On parle de la préservation du patrimoine africain avec Lazare Eloundou Assomo, nouveau directeur du patrimoine mondial de l'Unesco.
Lazare Eloundou, premier africain à la tête du Patrimoine mondial de l'UNESCO
Bridget Ugwe, Africanews : Pour ceux qui ne sont pas forcément familiers avec l'institution, pouvez-vous nous expliquer en quoi, concrètement, consiste votre mission au sein de l'Unesco?
Lazare Eloundou Assomo, Directeur du Patrimoine mondial de l'Unesco : Ma mission en tant que directeur du patrimoine mondial au sein de l'Unesco est d'abord d'encourager les pays du monde entier à identifier les sites situés sur leur territoire afin de les proposer pour inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco.
Une autre de mes missions est d'encourager la coopération internationale dans le domaine de la préservation des sites culturels et naturels existants, afin que ces sites jouent un rôle dans le développement des différents pays et dans la reconnaissance de leur diversité culturelle.
Enfin, nous aidons également les pays qui n'en ont pas les moyens à préserver leurs sites en leur fournissant une assistance qui peut être technique, aussi bien que financière.
L'annonce de votre nomination a été très bien accueillie et plus particulièrement sur le continent africain. Vous êtes en effet le premier Africain à prendre les rênes du Patrimoine mondial de l'Unesco. Cela fait 21 ans que vous travaillez sur le terrain à des missions de restauration, de réhabilitation. Vos premiers pas vous ont d'ailleurs conduits en Afrique du Sud. Vous étiez alors un jeune architecte. Vous avez fait une rencontre qui vous a marqué. Est ce que vous pouvez nous raconter?
J'étais allé précisément en Afrique du Sud pour aider le gouvernement sud africain à construire un million de logements pour les populations des Townships. C'était juste après les élections, l'indépendance, etc ... Avec mes collègues, nous voulions laisser aux Sud-Africains la possibilité de construire eux-même leurs propres logements, en leur proposant à la fois formation et opportunités de contrats.
C'est arrivé aux oreilles du président Nelson Mandela, qui m'a alors fait l'honneur de venir visiter les chantiers que je dirigeais et avec qui j'ai passé un moment extraordinaire ! J'ai découvert un homme d'une humilité incroyable !
Je pense que quand vous vivez une expérience comme celle-ci, elle vous guide pour la suite de votre vie professionnelle. Merci beaucoup, vraiment, de me rappeler ce moment là.
En 2003, vous rejoignez l'Unesco et vous contribuez à la création du Fonds pour le Patrimoine mondial africain. C'est un de vos combats, de corriger ce manque de représentation du continent africain au Patrimoine mondial ?
La représentativité de tous les sites du patrimoine mondial, de toutes les régions du monde est très importante, surtout pour l'Afrique que l'on connaît comme étant le berceau de l'humanité, avec ses spécificités très importantes que l'on soit d'Afrique de l'Est, d'Afrique de l'Ouest, d'Afrique centrale ou d'Afrique australe.
Aujourd'hui, la liste du patrimoine mondial compte de nombreux sites africains.
Mais sur les 1 154 sites inscrits au Patrimoine mondial, moins de dix pour cent se trouvent en Afrique !
Et je me joins à la directrice générale de l'Unesco, madame Audrey Azoulay, pour dire qu'il faut faire un peu plus de place à l'Afrique. Nous allons travailler dans ce sens avec les gouvernements africains pour identifier plus de sites méritant leur inscription et leur reconnaissance au Patrimoine mondial.
Quels sont les grands chantiers qui vous attendent?
Cette année, en 2022, nous célébrons les 50 ans de la Convention du Patrimoine mondial. Nous ferons le bilan de toutes les grandes réalisations de ces cinquante dernières années, et verrons comment nous projeter sur les 50 années à venir, afin que le Patrimoine mondial continue de jouer son rôle pour la coopération internationale, la préservation de la paix et la lutte contre tous les défis globaux auxquels la planète est confrontée.
Sur les questions écologiques et environnementales, nous allons travailler à la réduction des effets du changement climatique sur les sites du Patrimoine mondial. On le voit aujourd'hui dans le monde entier la montée des eaux, l'érosion côtière, les feux de forêt ... tous ces désastres font que si nous n'agissons pas, les sites du Patrimoine mondial vont disparaître ! Or nous savons qu'ils sont très importants car ce sont des références de l'histoire des différents peuples et de leur grandeur.
Enfin, nous allons continuer à travailler sur la protection du Patrimoine culturel face aux conflits armés si destructeurs.
Voilà quelques-uns des chantiers, et il y en a beaucoup, sur lesquels nous allons travailler, ensemble, avec tous les gouvernements.