Un certain calme régnait jeudi dans la région éthiopienne de l'Amhara, selon des habitants interrogés par l'AFP, au lendemain de l'annonce de la "libération" de plusieurs grandes villes après plusieurs jours de combats entre l'armée fédérale et des milices locales.
Éthiopie : retour au "calme" en Amhara après un retrait des milices
Mercredi soir, le gouvernement éthiopien a annoncé que six villes avaient été "libérées de la menace des bandits" : la capitale régionale Bahir Dar, Gondar, Lalibela, Shewa Robit, Debre Berhan et Debre Markos . Des couvre-feux ont été imposés dans ces six villes.
La région a été placée en état d'urgence vendredi dernier après un regain de combats entre l'armée fédérale et des combattants locaux, dont la milice nationaliste amhara Fano , menaçant d'embraser à nouveau le nord de l’Éthiopie, neuf mois seulement après la fin d'un conflit dévastateur dans la région voisine du Tigré.
Aucun bilan officiel de ces affrontements n'a été communiqué, mais deux médecins de Bahir Dar et Gondar ont affirmé à l'AFP avoir vu de nombreux civils morts ou blessés dans leurs établissements.
"L'ENDF (l'armée éthiopienne, ndlr) a repris du terrain dans de nombreux endroits et contrôle les grandes villes" , a résumé jeudi à l'AFP un travailleur humanitaire basé à Dessie, dans l'est de l'Amhara. "Mais de nombreux districts sont toujours aux mains des combattants de Fano dans la région du Sud Wollo (où se trouve Dessie, ndlr). Fano contrôle aussi une grande partie des campagnes dans ces zones" , a-t-il souligné.
L'accès à la région étant restreint, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain. Selon des habitants interrogés par l'AFP, l'armée a investi les rues des principales villes depuis mercredi, après que les milices Fano s'en sont retirées.
À Bahir Dar, la situation était "extrêmement calme" jeudi, a déclaré un habitant, qui n'a donné que son prénom, Tesfahun, pour des raisons de sécurité. "L'ENDF arpente la ville. (...) Il y a des contrôles porte-à-porte par les soldats à la recherche d'éventuels suspects" , a-t-il ajouté.
Mercredi soir, plusieurs églises ont accueilli des cérémonies d'enterrement de civils , a-t-il précisé. A Gondar, la deuxième ville de la région, la vie n'a pas encore repris malgré le départ des combattants Fano, qui se sont retirés "dans les forêts en périphérie de la ville" , selon un chauffeur de tuktuk, Simachew.
"Les transports n'ont pas redémarré, les services d'électricité ne fonctionnent pas" , a détaillé un habitant de 62 ans, sous couvert d’anonymat. "Nous attendons de voir ce qui va se passer, assis à l'intérieur de nos maisons" .
A Lalibela, site touristique réputé pour ses églises creusées dans le roc classées au patrimoine mondial de l'UNESCO , la ville tourne également au ralenti.
"Les gens sont sortis ce matin pour aller à l'église mais depuis, ils restent majoritairement chez eux" , a raconté un commerçant d'une trentaine d'années, même si "les banques, les institutions gouvernementales et les restaurants ont largement rouvert" .
La compagnie nationale Ethiopian Airlines a annoncé avoir repris jeudi matin les vols, brièvement suspendus, vers deux des quatre aéroports de la région, Bahir Dar et Gondar.
Les tensions en Amhara sont allées croissant depuis avril, après que le Premier ministre Abiy Ahmed a annoncé vouloir démanteler les "forces spéciales" , des unités paramilitaires créées par de nombreux États régionaux depuis une quinzaine d'années.
Les nationalistes amhara estiment que le gouvernement veut affaiblir leur région, les "forces spéciales" amhara, ainsi que la milice Fano, ayant été des alliés cruciaux du gouvernement durant la guerre du Tigré entre novembre 2020 et novembre 2022.
Cette annonce est venue alimenter un ressentiment né de l'accord qui a mis fin à ce conflit. Les forces amhara occupent depuis le conflit le Tigré occidental, zone administrativement rattachée au Tigré mais revendiquée par les Amhara et dont les Tigréens réclament la restitution aux termes de l'accord de paix.