Le procès de Beny Steinmetz s’est ouvert à Genève ce lundi. L’homme d’affaires franco israelien est accusé d’avoir versé des pots de vin au gouvernement guinéen de l’ancien président Lansana Conté, pour l’exploitation de gisements de fer à Simandou, dans le sud est du pays.
De hauts dignitaires guinéens au centre du procès Steinmetz
A la fin des années 2000, le gouvernement guinéen de l'ancien président Lansana Conté avait déchu, peu avant sa mort en 2008, le groupe anglo-australien Rio Tinto de l'exploitation d'un des plus importants gisements de fer au monde à Simandou en Guinée. Ceci au profit du groupe Beny Steinmetz Resources (BSGR), dans lequel le diamantaire a le titre de conseiller.
Au cœur du dossier d'accusation dirigé par le parquet genevois : des pots-de-vin présumés d'environ 10 millions de dollars qui auraient transité notamment via des comptes suisses, et un "pacte de corruption" qui aurait été passé entre Beny Steinmetz et ses représentants en Guinée, et l'ancien président guinéen Lansana Conté ainsi que sa quatrième épouse, Mamadie Touré .
Celle-ci est appelée à comparaître ce mercredi, alors que beaucoup doutent de sa venue au tribunal correctionnel. "C'est le personnage clé dans cette affaire mais il est peu probable que Mamadie Touré n’assiste en personne au procès. Elle vit aujourd'hui aux Etats-Unis, où elle bénéficie d'un statut de témoin protégé" , a déclaré la porte-parole de l'ONG suisse Public Eye, Géraldine Viret , qui en 2013 avait publié un organigramme très complexe de BSGR.
Témoin de la Couronne
Au cours de cette première journée d'audience essentiellement dédiée au traitement des questions préjudicielles, la défense a réclamé que le témoignage de Mamadie Touré recueilli pendant l'instruction soit retiré de la procédure au motif que son statut aux Etats-Unis de "témoin de la Couronne" (accord de renonciation aux poursuites) n'est pas valable en Suisse.
C'est "un cas de subornation de témoin" , a assuré Me Marc Bonnant. Sa demande a toutefois été refusée par la présidente du tribunal, Alexandra Banna, qui a expliqué que rien ne s'opposait à ce que la justice suisse prenne en considération les déclarations d'un "témoin de la Couronne" à l'étranger.
Beny Steinmetz, 64 ans, qui était domicilié à Genève lorsque les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés, conteste entièrement les conclusions du parquet genevois qui l'accuse de "corruption d'agents publics étrangers et de faux dans les titres" . La défense clame que Beny Steinmetz "n'a jamais versé un centime à Mme Mamadie Touré" , et assure que cette dernière n'était pas l'épouse du président Conté, mais une maîtresse n'exerçant aucune influence.
Les audiences devraient se tenir jusqu’au vendredi 15 janvier, et le verdict attendu une semaine après.
Profits gigantesques
"L'affaire Steinmetz illustre les ravages de l'opacité lorsque des groupes s'en servent pour réaliser des profits gigantesques sur le dos de pays pauvres" , a expliqué Géraldine Viret. En 2013, Beny Steinmetz avait affirmé dans une interview à un journal français avoir investi 170 millions de dollars dans la mine de Simandou , avant d'en revendre 51% en 2010 au groupe brésilien de matières premières Vale pour 2,5 milliards de dollars, soit presque 30 fois plus cher.
A la suite de son élection en 2010, le nouveau président Alpha Condé avait lancé une remise à plat de tous les permis d'exploitation minière accordés par son prédécesseur, annulant notamment en 2014 les droits de BSGR. Après des années de bataille, Beny Steinmetz et la nouvelle présidence guinéenne étaient parvenus début 2019 à un accord convenant que BSGR renonce aux droits sur Simandou en échange d'un abandon des poursuites pour corruption .
Cet arrangement n'a toutefois pas mis fin aux poursuites du parquet genevois.