repartent sur de nouvelles bases pour mieux aborder l’année 2018 qui ne vient que de commencer. Mais, à quoi a ressemblé leur pays l’année dernière ?

Boko Haram, l’ennemi le plus familier

« L’année s’achève dans un contexte difficile au Cameroun », a déclaré le 31 décembre, le chef de l’État camerounais dans son message des vœux de Nouvel An. Paul Biya semble avoir trouvé le qualificatif juste pour décrire

2017.

Une année difficile, en raison d’une situation sécuritaire mise à mal par Boko

Haram. Attentats-suicides, attaques armées, prises d’otages,... La secte islamiste a encore frappé sévèrement le Cameroun en 2017. Près de 200 Camerounais, civils et militaires auront péri l’année dernière du fait des actes de Boko Haram. Comme en témoigne l’attaque des 29 et 30 octobre ayant fait près de onze morts à Gouderi, un village de Kolofata, au nord du pays.

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Mais, le Cameroun n’a pas fait que se défendre. La secte a aussi subi

de lourdes défaites. Grâce à une opération préparée depuis de longs mois, les forces armées camerounaises ont pu libérer plus de 5000 otages. Plus de 60 membres de Boko Haram seront tués et 21 autres seront arrêtés en mars.

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Des efforts toutefois entamés par des critiques de la part des ONG de

défense des droits de l’homme. En septembre, Amnesty International par exemple faisait état de l’expulsion « forcée » de plus de 100 000

Nigérians réfugiés au Cameroun pour échapper aux exactions de Boko

Haram.

Et comme tout conflit, Boko Haram a eu son lot de complices ou de boucs-émissaires. Ahmed Abba, est de ceux qui en feront les frais. En avril, le correspondant de RFI en langue Haoussa est condamné à 10 ans d’emprisonnement pour “non-dénonciation d’actes de terrorisme et blanchiment d’actes de terrorisme”. Il sera libéré en décembre. Mais, d’autres personnes prises en flagrant délit ou soupçonnées, sont toujours derrière les barreaux et attendent leurs jugements.

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Entré en guerre contre Boko Haram en 2014, le Cameroun a déjà perdu plus de “2000 civils et militaires” et “un millier de personnes” enlevées dans l’Extrême-Nord du pays, selon le centre d’analyse et de prévention des conflits International Crisis Group (ICG).

Le pays de Paul Biya a ainsi vécu pour la troisième année consécutive dans la hantise d’une déstabilisation sécuritaire de Boko Haram. Mais, grâce à la Force multinationale mixte ou encore à un financement japonais de 6,21 millions de dollars, les forces de défense ont su riposter face à la secte islamiste.

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« La République d’Ambazonie » couvée par la chaleur sécessionniste de l’ouest

Or, personne ne voyait venir une autre menace. Pas contre la paix, plutôt contre l’unité. Débutées en novembre 2016, les revendications sécessionnistes des ressortissants de l’ouest anglophone vont se multiplier tout au long de 2017. Au centre des préoccupations, la réduction de la fracture infrastructurelle et la représentativité équitable dans les institutions par rapport aux autres régions du pays. Les dialogues initiés par Yaoundé ne suffiront pas à faire baisser la tension.

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Et pour étouffer dans l’œuf, une partition à venir, le gouvernement camerounais va passer à la vitesse supérieure. Les arrestations, les procès, les restrictions de libertés et les pressions sur les médias n’auront aidé qu’à la radicalisation des indépendantistes qui avaient un plan bien ficelé, parachevé par la proclamation de la «République d’Ambazonie». Un État « mort né », puisque l’Ambazonie ne verra jamais le jour en raison des mesures plus drastiques dont les couvre-feux.

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Une victoire gouvernementale qui a coûté la vie à plusieurs habitants des zones anglophones et à des éléments de la Force publique suite aux assauts contre des commissariats de police et des heurts avec les manifestants.

Mais, si l’Ambazonie a été étouffée dans l’œuf des sécéssionnistes, la question anglophone s’est tout de même invitée dans le débat politique. En mars, le SDF (Social Democratic Front) se prononçait pour le fédéralisme afin de résorber la crise anglophone. Comme au début des années 60 avant l’unité des deux Cameroun en 1980. Et face à « l’indifférence » de l’Assemblée nationale, c’est au tour des députés de l’opposition de frapper du poing sur la table. Les séances consacrées à l’examen et l’adoption du budget seront suspendues à deux reprises en novembre par l’opération « boycott » afin de contraindre le Parlement et les autres institutions à mener des réflexions « sérieuses » sur la crise anglophone.

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C’est peut-être cette année que sera examinée la question anglophone, puisque dans son message des vœux de Nouvel An, le chef de l’État camerounais a déclaré poursuivre le dialogue avec l’élite anglophone.

L’économie plombée par la crise

Or, si le développement économique est en grande partie tributaire de la paix et de la stabilité, l’économie camerounaise pourtant réputée être la plus dynamique de la zone CEMAC et même de la CEEAC, a battu de l’aile en 2017. Le taux de croissance qui était prévu à 4 % a été revu à la baisse par le FMI à 3,7 %. Une baisse apparemment insignifiante, mais, que l’institution financière internationale impute à plusieurs facteurs dont la chute du cours des matières premières et l’impact de la crise anglophone et de la lutte contre Boko Haram.

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Mais, face à cette récession, les Camerounais ont comme d’habitude, fait preuve d’esprit d’initiative. Plus que ses voisins de la CEMAC et de la CEEAC, le Cameroun aura enregistré au cours de 2017 une émergence d’un nombre important de startups dont le cardiopad. L’industrialisation étant le moteur du développement, les Camerounais ont produit l’année dernière leurs premiers bus fabriqués sur place par des ingénieurs fils du pays. Et c’était l’unique initiative du genre dans la sous-région. Mais, qui sait si les Camerounais se montreront davantage créatifs en 2018 pour renforcer la diversification et donc le développement de leur économie ?

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Sport : le réveil d’un lion longtemps endormi

Jouée derrière la maison, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) du Gabon a souri aux Lions indomptables. Le dernier sacre de l’équipe nationale du Cameroun dans la compétition remonte à 2002. Après cette année, les Lions indomptables ont multiplié des déconvenues lors des CAN. Mais, c’est à deux minutes de la fin du temps réglementaire que Vincent Aboubacar marque le deuxième but après avoir brûlé la politesse à l’axe défensif égyptien par un magnifique lob d’aile de pigeon. Longtemps endormis, les Lions indomptables rugissaient de nouveau sur le toit de l’Afrique.

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Russie 2018 : route barrée pour les Lions, menaces de la CAF

Le bonheur procuré par la CAN n’aura été que de courte durée. En cause, l’élimination de l’équipe nationale lors des éliminatoires de la Coupe du monde qui aura lieu en été prochain en Russie. Pourtant, depuis 2002, le Cameroun faisait toujours partie des invités au grand événement planétaire du football.

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Mais, ce n’est pas l’unique flop de 2017. La même année celui qui faisait la fierté du Cameroun dans l’univers footballistique du continent venait de quitter la présidence de la CAF. Président de l’institution depuis 1988 en remplacement de l’Ethiopien Thessema, Issa Hayatou avait été battu lors d’une élection très serrée par le Malgache Ahmad Amad.

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Et l’ancien président de la fédération malgache de football ne tardera pas à menacer de retirer au Cameroun l’organisation de la CAN 2019 à cause « du retard pris dans la construction et la réhabilitation » des infrastructures. Le jeu de ping-pong entre CAF et FECAFOOT ne sera stoppé que par le Président Biya en personne qui avait rassuré que le pays était fin prêt et pouvait organiser la compétition même « demain ».

Des affaires à polémique

Mais, difficile de revisiter 2017 sans se souvenir des affaires à polémique. Si les autorités sont convaincues que Monseigneur Jean-Marie Benoît Bala, 58 ans, évêque de

Bafia (centre) s’était noyé dans le fleuve Sanaga, le clergé camerounais pense à un assassinat. La plainte déposée par l’Église catholique pour « assassinat » attend d’être examinée. Par ailleurs, malgré les indemnisations dont une enveloppe spéciale 1 700 000 dollars débloqués par Paul Biya pour « une assistance complémentaire aux

victimes » de la catastrophe ferroviaire d’Eseka du 21 octobre 2016 continuent d’alimenter des polémiques parmi les Camerounais.

Et demain ?

Echecs et succès, joies et tristesses,….Un bilan de 2017 presque mitigé pour le Cameroun dans tous les domaines ou presque. Les élections de l’année 2018 dépendront en grande partie d’une remise en cause significative de la gouvernance. Surtout que plusieurs dossiers dont la crise anglophone n’ont pas été épluchés l’année dernière.
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