Avec la centrale de Barakah, les Émirats arabes unis se tournent vers l'énergie nucléaire

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Pour ce nouvel épisode, Inspire Middle East s'intéresse à l'énergie nucléaire, alors que les Emirats arabes unis viennent de mettre en service le réacteur un de la centrale de Barakah, la première du monde arabe.

Vous connaissez sûrement les utilisations de l'énergie nucléaire pour la production d'énergie et la fabrication d'armes - ce qui avait d'ailleurs conduit à la création de l' Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en 1957, pour encourager l'utilisation pacifique du nucléaire.

Mais depuis des décennies, cette technologie est aussi utilisée pour prolonger la durée de conservation des aliments, via un procédé appelé ionisation ou irradiation des aliments, découvert en France dans les années 1920. Il consiste à passer les fruits et légumes aux rayons gamma d’une source radioactive, comme le cobalt 60 ou le césium 137, pour détruire les micro-organismes, notamment ceux pouvant provoquer des intoxications alimentaires, comme la Salmonelle et E. Coli.

En archéologie, la technologie nucléaire avait été utilisée pour restaurer la momie de Ramsès II en 1977. Cette dernière, exposée sans protection au Musée du Caire, se décomposait à cause de la présence d'insectes et de bactéries, liées à l'humidité. Transférée à Paris, la momie a reçu un traitement par irradiation, ce qui a stoppé l'évolution d'une soixantaine de champignons, laissant toutefois intacts les cheveux, la peau et les dents fragiles du souverain.

L'utilisation médicale du nucléaire

La technologie nucléaire a prouvé son utilité dans diverses disciplines, grâce à sa grande précision. Aux Émirats arabes unis, certains scientifiques utilisent ces innovations dans le domaine médical. La clinique Cleveland à Abu Dhabi utilise ainsi une technologie de pointe, destinée au suivi des personnes souffrant de maladies cardiovasculaires.

Un radiotraceur émetteur de photons est injecté au patient par voie intraveineuse, avant de réaliser un examen SPECT - une technique d'imagerie nucléaire utilisant les rayons gamma. La technologie fournit des images 3D très précises du corps humain, permettant d'identifier des cas de faible débit sanguin et de mauvaise santé cardiaque en général.

Pour le docteur Haluk Alibazoglu, physicien à la clinique Cleveland, cette méthode précise et non invasive est l'avenir de la médecine. Et si la technologie nucléaire est principalement utilisée aujourd'hui pour les maladies cardiovasculaire, d'autres applications thérapeutiques sont possibles : " Cela se traduit par une médecine personnalisée, explique le docteur Alibazoglu. En procédant à l'imagerie de l'activité biologique de chaque organe, cela nous permettrait de développer des applications nucléaires thérapeutiques qui cibleront directement l'organe affecté."

Actuellement, les scanners de médecine nucléaire peuvent aider les médecins à détecter et à surveiller les cellules cancéreuses, leur croissance et les métastases.

Le potentiel de cette technologie a inspiré un étudiant en médecine de 20 ans en Algérie. Wail Amroune estime que la mort prématurée de son oncle, due à un cancer de l'estomac, aurait pu être évitée grâce aux capacités de détection précoce de la médecine nucléaire.

Afin de faire passer le message, Wail a créé des vidéos sur les réseaux sociaux. Dans celle-ci, l'étudiant détaille ses recherches actuelles sur la façon dont les médicaments radioactifs peuvent être utilisés dans la lutte contre le COVID-19 - en identifiant rapidement les maladies inflammatoires, qui rendent les gens plus fragiles face au virus. Grâce à son message et à la technologie nucléaire, Wail espère qu'il épargnera à d'autres personnes à travers le monde la perte de l'un de leurs proches.

La centrale nucléaire de Barakah, la première du monde arabe

Les Émirats arabes unis (EAU) sont en train de changer le futur de leur énergie. Le Programme d'énergie nucléaire pacifique a été lancé en 2008 et, grâce à leur transition vers une nouvelle ère d'énergie propre, les Emirats sont devenus le premier pays de la péninsule arabe à exploiter le nucléaire civile et le 33e au monde.

Le 1er août dernier, le pays a mis en service le réacteur numéro un de la centrale de Barakah, située dans la région Al Dhafra, dans l'émirat d'Abu Dhabi. Et après des dizaines d'examens par des organismes mondiaux comme l'Agence internationale de l'énergie atomique et des centaines d'inspections du régulateur indépendant des Émirats, la construction des deux dernières unités de l'installation est en cours. Développé par l' Emirates Nuclear Energy Corporation et ses principaux partenaires stratégiques, dont la Korea Electric Power Corporation, c'est l'un des projets les plus importants et les plus avancés au monde en terme de technologie.

Près de 3 000 emplois ont également été créés, notamment pour les Émiratis, qui représentent environ 60 % des travailleurs, aux côtés de 50 autres nationalités.

Barakah produira à terme près de 5,6 gigawatts d'électricité, soit un quart des besoins des EAU, tout en contribuant à réduire les émissions carbones du pays. L'unité une, tout juste connectée au réseau national, devrait progressivement fonctionner à plein régime dans le courant de l'année.

Pour en savoir plus, Inspire Middle East a rencontré son Excellence Mohamed Al Hammadi, le PDG de l'Emirates Nuclear Energy Corporation (ENEC).

Mohamed Al Hammadi : "Cela nous permettra d'éviter l'émission d'environ 21 millions de tonnes de CO2 par an"

Rebecca McLaughlin-Eastham, Euronews : Votre Excellence, merci de m'accorder cet entretien. Permettez-moi de commencer par la transition énergétique des EAU. Alors qu'ils continuent de réduire leurs émissions carbones, quel rôle l'énergie nucléaire pourrait-elle jouer ?

Mohamed Al Hammadi, PDG de l'ENEC : L'énergie nucléaire constituera une source d'énergie très sûre et fiable pour la nation et, une fois que les quatre unités seront opérationnelles, elles fourniront environ 20 à 25 % de l'électricité du pays, ce qui représente un changement majeur. Et cela nous permettra également d'éviter l'émission d'environ 21 millions de tonnes de CO2 par an. Pour mettre les choses en perspective, cela équivaut aux émissions de 3,2 millions de voitures. Les EAU comptent environ 3 millions de voitures. Cela signifie que les émissions liées au transport seront évitées sur une base annuelle, une fois que ces quatre unités seront opérationnelles.

Parlons justement de ces opérations de mise en service. Quelles sont les étapes à suivre pour relier ces quatre unités au réseau national ?

L'unité 2 est juste derrière l'unité 1 - elle se trouve à des stades avancés de test et de mise en service. L'unité 3 est également en phase de test et de mise en service et l'unité 4 vient de commencer les tests pour la mise en service. Mais aujourd'hui, la construction des quatre unités est terminée.

La main d'œuvre sera en grande partie émiratie. La centrale contribue donc aussi à stimuler l'emploi en ces temps économiques difficiles. Que pouvez-vous nous dire sur la qualification des nationaux pour ces postes ?

Ce qui rend le programme nucléaire très unique, c'est qu'il n'a que de très peu de ressources. Ainsi, le nombre de personnes qui exploitent et entretiennent la centrale est très faible. Cette concentration d'énergie rend cette industrie unique et nous permet de proposer des emplois très bien payés aux jeunes Emiratis. Deuxièmement, nous sommes très fiers qu'environ 20 % de notre main-d’œuvre soit composée de femmes. Une autre source de fierté pour moi est que cette centrale sera la première dans le monde arabe. Ce sera donc une fierté pour le monde arabe que cette centrale nucléaire fonctionne en toute sécurité à des fins civiles, pour produire de l'électricité selon les normes les plus élevées de sûreté, de qualité et de sécurité nucléaire.

En parlant du monde arabe, quel est le potentiel de cette centrale aux EAU pour la production d'énergie propre dans d'autres pays ? Ce modèle est-il transférable ?

Cela me ramène en 2008, lorsque nous avons démarré le programme. Mon équipe et moi-même sommes allés à l'Agence International d'Energie, pour apprendre comment construire une centrale nucléaire dans un pays qui n'a aucune expérience du nucléaire, qui n'a aucune centrale. En conclusion, les Emirats Arabes Unis sont un exemple pour les autres pays, comme en témoigne l'AIE. Et si un pays ou une nation veut envisager la construction de centrales nucléaires civiles, il sera guidé par le modèle des Émirats arabes unis. Cette centrale fonctionnera pendant soixante ans, ainsi, nos enfants et petits-enfants bénéficieront de cette nouvelle source d'énergie.

Pour conclure, la pandémie COVID-19 a perturbé le secteur mondial de l'énergie et ses chaînes d'approvisionnement, incitant de nombreux gouvernements à redoubler d'efforts en recherche et en développement dans le domaine des énergies alternatives, renouvelables et propres. Cela a-t-il été le cas à Abu Dhabi ? Votre calendrier a-t-il été perturbé ?

Merci, c'est une excellente question, car nous sommes en pleine pandémie mondiale, mais la réponse est simple, il n'y a pas eu d'impact. Nous avons réussi, grâce au leadership de la nation, à prendre beaucoup de mesures extrêmes dans les premiers jours, de bonnes décisions, pour nous assurer de protéger le site contre le COVID. En ce qui concerne l'autre partie de votre question, à savoir si ça a eu un impact sur les projets dans le pays ? Non, les Emirats poursuivent leur politique énergétique et leur stratégie de décarbonisation. Nous poursuivons donc notre stratégie, nous continuerons à naviguer dans des moments difficiles, c'est la nature de la vie. Les EAU sont très engagés à disposer de sources d'énergies propres et fiables.

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