Le Premier ministre Abiy Ahmed a appelé mardi "tous les Éthiopiens aptes et majeurs" à rejoindre les forces armées, alors que le conflit qui dure depuis neuf mois au Tigré s'est étendu ces dernières semaines à deux régions voisines du nord du pays.
Abiy Ahmed appelle à la mobilisation générale
"C'est maintenant le moment pour tous les Éthiopiens aptes et majeurs de rejoindre les forces de défense, les forces spéciales et les milices et de montrer leur patriotisme", a déclaré dans un communiqué le bureau du Premier ministre, moins de deux mois après avoir décrété un cessez-le-feu.
Le conflit au Tigré connaît depuis fin juin un spectaculaire renversement de situation.
Les combats ont débuté en novembre dernier après l'envoi par le Premier ministre Abiy Ahmed de l'armée fédérale au Tigré pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Selon le prix Nobel de la Paix 2019, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l'armée fédérale ordonnées par le TPLF.
Abiy Ahmed a proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale Mekele.
Mais le 28 juin, les forces rebelles pro-TPLF ont repris Mekele, puis une grande partie du Tigré les jours suivants.
Après un cessez-le-feu décrété par Abiy Ahmed -officiellement pour des raisons humanitaires- et le retrait des soldats éthiopiens, les forces tigréennes ont poursuivi leur offensive vers les régions voisines de l'Amhara, au sud, et de l'Afar, à l'est.
La semaine dernière, elles se sont notamment emparées de la ville amhara de Lalibela, qui abrite des églises classées au patrimoine mondial de l'Unesco.
Dans sa déclaration, le bureau du Premier ministre annonce que désormais les forces de sécurité "ont pour instruction de mettre fin une fois pour toutes à la destruction menée par l'organisation traîtresse et terroriste du TPLF et les machinations étrangères".
- Civils tués en Afar -
Mardi, un responsable d'un hôpital en Afar a indiqué qu'au moins 12 personnes ont été tuées et des dizaines blessées le 5 août dans une attaque contre des civils dans la localité de Galicoma.
"Douze cadavres sont arrivés à l'hôpital", a indiqué à l'AFP le Dr Abubeker Mahammud, directeur de l'hôpital de référence de la ville de Dubti, où des victimes ont été transportées. Il a également fait état de "près d'une cinquantaine" de blessés, dont "près de 75% ont été blessés par balle".
Selon le médecin, les survivants affirment avoir été visés par des combattants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Des responsables du gouvernement régional de l'Afar ont évoqué, eux, un bilan d'au moins 200 morts à Galicoma, qui n'a pas pu être vérifié de manière indépendante.
Ayish Yasin, cheffe du bureau pour les femmes et les enfants au sein du gouvernement régional, a notamment déclaré à l'AFP que "200 corps de civils ont été retrouvés (...) et plus de 48 sont toujours portés disparus". "Sur les 200 corps, 107 sont des enfants", a-t-elle ajouté.
Selon Mme Ayish, il s'agit de civils qui ont été tués par des tirs d'artillerie et enterrés immédiatement.
- Accès humanitaire -
Selon les responsables du gouvernement local, cette attaque prouve la volonté belliciste du TPLF et son mépris pour la situation humanitaire catastrophique dans le nord de l'Ethiopie.
Le porte-parole du TPLF, Getachew Reda, a déclaré sur Twitter que les troupes gouvernementales avaient "lancé une offensive le 5 août contre (ses) forces à Galicoma". Le TPLF "travaillera avec les organes compétents pour enquêter sur tout incident", a-t-il ajouté.
L'aide humanitaire peine toujours à arriver dans la région.
Environ 400.000 personnes vivent dans des conditions de famine au Tigré, selon l'ONU. Lundi, le Programme alimentaire mondial (PAM) a estimé que 300.000 personnes étaient confrontées à des "niveaux d'urgence" alimentaire en Afar et Amhara.
Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU a annoncé mardi avoir pu accéder pour la première fois depuis le 13 juillet aux camps de Mai Aini et Adi Harush, qui accueillent des réfugiés érythréens au Tigré.
Mais cet accès "demeure limité du fait de la situation sécuritaire complexe et instable", a affirmé le porte-parole du HCR Boris Cheshirkov.
"Les services essentiels tels que les soins de santé ne sont toujours pas assurés et l'eau potable se raréfie", a-t-il ajouté, en appelant une nouvelle fois à un "passage sûr" pour les convois humanitaires.
Le TPLF répète régulièrement qu'il ne souhaite pas s'emparer de territoires en Amhara et en Afar, mais qu'il veut faciliter l'accès pour l'aide humanitaire dans la région et éviter que les forces pro-gouvernementales ne se regroupent.