Au nord du Mozambique, la province de Cabo Delgado est à nouveau le théâtre d’exactions d’une extrême gravité.
Mozambique : au moins 120 enfants enlevés par des djihadistes
Selon l’organisation Human Rights Watch (HRW), au moins 120 enfants ont été enlevés ces dernières semaines par un groupe armé affilié à l’État islamique, connu localement sous le nom d’al-Shabab (sans lien avec le groupe somalien homonyme).
Ces enfants, enlevés lors de raids menés dans des villages reculés, sont contraints de transporter des biens pillés, d’effectuer des travaux forcés, de combattre dans les rangs des insurgés ou encore d’être mariés de force. Certains d’entre eux ont été relâchés, mais le nombre exact de ceux toujours retenus en captivité demeure inconnu, a précisé Ashwanee Budoo-Scholtz, directrice adjointe pour l’Afrique chez HRW.
Crimes de guerre et tragédie silencieuse
Dans un communiqué publié mardi, HRW qualifie ces actes de crimes de guerre et alerte sur une résurgence inquiétante de la violence dans la région. En mars, six enfants avaient déjà été enlevés pour transporter du butin, dont seulement quatre avaient été libérés. Le 11 mai dernier, huit autres enfants — six filles et deux garçons — ont été capturés lors d’un raid dans le district de Muidumbe. Trois filles, dont la plus jeune était âgée de 12 ans, ont été tuées lors de cette attaque, a précisé l’UNICEF, qui s’est déclaré "profondément préoccupé".
Un conflit qui dure depuis 2017
Depuis 2017, Cabo Delgado est en proie à une insurrection islamiste qui a fait au moins 6 000 morts, dont 2 500 civils. Plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées selon l’ONU, et la violence ne cesse de s’étendre aux provinces voisines. En 2021, des combattants affiliés à l’État islamique ont mené une attaque de plusieurs jours contre la ville portuaire de Palma, provoquant un exode massif des habitants.
Malgré la présence de troupes étrangères venues notamment du Rwanda, d’Afrique du Sud et d’autres partenaires régionaux, les forces gouvernementales mozambicaines peinent à contenir l’insécurité. Le silence des autorités et l’isolement géographique de la région contribuent à la méconnaissance et à la sous-médiatisation de la crise.
Région marginalisée et exposée
Riche en ressources gazières, Cabo Delgado aurait pu devenir un pôle de développement stratégique. Pourtant, les violences persistantes ont contraint des entreprises comme TotalEnergies à suspendre leurs projets. Les cyclones récents et la réduction de l’aide internationale, notamment sous l’administration Trump, ont aggravé une situation humanitaire déjà dramatique.
Le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, Jan Egeland, s’est récemment rendu sur place et a qualifié la région de « crise oubliée ». Selon son organisation, plus de 5 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, dont près d’un million dans des conditions d’urgence.
Appel à l’action
Face à cette tragédie qui se joue dans l’indifférence quasi générale, Human Rights Watch appelle les autorités mozambicaines à intensifier leurs efforts pour localiser les enfants enlevés, renforcer la protection des civils et prévenir de nouvelles exactions.
Dans une région où l’espoir est constamment miné par la peur, les enfants de Cabo Delgado continuent de payer le prix d’un conflit sans fin.