Ousmane Sonko, plus farouche opposant au président Macky Sall et candidat à l'élection présidentielle de 2024, a été inculpé et écroué lundi pour divers crimes dont l'appel à l'insurrection ayant provoqué, selon le gouvernement, des morts justifiant la dissolution du parti de M. Sonko qui a dénoncé cette décision "anti démocratique".
Sénégal : le Pastef dissous, les avocats de Sonko dénoncent une vendetta
M. Sonko, 49 ans, investi candidat par son parti, voit ainsi s'ouvrir une troisième procédure judiciaire à son encontre, qui risque de compromettre encore davantage sa participation à la présidentielle de février 2024.
Moins de deux heures après son inculpation, le ministre de l'Intérieur Antoine Diome a annoncé dans un communiqué la dissolution de son parti, le Pastef , justifiant sa décision par ses appels "fréquents" à des "mouvements insurrectionnels" qui ont fait selon lui de nombreux morts en mars 2021 et juin 2023 et entraîné "des actes de saccage et de pillage de biens publics et privés".
La "stabilité (du Sénégal) est désormais compromise, car le peuple n'acceptera jamais cette ultime forfaiture" du pouvoir contre "le favori" de la présidentielle, affirme le parti de Sonko dans un communiqué transmis à l'AFP. Il a dénoncé un emprisonnement "sous des motifs fallacieux" et dit attendre une "notification" de la dissolution "anti démocratique" pour l'attaquer par des "voies légales".
L'opposant a été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de moeurs, un verdict qui le rend inéligible, selon des juristes. Sa condamnation a engendré les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, qui ont fait seize morts selon les autorités, une trentaine selon l'opposition.
"Farce"
"C'est une farce", a réagi Me Ciré Clédor Ly au placement en détention de son client pour huit chefs d'accusation, dont "appel à l'insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l'État, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste" et "complot contre l'autorité de l'État".
L'avocat a dénoncé "un dessein qui a été formé, réfléchi, planifié et qui a été exécuté".
L'opposant poursuivait lundi sa grève de la faim qu'il a entamée dimanche, ont dit ses avocats. Ils n'ont pas précisé le lieu où il allait être incarcéré.
"Je viens d'être injustement placé sous mandat de dépôt. Si le peuple sénégalais, pour qui je me suis toujours battu, abdique et décide de me laisser entre les mains du régime de Macky Sall, je me soumettrai, comme toujours, à la volonté divine", a réagi M. Sonko sur les réseaux sociaux.
Il avait été arrêté vendredi après avoir notamment affirmé sur les réseaux sociaux que les forces de sécurité présentes devant son domicile l'avaient filmé. Il a précisé avoir "personnellement arraché le téléphone et demandé à la personne de le déverrouiller et d'effacer les images qu'elle a prises", ce que cette dernière a refusé de faire.
Des gendarmes l'ont ensuite arrêté.
Des heurts sporadiques ont éclaté lundi en début de soirée aux Parcelles assainies, dans la banlieue, où des jeunes se sont attaqués aux forces de l'ordre qui les ont dispersés avec des gaz lacrymogènes, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Libérez Sonko !", ont scandé ces jeunes qui ont brûlé des pneus et érigé des barrages de pierres sur la chaussée.
"On s'attend forcément à des manifestations. La question c'est de savoir pour combien de temps et dans quelle proportion ?" , a déclaré à l'AFP Mamadou Ngom, un éducateur.
"Cette fois je crois que c'est cuit pour Sonko. Les jeunes vont certes sortir mais ils n'y peuvent plus rien", a de son coté estimé Sidiya Tall, 34 ans.
Les autorités sénégalaises ont par ailleurs coupé lundi temporairement l'accès à internet sur les téléphones mobiles en mettant en avant la "diffusion de messages haineux et subversifs" sur les réseaux sociaux, après les appels à manifester contre l'arrestation de M. Sonko.
Amnesty international a dénoncé cette restriction, qu'elle considère comme "une atteinte à la liberté d'information", et appelé les autorités à "rétablir l'internet", dans un message sur Twitter (rebaptisé X).
Inquiétudes
Dans le centre de Dakar, de nombreuses personnes, inquiètes, se précipitaient pour prendre les moyens de transport qui se faisaient rares.
A Ziguinchor, la grande ville du sud dont M. Sonko est le maire, des heurts ont éclaté lundi entre ses partisans et la police.
Des groupes de jeunes mobiles y ont lancé des pierres aux policiers qui ont tenté de les disperser à coup de grenades lacrymogènes.
M. Sonko crie au complot du président Macky Sall pour l'écarter de la présidentielle de 2024. Le chef de l'Etat sénégalais, élu en 2012 pour sept ans puis réélu en 2019 pour cinq ans, s'en est défendu. Il a annoncé le 3 juillet qu'il ne se présenterait pas à ce scrutin.