La Cour de justice de la CEDEAO a ordonné vendredi la libération du président nigérien Mohamed Bazoum, renversé par un coup d'Etat militaire fin juillet, au moment où l'organisation régionale ouest-africaine, a, selon un de ses émissaires, commencé à discuter de la transition avec le régime de Niamey.
Niger : la Cour de justice de la CEDEAO exige la liberation de Bazoum
La Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) "ordonne au défendeur (le pouvoir militaire à Niamey, ndlr) la mise en liberté immédiate et sans condition de tous les requérants", à savoir le président Bazoum, son épouse et son fils, a affirmé le juge, qui a délibéré à Abuja.
"Le défendeur a violé leur droit à ne pas être détenus arbitrairement. C'est Mohamed Bazoum qui représente l'Etat du Niger, il demeure président de la République, a assuré le juge.
La Cour a également demandé que Mohamed Bazoum soit réinstallé dans ses fonctions. Mohamed Bazoum est séquestré dans sa résidence présidentielle avec sa femme Haziza et leur fils Salem, depuis qu'il a été renversé par un coup d'Etat le 26 juillet.
Mi-septembre, le président déchu avait saisi la Cour de justice de la CEDEAO pour obtenir sa libération et le rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays.
"Les décisions de la Cour ne sont susceptibles d'aucun recours", a écrit le collectif d'avocats de Mohamed Bazoum dans un communiqué transmis à l'AFP.
Selon Seydou Diagne, l'un d'entre eux, la Cour a "condamné, pour la première fois, des autorités militaires qui, avec leur coup d'Etat, ont violé les principes de convergence constitutionnelle de la Cedeao".
"C'est la responsabilité de la CEDEAO et de ses Etats membres de s'assurer que cette décision de justice soit effectivement appliquée", a ajouté Me Florence Loan, citée dans le document.
Ces décisions, censées s'imposer aux États parties, ne sont toutefois pas toujours appliquées par ceux-ci.
Et la victoire judiciaire du président déchu pourrait s'avérer largement symbolique. Réunie en sommet dimanche, la CEDEAO a pris acte du changement de régime, reconnaissant pour la première fois que Mohamed Bazoum a "été effectivement renversé par un coup d'Etat militaire".
Si l'organisation en tire les conséquences logiques, annonçant la suspension du Niger de l'ensemble de ses "organes de décision" jusqu'au rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays, elle a dans la foulée repris langue avec le pouvoir militaire à Niamey.
"Timing" de la transition
Ainsi, le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, en visite jeudi à Niamey, a affirmé à la télévision nationale nigérienne Télé Sahel avoir "convenu du contenu" et du "timing de la transition" au Niger avec le Premier ministre de ce pays, un civil nommé par les militaires, Ali Mahaman Lamine Zeine.
"Nous allons d'ores et déjà présenter aux chefs d'Etats médiateurs et à la Commission de la Cedeao ce contenu (...) convenu ensemble", a-t-il ajouté.
Selon Télé Sahel, M. Dussey reviendra à Niamey en janvier avec son homologue de la Sierra Leone, Timothy Kabba.
Dimanche, lors de son sommet à Abuja, la Cedeao a ouvert la voie à un allègement de ses lourdes sanctions économiques et financières à l'encontre du Niger, le conditionnant à une "transition courte" avant un retour des civils au pouvoir.
Il a aussi été décidé à Abuja qu'un comité composé des présidents du Bénin, du Togo et de la Sierra Leone négocierait avec le régime militaire nigérien les engagements à mettre en œuvre, avant un éventuel assouplissement des sanctions.
En août, le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, avait déclaré que la durée de la transition n'excèderait pas trois ans et serait fixée par "un dialogue national inclusif".