L'Union européenne ne parvient pas à développer des moyens de dissuader les migrants africains de partir pour l'Europe sans autorisation et pourrait faire davantage pour limiter les abus à l'encontre des personnes qui tentent de faire le voyage, a averti mercredi l'organe de surveillance financière de l'UE.
L'UE "inefficace" face aux migrants d'Afrique, selon la Cour des comptes
Ces conclusions figurent dans un rapport de la Cour des comptes européenne sur le Fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique, un programme de plusieurs milliards d'euros mis en place à la hâte en 2015 après l'arrivée sur les côtes européennes de plus d'un million de migrants, dont beaucoup fuyaient la guerre en Syrie, et qui ont submergé les services en Italie et en Grèce.
Il était censé aider à s'attaquer aux causes profondes de la migration en Afrique, comme la pauvreté, les conflits ou le chômage. Au départ, 1,8 milliard d'euros (2 milliards de dollars) étaient disponibles pour être distribués à des centaines de projets, mais ce montant a gonflé pour atteindre environ 5 milliards d'euros (5,6 milliards de dollars) aujourd'hui.
Le fonds est géré par la Commission européenne, le puissant organe exécutif de l'UE.
"Malgré les leçons apprises, la Commission n'est toujours pas en mesure d'identifier et de communiquer les approches les plus efficaces pour réduire l'immigration irrégulière", a déclaré à la presse Bettina Jakobsen, auditeur principal de l'UE dans le cadre de l'enquête. Mme Jakobsen a déclaré que la Commission devrait "cibler l'aide de manière plus approfondie sur ce qui est réellement urgent et nécessaire dans des zones et des pays spécifiques".
Elle a également déclaré que "les risques en matière de droits de l'homme n'ont pas été correctement pris en compte par la Commission et qu'il existe des faiblesses dans l'exactitude et la durabilité des résultats rapportés". En outre, Bruxelles "ne disposait pas de procédures adéquates pour l'enregistrement et le suivi des allégations de violations des droits de l'homme".
Les auditeurs avaient connaissance de dix agents ayant signalé d'éventuelles violations des droits de l'Homme dans différentes régions d'Afrique, mais la commission n'avait enregistré qu'une seule allégation. Les auditeurs n'ont pas pu déterminer si ce cas avait fait l'objet d'un suivi.
L'utilisation du fonds en Libye - l'un des principaux points de départ pour les personnes qui tentent désespérément de traverser la Méditerranée pour se rendre en Europe - était également un point important du rapport.
Un enquêteur nommé par les Nations unies a déclaré que l'aide de l'Union européenne au service des migrations et aux garde-côtes libyens "a aidé et encouragé la commission de crimes", y compris de crimes contre l'humanité. La Commission rejette cette allégation.
Les auditeurs ont mis en garde contre des failles dans l'utilisation des fonds et des équipements destinés à améliorer la surveillance maritime et à réduire le nombre de morts en mer en Libye. L'Organisation internationale pour les migrations estime qu'environ 30 000 personnes sont mortes ou portées disparues en essayant de traverser la Méditerranée depuis 2014.
Le rapport indique que les équipements financés par l'UE "pourraient être utilisés par des acteurs autres que les bénéficiaires prévus", ou que le personnel libyen formé par les Européens "pourrait ne pas s'engager à respecter le principe de ne pas nuire". Les bénéficiaires des fonds pourraient également refuser d'autoriser les observateurs à vérifier l'utilisation qu'ils font de l'argent.
En décembre, les auditeurs ont visité le site d'un centre de coordination des secours maritimes sur la côte libyenne. En 2017, l'Italie a été chargée d'aider les Libyens à le mettre en place. Des millions d'euros ont été affectés à cette tâche et des conteneurs de matériel ont été envoyés, mais sept ans plus tard, le centre n'est toujours pas opérationnel. En vertu des règles internationales régissant la sécurité de la vie en mer - règles reconnues et acceptées par l'UE - la Libye doit disposer d'un tel centre et le doter d'un personnel permanent. Entre-temps, l'Italie a essentiellement coordonné les efforts déployés dans les eaux libyennes, en décidant quels navires devaient intervenir en cas d'urgence.
Pour sa part, la Commission a accepté pour l'essentiel les recommandations du rapport sur la manière d'améliorer les choses.
Elle a reconnu "qu'il est nécessaire de renforcer sa capacité à identifier et à atténuer les risques, notamment en définissant des activités spécifiques ou des indicateurs de résultats dans les secteurs à haut risque pour les droits de l'homme. Pour ce faire, elle fournira des documents d'orientation et des formations sectorielles plus détaillés".
La Commission a souligné que, depuis l'année dernière, le Fonds a contribué au retour volontaire de 73 215 migrants dans leur pays d'origine. Au cours du premier semestre 2023, 11 087 emplois ont été créés ou soutenus, principalement en Guinée et au Sénégal, tandis que 23 266 personnes ont bénéficié d'une formation professionnelle.