Des heurts ont opposé jeudi à Conakry les forces de sécurité à des groupes de jeunes réclamant de l’essence dans les stations-service, dont l'approvisionnement est suspendu provisoirement par les autorités depuis l'explosion et l'incendie meurtriers du principal dépôt d'hydrocarbure de Guinée.
Guinée : tensions et manque d'essence à Conakry après l'incendie
Le chef des militaires au pouvoir en Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya, a annoncé un deuil national de trois jours, à partir de jeudi, en hommage aux 18 personnes tuées et aux plus de 200 blessés lors de l'explosion et l'incendie dans la nuit de dimanche à lundi dans le centre-ville de Conakry, qui ont laissé des centaines de ménages sinistrés, entraîné d'importants dégâts matériels et continuent de paralyser en partie l'économie du pays.
Le gouvernement a annoncé la reprise de l'approvisionnement en gasoil, mais la distribution d'essence reste coupée et la restriction des camions-citernes est maintenue.
Des affrontements ont opposé sporadiquement jeudi après-midi des groupes de jeunes mobiles jetant des pierres, à des forces de défense massivement déployées, qui ont riposté en tirant du gaz lacrymogène, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des centaines de jeunes, cagoulés ou masqués pour la plupart, ont barricadé la route menant des périphéries de Conakry au centre de la capitale, notamment dans les quartiers de Sonfonia, Wanindara, Kagbelen, Koloma et Hamdallaye.
Ils ont érigé des barricades, renversé des poubelles et brûlé des pneus.
En Guinée, beaucoup de jeunes vivent des courses en moto-taxi.
Ils exigent la réouverture des stations services pour tous les types de carburant.
"On ne peut vendre du gasoil et nous priver d’essence. La plupart des Guinéens n’utilisent que de l’essence", scandent des protestataires.
"Nous sommes aussi des citoyens à part entière, nous voulons travailler pour manger et nourrir nos familles, comme les autorités. Nous n’avons pas où puiser de l’argent. Nous voulons simplement que le gouvernement s’acquitte de ses obligations. Sinon, qu’il dégage", a déclaré à l'AFP l'un d'entre eux.
D'autres manifestations pour exiger de l'essence ont eu lieu dans la matinée.
Les rares automobilistes qui ont emprunté cette route jeudi ont été obligés de faire demi-tour sous la menace des manifestants.
Par ailleurs, des ONG se sont alarmées de la censure de certains médias privés en Guinée et des restrictions de l'accès aux réseaux sociaux pendant cette période de crise.
L'Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme et du Citoyen (OGDH) a appelé les autorités, dans un communiqué, à rétablir l'accès aux réseaux sociaux et aux médias privés "compte tenu du rôle que ces derniers jouent en terme d'informations des populations sur l'ensemble du territoire national" et pour favoriser "une sortie de crise rapide".
"Les violations du droit à la liberté d'expression sont désormais permanentes, et s'ajoutent à celles du droit de réunion pacifique entre autres", a aussi dénoncé Samira Daoud, directrice du bureau d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, citée dans un communiqué de l'ONG.
Depuis le début de l'année, l'accès à internet et/ou aux réseaux sociaux a été restreint à plusieurs reprises, des sites d'information en ligne ont été inaccessibles, des radios ont été rendues inaudibles et retirées de l'offre de certaines plateformes de diffusion. Plusieurs distributeurs, notamment Canal+, ont été sommés en décembre par la Haute Autorité de la Communication (HAC) de suspendre la diffusion de chaînes de télé privées pour des "impératifs de sécurité nationale".