Tanzanie : réélue, Samia Suluhu Hassan met en garde les manifestants

La présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, Iringa, en Tanzanie, le 5 octobre 2025. (Photo AP)   -  
Copyright © africanews
Copyright 2025 The Associated Press. All rights reserved

La présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan a remporté l’élection contestée du pays avec plus de 97 % des voix, selon les résultats officiels annoncés tôt samedi, une victoire écrasante rare dans la région.

Hassan est apparue lors d’une cérémonie dans la capitale administrative, Dodoma, pour recevoir le certificat de victoire des autorités électorales. Dans son discours, elle a déclaré que le résultat montrait que les Tanzaniens avaient massivement voté pour une femme dirigeante.

Après l’élection, elle a ajouté : « Il est temps d’unir notre pays et de ne pas détruire ce que nous avons construit depuis plus de soixante ans. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires et impliquerons toutes les agences de sécurité afin d’assurer la paix dans le pays. »

Hassan a accédé au pouvoir en 2021. En tant que vice-présidente, elle avait automatiquement succédé à John Pombe Magufuli, décédé quelques mois après le début de son second mandat.

Le résultat risque de renforcer les préoccupations des critiques, des groupes d’opposition et d’autres observateurs, qui affirment que cette élection n’était pas une véritable compétition, mais une couronnement, après que les deux principaux rivaux de Hassan ont été écartés ou empêchés de se présenter. Elle faisait face à 16 candidats issus de petits partis.

L’élection du 29 octobre a été marquée par des violences lorsque des manifestants sont descendus dans les rues des grandes villes pour protester contre le scrutin et tenter d’empêcher le comptage des voix. L’armée a été déployée pour aider la police à réprimer les émeutes. La connectivité Internet a été intermittente dans le pays d’Afrique de l’Est, perturbant les déplacements et d’autres activités.

Les protestations se sont étendues à travers la Tanzanie, et le gouvernement a reporté la réouverture des universités, initialement prévue pour le 3 novembre.

Une calme tendu régnait samedi dans les rues de Dar es Salaam, la capitale économique. Les forces de sécurité, postées à des barrages routiers, demandaient à voir les cartes d’identité des passants.

Les autorités tanzaniennes n’ont pas précisé combien de personnes ont été tuées ou blessées lors des violences. Un porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Seif Magango, a déclaré vendredi à Genève, lors d’un point de presse en visioconférence depuis le Kenya, que 10 morts avaient été signalés à Dar es Salaam ainsi que dans les villes de Shinyanga et Morogoro.

Tundu Lissu, dirigeant du parti d’opposition Chadema, est emprisonné depuis plusieurs mois, inculpé de trahison après avoir réclamé des réformes électorales qu’il jugeait nécessaires pour des élections libres et équitables. Un autre opposant, Luhaga Mpina du parti ACT-Wazalendo, a été interdit de candidature.

Pour le parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), l’enjeu était de maintenir sa mainmise de plusieurs décennies sur le pouvoir, alors que de nouveaux leaders charismatiques de l’opposition espéraient initier un changement politique.

Une victoire aussi écrasante est sans précédent dans la région — seuls des dirigeants autoritaires comme Paul Kagame, président du Rwanda, remportent régulièrement des scores similaires.

Amnesty dénonce la répression des manifestations

Les organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, ont mis en garde contre un schéma de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et d’exécutions extrajudiciaires avant le scrutin.

En juin, un groupe d’experts de l’ONU sur les droits de l’homme a signalé plus de 200 cas de disparitions forcées depuis 2019, affirmant être « alarmé par un schéma de répression » à l’approche des élections.

Selon l’International Crisis Group, Hassan a supervisé « une répression sans précédent contre les opposants politiques ». Le gouvernement aurait restreint la liberté d’expression, allant d’une interdiction du réseau X (anciennement Twitter) et de restrictions sur la plateforme tanzanienne JamiiForums à la silenciation des voix critiques par la peur ou l’arrestation.

Les manœuvres politiques des autorités tanzaniennes sont remarquables, même dans un pays où le parti unique domine la vie politique depuis l’instauration du multipartisme en 1992.

Les critiques du gouvernement soulignent que les anciens dirigeants toléraient une certaine opposition tout en maintenant un contrôle strict du pouvoir, tandis que Hassan est accusée d’adopter un style autoritaire qui va à l’encontre des mouvements démocratiques dirigés par la jeunesse ailleurs dans la région.

Une version du parti au pouvoir CCM, lié au Parti communiste chinois, dirige la Tanzanie depuis son indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni en 1961 — une continuité que Hassan prolonge avec cette victoire.

Le CCM est étroitement imbriqué dans l’appareil d’État, contrôlant de fait les forces de sécurité et structuré de manière à faire émerger de nouveaux dirigeants tous les cinq à dix ans.

Les transitions ordonnées au sein du CCM ont longtemps entretenu la réputation de la Tanzanie comme havre de stabilité politique et de paix relative, une des raisons du large soutien dont le parti bénéficie à travers le pays, surtout parmi les populations rurales.

Voir sur Africanews
>