Alaa Abdel Fattah, une figure centrale de la révolte de 2011 en Egypte actuellement en détention provisoire, a été condamné à cinq ans de prison par un tribunal d'exception du Caire pour "diffusion de fausses informations", a annoncé lundi sa soeur.
Egypte : 5 ans de prison pour Alaa Abdel Fattah, figure de la révolte
Une source judiciaire sous couvert d'anonymat a confirmé le jugement, qui ne peut faire l'objet d'un appel.
"Alaa a été condamné à cinq ans" de prison, a écrit Mona Seif sur son compte Twitter.
Deux autres militants ont été condamnés à quatre ans de prison pour les mêmes charges : Mohamed al-Baqer, l'ancien avocat de M. Abdel Fattah, et le blogueur Mohamed Ibrahim, alias Oxygen.
Surnommé "l'icône de la révolution" de 2011 qui a chassé le président Hosni Moubarak du pouvoir, M. Abdel Fattah a déjà fait l'objet de plusieurs condamnations. Il a été emprisonné sous l'autocrate Hosni Moubarak (1981-2011), son successeur islamiste Mohamed Morsi (2012-2013) et l'actuel chef de l'Etat Abdel Fattah al-Sissi.
Il était en détention provisoire depuis plus de deux ans et a passé au total sept ans en prison depuis 2013.
Des années en prison
Les Etats-Unis, qui ont déjà gelé 10% de leur aide en raison des violations répétées des droits humains qu'ils reprochent à ce pays allié, ont exprimé leur "déception" au sujet de ces condamnations.
"Les journalistes, les défenseurs des droits humains et tous ceux qui veulent exercer pacifiquement leur liberté d'expression devraient pouvoir le faire sans risquer" des "représailles", a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price, affirmant que les relations américano-égyptiennes sortiraient "renforcées" d'une amélioration sur ce front en Egypte.
M. Abdel Fattah, militant politique et programmeur informatique, avait été arrêté en 2013 après une manifestation non autorisée. Il était accusé d'avoir organisé une "manifestation illégale", "provoqué une émeute", "frappé un officier de police et volé son émetteur radio".
Il avait cependant continué de s'exprimer sur les réseaux sociaux, défendant notamment les droits d'autres anciens détenus, contraints de passer leurs nuits derrière les barreaux après leur sortie de prison.
Libéré sous contrôle judiciaire en mars 2019, M. Abdel Fattah avait été arrêté avec son avocat Mohamed al-Baqer en septembre de la même année.
Les deux hommes avaient été ajoutés à la liste "terroriste" du Caire fin 2020.
M. Ibrahim, fondateur du blog "Oxygen Egypt", a lui aussi été arrêté en 2019 après avoir publié sur les réseaux sociaux des vidéos sur des manifestations antigouvernementales, selon Amnesty International.
Selon la loi égyptienne, la durée de la détention provisoire ne peut excéder deux ans, mais en pratique, les détenus peuvent rester plus longtemps derrière les barreaux.
En octobre, un recueil des articles de M. Abdel Fattah parus depuis 2011 avait été publié sous le titre "Vous n’avez pas encore été vaincu".
60 000 détenus d'opinion
Dans un éditorial publié par le New York Times samedi, sa mère avait déploré que "le monde détournait le regard" après avoir été "autrefois inspiré par les révolutionnaires égyptiens".
"Son crime, comme des millions de jeunes en Egypte et ailleurs, était de croire qu'un autre monde était possible. Et il a eu le courage d'essayer de rendre cela possible", a-t-elle écrit.
Le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), qui considère les blogueurs comme étant des journalistes, a rejeté le verdict comme "inacceptable".
Il "montre jusqu'où les autorités sont prêtes à aller pour punir ces journalistes pour leur travail", a déclaré Sherif Mansour, du CPJ, qui a appelé à leur "libération immédiate".
Depuis son arrivée au pouvoir, à la suite de la destitution Mohamed Morsi à l'été 2013, le président Sissi est accusé par des ONG internationales de mener une répression tous azimuts contre les opposants et les défenseurs des droits humains.
Selon elles, l'Egypte compte plus de 60.000 détenus d'opinion.
Le gouvernement dément et met l'accent sur le maintien de la stabilité dans le pays.
Les autorités égyptiennes reprochent régulièrement aux ONG locales et internationales de bénéficier de financements douteux et d'agir sur la base de motifs politiques contre les intérêts du Caire.