Le président sierra-léonais Julius Maada Bio a exprimé dans un entretien avec l'AFP l'espoir qu'une médiation africaine aide à mettre fin à la guerre en Ukraine le plus vite possible, pour les populations sur place mais aussi pour "les plus pauvres parmi les pauvres", dont son pays fait partie.
Maada Bio : "Pour le bien de l'humanité, arrêtons la guerre en Ukraine"
"Nous souffrons tous de la guerre en Ukraine", a déclaré M. Bio au cours de cette interview accordée mercredi dans son bureau à Freetown.
"Nous autres dirigeants internationaux, préoccupés du bien-être des gens, en particulier des plus pauvres parmi les pauvres, nous avons tous intérêt à faire en sorte que la guerre cesse le plus vite possible, avec toute la souffrance qu'elle produit là-bas, en particulier en tant que pays qui a déjà connu la guerre, mais aussi (à cause de) son impact sur nous", a-t-il dit, semblant faire référence à la guerre civile subie par son pays entre 1991 et 2002.
M. Bio, élu en 2018 et candidat à sa réélection à la présidentielle du 24 juin, était interrogé sur la mission de paix que six dirigeants africains - dont il ne fait pas partie - pourraient mener sous peu, peut-être début juin, à Kiev et Moscou, selon l'Afrique du Sud.
Après la pandémie de Covid-19, l'Afrique a durement accusé le coup de cette guerre et de ses conséquences sur les approvisionnements et les prix. Les pays africains se sont divisés à l'ONU sur la guerre.
Interrogé sur la faculté de l'Afrique de parler d'une même voix, M. Bio a répondu: "Il n'y a qu'une parole à tenir, nous n'en avons qu'une: arrêtons ce conflit. C'est pour le bien de l'humanité, à cause de ce qui est en train de se passer: arrêtons cette guerre".
"Même ceux qui sympathisent avec la Russie sont pour qu'on stoppe cette guerre", a-t-il renchéri.
La Sierra Leone a voté aux Nations unies avec l'Occident pour la fin de la guerre en Ukraine et le retrait par la Russie de ses troupes, à la différence de nombreux pays africains qui se sont abstenus ou, dans une moindre mesure, ont voté contre.
A un mois de la présidentielle, M. Bio a souligné que, sans "les facteurs exogènes" comme la pandémie, la guerre en Ukraine et leurs effets sur un pays fortement dépendant des importations et très vulnérable aux chocs extérieurs, il ne serait pas accaparé par la lutte contre l'inflation, les pénuries et la dégradation du taux de change de la monnaie nationale par rapport au dollar.
"Mendicité" et souveraineté
Il a défendu l'action de son gouvernement, par exemple la levée des taxes sur les importations de produits de première nécessité comme le riz ou le carburant. Il a aussi invoqué les progrès accomplis selon lui contre la corruption et pour l'éducation.
Il a dit ne pas vouloir relâcher ces efforts, mais a exprimé l'intention de mettre l'accent sur l'agriculture, pour ne plus avoir à importer de riz, aliment de base dans le pays.
"Après avoir gagné cette élection, je mettrai l'agriculture en tête de mes politiques pour faire en sorte que nous soyons autosuffisants pour le riz et beaucoup d'autres choses", a-t-il dit.
Il s'agit aussi de rompre avec la dépendance à l'aide internationale.
"Je ne crois pas à l'aide. Je crois que nous pouvons en faire assez pour développer nos propres ressources", a-t-il dit. L'aide donne le "mauvais exemple" à l'être humain qui est "normalement paresseux".
"Ce n'est jamais agréable de faire la mendicité auprès d'autres pays quand vous êtes une nation souveraine", a-t-il dit.
La Sierra Leone fait face à ces défis dans un environnement régional incertain. L'Afrique de l'Ouest a été secouée depuis 2020 par une série de coups d'Etat au Mali, en Guinée et au Burkina Faso et est confrontée à la propagation jihadiste. La Sierra Leone a elle-même connu en août 2022 des émeutes contre la hausse des prix et contre le président qui ont causé la mort de 27 civils et six policiers.
"Nous connaissons des difficultés extrêmes", mais "le monde a la tête ailleurs", et "il y a des limites" à ce que peuvent faire les organisations régionales pour maintenir la stabilité chez l'un ou l'autre, a reconnu M. Bio.
"Tout le monde (les dirigeants de chaque pays) est en train de voir, + Qu'est-ce que je peux faire pour maintenir la stabilité dans mon petit monde ? +", a-t-il admis.