L’Algérie a décidé mercredi de rappeler “immédiatement” pour consultations son ambassadeur en France, à la suite de la diffusion la veille de documentaires télévisés sur le mouvement de contestation antirégime, dans un climat de défiance à l’encontre des médias étrangers.
Alger rappelle son ambassadeur à Paris après des documentaires TV sur le "Hirak"
“Le caractère récurrent de programmes diffusés par des chaînes de télévision publiques françaises, dont les derniers en date sur France 5 et la Chaîne Parlementaire, le 26 mai 2020, en apparence spontanés et sous le prétexte de la liberté d’expression, sont en fait des attaques contre le peuple algérien et ses institutions” dont l’armée, “digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN)”, affirme le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Ce dernier fait allusion à deux documentaires, “Algérie Mon Amour” et “Algérie: Les Promesses de l’Aube”, diffusés mardi soir respectivement sur la chaîne du service public France 5 et La Chaîne Parlementaire (LCP).
Le premier, du journaliste et réalisateur français d’origine algérienne Mustapha Kessous, a déclenché dès sa diffusion de vifs débats sur les réseaux sociaux. Il a été retransmis en direct sur certaines pages Facebook, faisant surgir des divisions, notamment socio-culturelles, qui agitent le mouvement de contestation.
“Algérie mon amour” présente sur un ton très libre et sans tabou les témoignages de cinq jeunes —trois hommes et deux femmes originaires d’Alger, Oran et Tizi Ouzou notamment— qui ont participé au “Hirak”, le mouvement populaire antirégime qui a secoué l’Algérie pendant plus d’un an jusqu‘à sa récente suspension en raison de l‘épidémie de Covid-19.
“Sans commentaire”, a réagi mercredi soir le groupe public France Télévisions, dont France 5 est une des chaînes, interrogé par l’AFP.
Coup de chaud diplomatique
“Cet activisme où l’inimitié le dispute à la rancoeur, dévoile les intentions malveillantes et durables de certains milieux qui ne souhaitent pas l’avènement de relations apaisées entre l’Algérie et la France, après 58 ans d’indépendance, et ce dans le respect mutuel et l‘équilibre des intérêts qui ne sauraient faire l’objet de concession ou de marchandage”, a accusé le ministère algérien dans son communiqué.
Cette polémique illustre une énième fois la nature volatile des relations en Alger et l’ancienne puissance coloniale.
Début avril, l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, avait été convoqué aux Affaires étrangères après des déclarations tenues par un intervenant sur la chaîne internationale France 24, à propos de l’aide médicale chinoise, propos qui avaient fortement déplu aux autorités algériennes.
L’ambassadeur avait alors répondu que “l’ensemble des organes de presse jouissent d’une totale indépendance rédactionnelle en France, protégée par la Loi”. En d’autres termes, que les responsables algériens se trompaient d’interlocuteurs.
Au début de l’année, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait appelé, lors d’une rencontre avec des médias algériens, au “respect mutuel“ dans les relations franco-algériennes, en estimant que “l’Algérie n’est pas une chasse gardée de la France”.
“L’Algérie avec sa nouvelle génération et direction n’acceptera aucune immixtion ou tutelle”, avait-il averti.
Liberté de la presse en péril ?
Le président algérien faisait alors référence à des déclarations d’Emmanuel Macron au début du “Hirak”, quand le président français avait appelé à “une transition d’une durée raisonnable”, des propos alors considérés comme “une ingérence dans les affaires“ de l’Algérie.
Enfin, ce coup de chaud diplomatique survient au moment où la répression continue à s’abattre sur des opposants, des journalistes et médias indépendants ainsi que des internautes.
La justice algérienne a refusé mercredi la demande de liberté provisoire du journaliste Khaled Drareni, en détention depuis fin mars et devenu symbole du combat pour la liberté de la presse.
Le gouvernement algérien a bloqué ces dernières semaines plusieurs sites d’information en ligne accusés d‘être financés par des “organisation étrangères”.
L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par Reporters sans frontières (RSF). Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015 (119e).
AFP