Mali : les casques bleus de l’ONU quittent précipitamment le pays

Sur cette photo prise le vendredi 7 décembre 2018, des soldats de la paix de l'ONU à bord d'un véhicule blindé mènent une patrouille   -  
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Sam Mednick/

La mission de l'ONU repoussée du Mali a été contrainte par les actions de la junte au pouvoir de précipiter son départ et de saboter le matériel laissé sur place, avant de risquer la vie de ses soldats de maintien de la paix sur la route, faute d'autorisations de vol.

La Minusma a été chassée après que la junte au pouvoir depuis 2020 a appelé à son retrait en juin, proclamant "l'échec" de la mission et dénonçant sa prétendue "instrumentalisation" de la question des droits de l'homme.

Voici un aperçu de cette opération d’envergure et risquée, qui met fin à dix années d’efforts pour tenter de stabiliser un pays en proie au jihadisme et à une profonde crise multidimensionnelle.

- Tensions de toutes parts - La Minusma, dont l'effectif oscille autour de 15 000 militaires et policiers et dont plus de 180 membres ont été tués dans des actes hostiles, devrait être partie d'ici le 31 décembre.

Les différents acteurs armés qui luttent pour le contrôle du territoire du nord cherchent à profiter de l'évacuation des camps de la Minusma. L'armée se précipite pour les reprendre. Les groupes séparatistes à majorité touareg qui s'opposent à l'armée ont repris les hostilités contre elle. Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, a intensifié ses attaques.

La Minusma se retire donc en pleine escalade militaire, rendue plus dangereuse par ce qui est perçu comme des restrictions imposées par les autorités sur sa capacité de manœuvre.

 Contingents attaqués

Après avoir quitté cinq camps depuis août, la Minusma a achevé dimanche son "retrait accéléré" de Tessalit. Elle l'a fait, dit-elle, dans un "environnement extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel", avec des coups de feu tirés sur l'un de ses avions cargo et sur ses positions les jours précédents.

Une partie du contingent, essentiellement tchadien, est repartie par avion. Mais les autres prirent la route de Gao. Plus de 500 kilomètres de désert, sous la menace constante des groupes armés.

Même son de cloche avec le retrait d'Aguelhok le lendemain, faute d'autorisation de vol.

Selon la Minusma, ces convois ont été attaqués à coups d'engins explosifs, faisant des blessés. Le GSIM a revendiqué la responsabilité. Un chauffeur de camion a été grièvement blessé et deux autres légèrement blessés jeudi lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur un convoi logistique en provenance d'Ansongo, un autre camp à évacuer, a rapporté la mission.

 Matériel abandonné 

 La Minusma a déclaré avoir été contrainte de détruire ou de mettre hors service des équipements tels que des véhicules, des munitions et des générateurs, conformément aux règles de l'ONU, car elle n'était pas en mesure de les emporter avec elle. "De telles pertes auraient pu être évitées" si 200 camions n'avaient pas été bloqués à Gao depuis le 24 septembre par les restrictions de circulation imposées par les autorités, a-t-elle expliqué.

Des camions-citernes destinés à ravitailler les convois sont également bloqués à Gao.

"La douane a expliqué que la quantité de carburant n'était pas justifiée", a indiqué un responsable de la mission. Un policier malien basé à Gao affirme que les autorités ont peur « de voir la Minusma livrer du carburant aux jihadistes ».

- Méfiance exacerbée - Une telle allégation, fondée sur aucun élément probant, reflète la méfiance entre la Minusma et la junte.

Une note confidentielle consultée par l'AFP et destinée au Conseil de sécurité de l'ONU par le Département des opérations de maintien de la paix liste les obstacles à surmonter par la Minusma : refus d'autorisations de vol ou de voyage, mais aussi embargo sur les importations à son attention ou impossibilité de patrouiller. autour de ses propres camps pour les surveiller. La Minusma a élaboré un plan B de retrait, incluant des mesures de dernier recours.

Le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, a accusé l'ancien allié français, que la junte a également chassé, de n'avoir "ménagé aucun effort pour faire fuir la Minusma".

En accélérant son mouvement, la Minusma bouleverse les plans de l'armée, qui refuse de laisser carte blanche aux indépendantistes.

"La junte a pris la décision d'expulser la Minusma, mais on lui impose le calendrier de retrait", explique Jonathan Guiffard, expert associé à l'Institut Montaigne.

 Et maintenant Kidal 

Les tensions risquent de s'accentuer avec le départ de Kidal, fief de la rébellion touarègue et enjeu majeur de souveraineté.

Le départ était initialement prévu pour la seconde quinzaine de novembre. Cela pourrait arriver plus rapidement, un responsable de la Minusma évoquant une affaire de quelques jours.

Un responsable de la mission a déclaré que le personnel non essentiel avait commencé à partir.

"Nous n'allons pas rester les bras croisés et mettre nos troupes en danger", a déclaré un officier tchadien.

Compte tenu de la sensibilité du sujet, plusieurs interlocuteurs restent anonymes.

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